CATASTROPHE EN COTE D'ALBATRE- LE CHRISPIERRE DAUPHIN
"QUATRE HOMMES EN ENFER"

Mise à jour 24-Mar-2009 20:19

Le Chrispierre

Le Chrispierre Dauphin le 7 octobre dernier

Une fortune de mer, une catastrophe maritime tient souvent à presque rien... Chaque jour, de par le monde, de nombreux navires sillonnant mers et océans risquent de sombrer. L'importance du trafic maritime n'est pas la seule raison des ces "presques catastrophes". Il suffit de regarder récemment l'actualité en ce domaine pour se rendre compte qu'un bateau s'échoue ici ou là.... comme ce fût le cas sur la Jaume Garde près de Porquerolles en 2008, qu'un autre vient terminer sa course sur le phare du Planier, en rade de Marseille, voulait-il imiter le Chaouen ? Deux exemples parmi tant d'autres.... mais pourquoi cela se produit-il encore de nos jours, à l'époque des GPS, satellites et autres instruments de navigation ultras sophistiqués ?

Notre propos n'est pas d'accuser ou de chercher à savoir pourquoi ces évènements se produisent... mais quoiqu'il en soit ce sont des faits qui parfois troublent l'esprit et l'on peut se demander légitimement quelles sont les raisons de incidents ?

Et puis, il y a les drames, nous pourrions presque dire les " vrais drames", des épisodes qui marquent la vie de ceux qui les traversent et qui, avec un courage exemplaire, s'en sortent in extrémis. Telle est l'histoire du CHRISPIERRE DAUPHIN qui aurait tout à fait pu dramatiquement sombrer au fond de La Manche.

Silhouette du Mona LisaNous pensons que ces histoires méritent de trouver un chapitre sur notre site et que c'est histoires sont dignes d'intérêt , raison pour laquelle nous y consacrons quelque lignes...

Comment ne pas évoquer également d'autres échouements le long de la Côte d'Albâtre comme celle du Mona-Lisa dont nous vous retraçons quelques lignes en bas de cette page à travers l'histoire de la Compagnie des Abeilles.

Fatalité, erreur humaine, concours de cironstances, ou tout simplement hasard, cette répétition de l'histoire "marque" à coup sur et à jamais les hommes qui vécurent ces moments. Ainsi, certains navires acheveront leur vie en sombrant dans le fons des océans, d'autres verront la solidarité et la détermination des hommes inverser le sens du drame et enfin nombre d'entre eux termineront leur parcours "à la feraille" comme cela sera le cas pour le CHRISPIERRE DAUPHIN.

Et les hommes qui restent alors ? Doit-on balayer d'un revers de manche leur histoire et leur passé ?

Paris Normandie

LES COULISSES DU DRAME

Le Chrispierre Dauphin
(Photo D.R.)

 

Venant de Port-en-Bessin, et faisant route vers Dieppe, le bateau de 18 mètres naviguait dans une mer démontée. Vers 1 h 10, le coquillard se trouve en très grande difficulté au large de Sotteville sur Mer (76), une zone où les récifs sont légion ! Il y a à bord un équipage réduit de 4 personnes, une chance !

Le patron du CHRISPIERRE décide de lancer un appel de détresse au CROSS de Griz-Nez car il vient de s'échouer par marée montante à proximité de la côte avec une voie d'eau à bord indique l'officier de 1ère classe Charles Averty des Affaires Maritimes qui coordonne les opérations de secours à partir du CROSS.

La situation de l'équipage s'est en fait très rapidement dégradée car la voie d'eau signalée s'est faite de plus en plus importante au fur et à mesure que le temps passe. L'eau a commencé à envahir la timonerie.

UN EXTREME SANG-FROID

Les quatres hommes, dont le patron Jean Desmoulins, 38 ans père de sept enfants, connaissent alors une véritable frayeur à bord de leur bateau balloté par les flots agités, à tel point qu'ils ne peuvent mettre le radeau de sauvetage à l'eau.

Le Dragon 76Au niveau du CROSS, on déclenche les grands moyens avec des vedettes de la SNSM de Dieppe, Fécamp et Saint-Valéry en Caux ainsi que l'hélicoptère Dragon 76 de la Sécurité Civile et l'hélicoptère Dauphin de la Marine Nationale en provenance du Touquet.

Les quatres hommes font preuve d'un extrême sang-froid remarque l'officier du CROSS, car les conditions d'attente des secours sont particulièrement délicates avec l'eau qui ne cesse de monter et l'électricité en panne, plongeant l'équipage dans l'obscurité.

Sur place, les vedettes de la SNSM sont dans l'incapacité de s'approcher du chalutier échoué en raison de la présence de nombreux rochers, mais les sauveteurs aident efficacement à la coordination des secours indique l'officier Charles Averty.

Un premier hélicoptère arrive sur zone mais se pose un peu plus loin ! L'espoir s'effondre à bord du CHRISPIERRE, les hommes ont alors de l'eau jusqu'au cou. Il faut attendre l'arrivée d'un second hélicoptère équipé d'un treuil.

Le Dauphin de la Marine Nationale est équipé d'un treuil et les opérations d'évacuation commencent. Heureusement que l'équipage est réduit. En effet, ils ne sont que quatre par rapport aux 6 membres que compte habituellement le coquillard.

Il est probable que si le navire avait été armé avec son équipage au complet, un drame humain se serait alors probablement produit lors de l'hélitreuillage. Le dernier et quatrième marin ayant eté "extrait in extrémis". En effet, le patron du navire fait preuve de courage et aide des "gars" un par un aux délicates manoeuvre d'hélitreuillage. Dauphin 32F

il se met carrément sous l'eau pour porter le plus jeune sur ses épaules afin qu'il attrape le harnais de sauvetage. C'est d'ailleurs le patron qui a le plus souffert du froid. Aux dires des témoins, dont Christiane DECURE bouleversée par la catastrophe, "il n'avait plus de couleurs dans l'ambulance... !

Qu'eut-il advenu de deux hommes supplémentaires alors que l'eau avait envahie la quasi totalité du navire ?

Quelques jours plus tard, le patron du navire et Christiane DECURE se rendront sur la plage de Sotteville pour voir leur bateau. Un moment très dur de retrouver ainsi son navire à l'abandon sur le sable. Le patron déclarera alors, que pour lui le temps avait été interminable, qu'il lui avait semblé que les hélicoptères avait mis un temps incroyablement long pour intervenir. Il enchainera en évoquant qu'heureusement qu'il y avait le téléphone portable, chargé, c'est ce qui les a sauvé car cela a permis de tenir "compagnie" aux hommes leur disant que, de la terre, on voyait les secours, des lumières arriver, même si cela était faux, mais il leur fallait garder l'espoir.

UNE ISSUE 'HEUREUSE"

Les Infos Dieppoises

L'hélicoptère parviendra à "remonter" l'ensemble de l'équipage et les marins-pêcheurs seront déposés à proximité de Sotteville sur Mer où ils seront immédiatement examinés par les médecins urgentistes des sapeurs-pompiers.

Sain et sauf mais choqués, il faudra du temps pour panser les blessures morales d'une telle catastrophe. Au delà de la perte du navire, il convient de ne jamais oublier l'extrême dureté du travail de marin-pêcheurs et les conditions difficiles dans lesquellels ils exercent leur activité au quotidien pour nous apporter coquilles Saint-Jacques, poissons et autres produits de la mer.

C'est bien au péril de leur vie que ces hommes courageux partent pour chaque sortie en mer avec, à l'esprit, "toutes les éventualités" ! Même si c'est la mer est leur "gagne pain", il ne faut jamais oublier le prix qu'elle fait payer à ces hommes pour vivre... ou parfois "survivre" !

UNE EPAVE, TOUJOURS UNE TRAGEDIE

Au délà de l'hommage que le GRIEME souhaite rendre à ces marins, aux sauveteurs et à celles et ceux qui ont oeuvré pour porter secours, il convient de garder bien présent à l'esprit que le CHRISPIERRE symbolise parfaitement la tragédie qui se déroule lors d'un incident majeur à bord d'un navire.

Le GRIEME souhaite garder intacte la mémoire des hommes et des navires qui reposent aux fonds des mers. Que cela soit des navires civils ou des bâtimens de guerres coulés dans des circonstantes "particulières", nous ne voulons pas que toutes ces tragédies sombrent une seconde fois, dans l'oubli.

C'est bien le sens et l'objectif de notre association, porter à la connaissance de tous, l'histoire des "fortunes de mer" et des catastrophes qui ne trouvèrent pas une même fin "heureuse" que le CHRISPIERRE, aussi douloureux que soit cet épisode.... pour que la mémoire reste bien présente et vivante !

Paris Normandie Presse

TEMOIGNAGES PAR L'IMAGE VUES PAR LE GRIEME

Au pied des falaise de la Côte d'Albatre

Le ChrisPierre

Parmi les roches qui lui fût fatales

Echoué à proximité de la côte

Le ChrisPierre

Le navire blessé

La blessure

Une fin proche

Blessure ultime

Bientôt plus rien

Vision irréelle

Mosaique d'images

FIN DE VIE DANS UN COIN DE CHAMP QUELQUE PART EN NORMANDIE

Crépuscule pour une fin traquigue qui s'annonce

Le Chrispierredauphin va donc terminer sa vie nons loin de la mer sur laquelle il aura navigué pendant des années.

Après avoir subit la blessure fatale, le navire agonisera face aux falaises de la Côte d'Albatre. Au grand désespoir de sa Treuil du Chrispierredauphinpropriétaire et des hommes qui le servaient, le chalutier restera ainsi sous les regards des curieux, impuissant à repartir vers le destin qui est celui de tout navire de pêche !

Et puis la "mise à mort" définitive s'approchera. Le navire, sera "mis à terre" définitivement. Déchiquetté pour les coups de pelles d'une grue mécanique, écartelé, anéanti et réduit en morceaux.

La plage sera ainsi nettoyée de toute trace du drame et il ne restera plus que la mémoire des hommes et quelques lignes dans un journal local pour se souvenir de la fin du Chrispierredauphin.

Tout comme La Coralline dont nous évoquons la bien triste histoire dans notre ouvrage La Saga des épaves de la Côte d'Albâtre Tome 1 (page 37), le chalutier dieppois sera totalement disloqué.

Naufrage du Coralline
Cliquer sur l'image pour aggrandir et lire l'article


Le GRIEME a retrouvé les dernieres pièces du navire, quelques débris déposés dans le coin d'un champ appartenant à l'entreprise chargée de l'enlèvement du chalutier. Nous vous ofrons les dernieres images du Chrispierredauphin.

Les restes du Chrispierredauphin

Les restes du Chrispierredauphin

Les restes du Chrispierredauphin

Les restes du Chrispierredauphin

REMERCIEMENTS AUX
ETABLISSEMENTS MASSIF ET FRERES
Cavée Verte à Manneville Es Plains
qui nous ont permis de réaliser ces dernières images

 

QUAND L'HISTOIRE SE REPETE INLASSABLEMENT

Le Mona Lisa

28 mars 1950
Arrivant d’Ouessant pour gagner Dieppe ou il est attendu, un cargo bananier se perd dans le brouillard.

Le MONA LISA, navire norvégien de 96 mètres talonne sur les roches d’Ailly
Son seul salut sera d’avoir eu affaire à une compagnie sérieuse et qui est encore là de nos jours pour sauver ces navires en perdition et leurs équipages.

Il était difficile pour nous de passer sous silence ce naufrage des années 1950. La première raison vient des photos de l’époque qui retrace en quelques clichés un travail phénoménal entrepris par la compagnie des Abeilles du Havre.
La seconde raison est que ce naufrage qui mît en œuvre cette compagnie, nous permet de vous conter, dans ce chapitre, quelques autres péripéties de cette dernière.

Toujours en rapport avec des naufrages ayant eu lieu sur notre littoral, il aurait fallu un ouvrage complet pour tous vous les raconter dans le détail.

Là n’était pas le but, mais un hommage à ces hommes et à ces navires était nécessaire, car une partie de leur travail réside dans le sauvetage de ces derniers.

La passion de son travail le conduit à écrire et à raconter ces « Abeilles »
qui longtemps encore bourdonneront autour de lui

Le Mona Lisa

« Théo », c’est ainsi que l’appelle ses proches, Théo est une des personnes les plus extraordinaires qu’il nous ait été donné de rencontrer durant l’élaboration de notre Saga. Une mine d’or en documentation sur tous ce qui a pût se passer dans cette compagnie des Abeilles. Recherchant le seul vrai document existant sur un des navires que nous vous racontons quelques pages plus loin, nous avons eu l’occasion de passer une après midi avec lui, et c’est ce qui nous a donné envie de vous raconter en quelques lignes cette fabuleuse épopée de la compagnie des Abeilles du Havre. Et c’est en tournant une à une les pages de ces archives fabuleuses, que sont apparus ces clichés sur le Mona Lisa et d’autres qui illustrent aussi certains autres chapitres de cet ouvrage.

Le remorquage.

Avec l’expansion du commerce maritime, il n’est plus permis d’attendre les bons vents et le halage à la main des voiliers pour les manœuvres d’entrée et sortie du port. Les navires se bousculent en rade et il est temps d’innover en la matière, surtout depuis l’utilisation de la vapeur comme énergie propulsive.


Dès 1818, le Consul des Etats-Unis au Havre, M. Beasley rachète à Bordeaux le « pyroscaphe » Triton et l’affecte au « passage de l’estuaire », jusqu’alors assuré par trois sloops à voile. Le Triton n’est certes pas un remorqueur pur mais, à l’occasion, il peut « prendre en remorque » des voiliers en panne de vent ou en difficultés et, moyennant finances sans doute, ajoute cette office secondaire à son activité principale.

Puis les années passent, perfectionnant les techniques et précisant les avantages pour les voiliers de ces navires à propulsion mécanique. Ainsi le 15 mars 1835, le Français, propulsé par une Machine de 50 Cv, est mis en service à fins de remorquage par MM. Vieillard et Cie, armateurs havrais, préludant aux 6 Compagnies qui, en 1845, proposeront un service de remorquage : Cie « Rouennais » (3 Remorqueurs), Cie Bertin (3 Rem.), Cie Vieillard (4 Rem. Dont le FRANÇAIS), Cie Mailley-Duboullay (4 Rem.), Cie E. Lahurie (1 Rem.) et Cie L. Lamoisse (1 Rem.). Les puissances utilisées à l’époque s’échelonnent de 50CV à 140CV. Dix années plus tard, c’est 44 remorqueurs qui composent la flotte de déhalage des voiliers de commerce sur le port du Havre.

Mona Lisa


Avec la création de la « Compagnies de Remorquage Les Abeilles », en 1864, débutent l’ère des remorqueurs à hélice. Deux unités, en bois, la composent d’abord, les « Abeilles 1 et 2 », qui seront suivies jusqu’en 1879 des unités à construction métallique : Abeille 3, 4, 5, 6 et 7.


D’autre part, « La Transat » crée une compagnie en 1882, qui sera dissoute en 1957. Cette compagnie utilise notamment des unités tels que le  Minotaure, la République, le Titan (remorqueur anglais de 1200 CV acheté en 1913) et Ursus, le premier des remorqueurs portant ce nom fera naufrage en 1926 et le second deviendra l’Abeille n°13.


Et pendant ce temps, la « Compagnie de Remorquage les Abeilles » se développe toujours, avec ses joies, mais, hélas aussi ses peines. Ainsi, le 23 janvier 1892, survient l’accident tant redouté dans ce métier particulier du remorquage : l’abordage du remorqueur par son remorqué.

En remorque


Le premier accident tragique

Il est 16 h 00 et en cet après-midi du 23 janvier 1892, la foule habituelle s’est rassemblée sur la « Jetée » pour suivre la manœuvre de sortie du paquebot, la Normandie, placé sous les ordres du Commandant Laurent. Le manque d’eau dans le chenal rend cette manœuvre particulièrement difficile et les remorqueurs la République croché à l’avant et l’Abeille IX  croché à l’arrière donnent toute leur puissance.

Probablement trop sollicitée, la remorque de l’Abeille IX finit par se rompre et le commandant Laurent demande alors à ce remorqueur de venir aider son collègue sur bâbord-avant. Le Capitaine Hubert de l’Abeille IX s’exécute, dès ses débris de remorque dégagés et remonte le paquebot sur son tribord. C’est alors, qu’il parvient à la hauteur de l’étrave de ce dernier,  que le paquebot augmente son allure, pour se libérer du « maigre d’eau » qui l’attire encore, abordant le remorqueur et le coulant en quelques instants. Malgré une manœuvre désespérée du Commandant Laurent qui bat en arrière,  tout en dépit des risques encourus par son propre navire, il est trop tard pour le remorqueur et l’accident se solde par 7 marins décédés ; seul le Capitaine Hubert, 2 mousses et 2 matelots s’en tirant miraculeusement 

La 1ère guerre Mondiale, les débuts du sauvetage.

En 1914, à l’entrée de la «Grande Guerre», la compagnie les Abeilles  possède 10 remorqueurs,  pour une puissance totale de 6 750CV. Peu avant, elle a commencé à se diversifier en créant la société «Remorquage et Transports pour Chalands et Allèges de Mer» qui deviendra plus tard la « Société Havraise de Transport et de Transit ». Mais c’est surtout dans le remorquage hauturier et l’assistance en cas de sinistre maritime qu’elle se développe et se fait remarquer.

Ainsi de 1914 à mai 1940, elle alignera 291 interventions d’assistance tandis que, pour la même période, elle assurera 442 remorquages hauturiers. La majeure partie de ces derniers se déroulent le long des côtes européennes mais quelques-uns uns entraînent certains des remorqueurs Abeille et notamment l’Abeille n°22 (construit en 1919 et acquis par «Les Abeilles» en 1925) jusqu’aux Côtes Ouest-Africaines et en Méditerranée Occidentale.

Quant aux «assistances », en dehors de celles exécutées par ce même Abeille n°22 au large de la Bretagne, elles ont surtout pour cadre La Manche, la Seine et la Baie de Seine.

Ainsi, pour citer quelques exemples : l’intervention de l’Abeille n°12 sur le Galeka le 26 octobre 1916, le renflouement en juillet 1915 du vapeur anglais City of Lucknow échoué sur les roches « de l’Eclat », le renflouement en août 1924 du paquebot transmanche Newhaven échoué près de Dieppe, le renflouement en Seine, en 1927, du cargo anglais Emilie Dunford, le renflouement en février 1928 du chalutier Paul Magne, échoué au lieu dit « le trou au chien » près de Fécamp, le renflouement en janvier 1930 du vapeur brésilien Alegrette échoué sous les falaises d’Octeville et un mois plus tard en février, le renflouement du cargo français Georges et Henri échoué près de Jumièges en Seine.

Autant d’opérations, plus ou moins périlleuses, qui exigeaient une compétence certaine et qui se perpétueront ultérieurement. Mais, durant ces mêmes années, le quotidien de cette Société qui en 1928 devient la S.A.R.L. «  Compagnie de Remorquage et de Sauvetage Les Abeilles » est hélas, encore marqué par un drame similaire à celui de l’Abeille n°9 en 1892  et,  cette fois, c’est l’Abeille n°10 qui en est la victime. 

Une deuxième Tragédie dans le port du Havre.

Le 8 octobre 1926, 23 h 30, le paquebot Paris rentre tout illuminé dans le nouvel avant-port du Havre, escorté par l’Ursus et le Titan, les deux remorqueurs de la « Transat » commandés par deux frères, les capitaines Audren. C’est la manœuvre la plus délicate, après de vaines tentatives pour prendre les amarres du Paris, l’Ursus se retrouve trop prés de l’étrave du paquebot et c’est de nouveau l’accident. Le choc est violent, le remorqueur est pris par le travers tribord, les chaudières explosent dans une gerbe de vapeur et d’écume, tout en sombrant instantanément. De nouveau dix victimes et six rescapés dont un décède plus tard à l’hôpital.

Second drame pour les Abeilles

Il est 9h40, ce 1er avril 1938, lorsque le pétrolier norvégien de 8 291 tonnes, le Mosli, entre dans le port. Deux remorqueurs se présentent pour l’assister, le  Cherbourgeois III à l’arrière, qui a déjà saisi sa remorque, et l’Abeille X  à l’avant, qui a son tour va récupérer l’amarre. La poupe du remorqueur se trouve prés de l’étrave du pétrolier lors de la manœuvre et c’est la collision. Le remorqueur coule par l’arrière, tout en glissant à bâbord, le long de la coque du pétrolier. Sur les neuf hommes d’équipage, six ont disparus.

La Deuxième Guerre mondiale

Lorsque les Allemands envahissent Le Havre en juin 1940, 14 remorqueurs du Groupe formé par « Les Abeilles » et ses filiales gagnent l’Angleterre, mais dés la Libération, ils réapparaissent pour reprendre leur rôle à l’exception de l’un deux qui se trouve affecté au port de Cherbourg, l’ Abeille 20 (550 CV).


C’est ainsi que reviennent les Abeilles 3, 4, 5, 6, 14, 16 et 21 au port du Havre.


Ceux restés en France sont saisis par les Allemands et seront retrouvés ici et là à la Libération, à l’exception de l’Abeille 24 qui, en 1940, saute sur une mine à Brest, de l’Abeille 8 qui, en 1942, est coulé sous pavillon allemand près des « sept îles » et de l’Abeille 10 qui disparaît sans laisser de traces


Les remorqueurs sabordés et coulés dans le port de Nantes lors du départ des allemands sont renflouées par la compagnie des « Abeilles ». Puis remises en état elles rentrent en service au port de Nantes à l’exception d’une, trop gravement atteinte, l’Abeille 2 (400 CV). Ce sont les Abeilles 9, 15, 17, et 18.


L’Abeille 19  (650 CV) est retrouvée coulée à Bayonne, puis renflouée, remise en état et réexpédié au Havre. Il en va de même pour l’Abeille 16 (1 500 CV), retrouvée en bon état dans le port de Kiel après la capitulation.


L’Abeille 22 , quant à elle, est retrouvée à flot dans le port de Bordeaux, mais en trop mauvais état pour être réparée.
La compagnie récupère aussi un matériel important de sauvetage (chalands, alléges, barcasses) ainsi que les vapeurs Rapide (1880), Commandant Emaille, Puissant (1920), Andromaque et Télémaque (les ex fourmis 1 & 2), Haleur n°4 et Malouin, et le Servannais.

L’après guerre et les 2 derniers accidents mortels.

A la Libération, le chantier majeur et urgent pour la plupart des ports Français sera de se débarrasser des nombreuses épaves qui les encombrent et, puisque le renflouement constitue une des spécialités « Abeilles », la Compagnie y participera efficacement dans de très nombreux ports, à commencer par Le Havre où, de plus, en 1948, elle mènera à bien le complexe renflouement du paquebot Liberté.


Parallèlement, elle reprendra ses activités de remorquage portuaire avec ses anciens remorqueurs auxquels s’ajouteront, d’abord quelques remorqueurs d’occasion rachetés aux Anglais puis des remorqueurs neufs. De même, à Brest elle reprendra avec l’Abeille 25 (Ex. Salvonia) la station d’assistance précédemment assurée par l’Abeille 22.


Un métier qui n’a hélas rien perdu de ses dangers. Ainsi, le lundi 30 août 1954 à 8 h 36, le paquebot Atlantic  éperonne l’Abeille 4 dans le milieu de la passe de l’entrée du port du Havre, faisant sombrer celle-ci en trente secondes et provoquant la mort de 7 personnes sur les 11 hommes d’équipage.

Le suivant se déroule en Seine le 29 mai 1965, lors du déséchouage du pétrolier suédois A.K. Fernstrom par 3 remorqueurs dont l'Abeille n°20, laquelle, dans un important "coup de gîte",  précipite à l'eau trois de ses marins dont deux périront. Puis le 28 septembre 1967, c'est l'Abeille n°12 qui est chavirée par son remorqué : le pétrolier Jakob Maersk, causant la mort d'un marin-mécanicien.

Mona Lisa en remorque

Le dernier pour cette période, où la direction des Abeilles était encore assurée par la Famille Le Grand, se déroule à Cherbourg, le 8 avril 1969 avec l’abordage de l’Abeille 3 par le paquebot Europa, qui pivote autour de l’étrave du navire, précipite 3 matelots à la mer, faisant 2 victimes.


Sans jamais oublier tous ces marins décédés à son service, « Les Abeilles » poursuivent leur tâche, tant portuaire que de sauvetage. Les années qui suivent cette après-guerre, laborieuses et fertiles en opérations exceptionnelles tels, par exemple, les renflouements du bananier français Guinée échoué près de Cherbourg en 1948, du bananier Mona Lisa échoué près de Dieppe en 1950, du Liberty-ship Western Trader échoué en Seine en 1951, du cargo français Equateur échoué sous le Cap Gris Nez en 1954, etc.…, verront à plusieurs reprises le renouvellement des remorqueurs afin d’assurer dans les ports, un service toujours de grande qualité auprès des navires de commerce en perpétuelle évolution et le long des côtes françaises, un service d’assistance efficace.

Mona Lisa

REMERCIEMENTS - SOURCES DONNEES
PHOTOS TERRESTRES : GRIEME

A lire sur le site de la Préfecture Maritime Mancher Mer du Nord

Article des informations Dieppoises à lire également

Les Infos Dieppoises

POUR LA PARTIE MONA LISA

Ces quelques lignes, nous présentent bien les dangers d’un métier de sauveteur,
sont inspirées du livre de Jacques Pilon :
« l’Aventure du remorquage »
et de celui de
Théodore Gazengel et Jean-Luc Déan : « Les Abeilles : des navires, des hommes, une histoire .»
Nous les en remercions tous les trois.

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