LE DIAMANT & LE DAHLIA
Antilles françaises (F.W.I) - Martinique
2 épaves de la baie de Saint Pierre disparaissent par le feu à 60 ans d’écart

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lia de notre base de données

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Il est parfois possible de découvrir 2 épaves dans la même plongée. Citons pour exemple le Messerschmitt et le Chaouen au Planier (Marseille), le Ville de Grasse et Michel C à Giens, Les Péniches D'anthéor à Agay/St Raphaël. Il convient néanmoins d'aborder ce type de plongée avec le plus grand sérieux car le passage d'une épave à l'autre peut nécessiter un palmage parfois énergique et une orientation pas toujours évidente.

C'est donc en "mer chaude" que nous vous emmenons ce mois-ci pour y faire une plongée au cours de laquelle vous rencontrerez deux épaves dans la même immersion.... Cap sur la baie de Saint-Pierre dans le nord Martinique.

Si un même et seul lieu rassemble ces "vieilles carcasses", l'histoire du DIAMANT et du DAHLIA sont bien différentes...


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LE DIAMANT
Navette à vapeur entre Fort de France et Saint Pierre
Longueur : 26 mètres - Tonnage net : 30 tonnes - Type : navette à passagers


A gauche, ce qui est probablement le DIAMANT
(Le DIAMANT au premier plan, le RORAIMA au fond à droite)
 

L’Age d’or de Saint Pierre

Début du XX ème siècle, Saint Pierre est la capitale administrative et économique de La Martinique. Pôle d’activité important, Saint Pierre est le centre des Antilles Françaises.

De par le relief difficile et tourmenté de La Martinique, la liaison maritime est un moyen pratique de relier les différentes parties de l’île. En effet, la route allant de Fort de France à Saint Pierre, longeant la côte n’est qu’un chemin de terre difficilement carrossable et souvent coupé par des éboulements de terrain.

Des petits caboteurs appartenant à la compagnie Girard assurent donc plusieurs fois par jour la desserte entre les différentes localités de l’île : Topaze, Rubis et Diamant deviennent vite indispensable pour le transport de passagers.

Le Topaze à St Pierre
(Le Topaze à St Pierre)

La catastrophe de Saint Pierre

8 mai 1902, le Diamant arrive de Fort de France. A son bord, en plus des 8 membres d’équipage, se trouvent une trentaine de passagers. On peut se demander quelles motivations les poussaient à se rendre sur Saint Pierre alors que la montagne Pelée montre des signes d’activités inhabituelles. Balade dominicale pour y découvrir un phénomène naturel ? Voyageurs revenant de Fort de France après y avoir mis à l’abri leurs familles ? Fonctionnaires n’ayant pas le choix ? Le mystère demeure.

Toujours est il que le Diamant se présente le 8 mai dans l’alignement du ponton pour accoster... il réduit la vapeur. Alors qu’il en est à quelques mètres, la montagne explose  ! Le commandant met machine arrière toute pour s’échapper au plus vite de cet enfer.

Au même moment, les Pierrotains s’élancent dans la mer, fuyant la catastrophe et tentant de rejoindre le Diamant. Plusieurs d'entre eux périssent dans une eau chauffée par l'éruption de La Pelée. Le peu d'entre eux qui y parviennent montent à bord, mais il ne sont pas "sauvés" pour autant ! Le répit sera de courte durée : poussées a fonds et en marche inversée, les chaudières du navire en fuite ne supportent pas l’effort et explosent. C'est la fin du Diamant.

La structure du Diamant ne devait pas s’en remettre et il coule aussitôt. De la quarantaine de naufragés ne devait survivre qu’une seule âme : Innocent Jean Baptiste.

Ce pauvre homme devait par la suite servir d’alibi à quelques illuminé qui tentait de prouver que l’irruption était l’œuvre de Dieu qui aurait voulu punir Saint Pierre, "la Sodome des Antilles", pour les pratiques coupables auxquelles se seraient livrés les Pierrotains.


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LA PLONGEE SUR LE DIAMANT


Allure générale de l'épave
(Croquis H.BOYENVAL & P.CANNESSANT/GRIEME)

Vision surprenante que cette épave ! A -30 mètres de profondeur, la proue surgit du bleu tandis que l’on distingue le Diamant qui repose sur tribord, à 80 degrés, dans son linceul de vase.

Le Diamant repose en baie de St Pierre
(Photo L. LAFONT - TROPICASUB PLONGEE)

L’épave, d'une trentaine de mètres de long, est couchée le long d'une sorte de colline sous-marine. Elle s’enfonce de la proue vers la poupe. Le Diamant laisse encore apercevoir une ancre, le safran ainsi que la machine triple expansion.

Une des ancres qui trainent, non loin du Diamant
(Photo A. LALOUELLE - GRIEME)

Fortement dégradée, l'épave se dessine tel un squelette et l’on peut accéder aisément dans ses entrailles. De nombreux trous sont visibles et il ne subsiste plus aucune partie en bois.

Le Diamant vu de l'arrière
(Photo A. LALOUELLE - GRIEME)

A l’arrière, on distingue un bloc de propulsion, des tuyauteries et une ouverture béante qui laisse apparaître les membrures du navire. Côté flore, le Diamant vous offre une belle collection de gorgones antipathaires jaunes, de vers de feu dont il faut se méfier de la brûlure ! Leur couleur rouge vif s'affiche comme un avertissement bien net et une invite à bien regarder où l'on pose la main. Ici et là éponges hâpent l'eau pour y avaler la substance nutritive.

Lors de notre plongée, nous y avons croisés 2 grosses langoustes, une seiche et quelques petits poissons-anges qui ont joué à cache-cache avec le plongeur sans s'attarder trop longuement. Globalement, cette épave n'est que peu colonisée par la faune aquatique.

Mais à -34 mètres l’air de la bouteille s’épuise bien vite et il nous faut maintenant quitter le Diamant pour aller retrouver son compagnon d'Abymes, le Dahlia. Quelques minutes de palmage suffisent pour apercevoir cette seconde "carcasse".


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LE DAHLIA - Y.M.S. - (BOAT) YARD MOTOR MINESWEEPER et B.Y.M.S.
De la 2 ème guerre mondiale à la baie de Saint Pierre

Longueur : 49 m - Largeur : 8 m - Tirant d’eau : 2,90 m
Tonnage net : 270 tonnes - Tonnage brut : 330 tonnes
Machines : 2 moteurs diesel Général Motors Puissance :  2 x 600 Cv - Vitesse : 15 nœuds
Chantiers  : Stadium Yacht Basin de Cleveland - États-Unis
Date construction : 24/10/1941 - Date mise en service : 13/06/1942
Type : Dragueur de mines reconverti en caboteur


Plein cadre sur un Y.M.S. voguant

Le 4 mars 1941 aux Chantiers Henry B. Nevins de City Island dans l’état de New-York est posé la quille d’un dragueur en bois.

Conçu par les ingénieurs de ce même chantier, le premier Y.M.S. (Y.M.S.1) est un navire de tonnage modeste (330 tonnes). Il dispose d'une autonomie de 2.500 miles à 10 nœuds. De faible tirant, le bâtiment est cependant bien motorisé (2 x 600 CV). En fait, il s’agit d’un compromis entre un "trawler" et un grand "motor Launch" dont le seul défaut réside dans ses superstructures trop hautes qui le rendent propice au roulis. Alors qu'il ne dispose pas de qualités nautiques extraordinaires, le Y.M.S. est plus particulièrement destiné à opérer près des ports et non en haute mer. Ces médiocres caractéristiques ne le pénaliseront pas.

Le Y.M.S. est doté d’un équipement conséquent afin de faire face à tous les types de mines existants :

    - Magnétique : coque en bois et câble électrique immergeable déclenchant à distance l’explosion de ce type de mine.
    - Acoustique : présence d’un tambour tracté immergeable imitant le bruit de machine d’un navire plus important.
    - A orin/contact : cochonnet et drague.

Une des premières actions opérationnelles des Y.M.S. concerne le "nettoyage" des ports de Jacksonville et Charleston aux U.S.A. (en 1942)  qui ont reçus la visite de U-boots mouilleurs de mines. Se distinguant sur tous les théâtres de la seconde guerre mondiales 561 Y.M.S. seront construits dont certains servirent en Corée. D'autres furent transférés à différentes marines alliées : Hollande, Grèce, Finlande, Egypte, Italie, Canada mais aussi et surtout à la marine française.


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IL ETAIT UNE FOIS UNE STAR

Un fameux B.Y.M.S. - La Calypso du Cdt CousteauLa classe des Y.M.S. est surtout célèbre grâce à la fameuse silhouette de la "Calypso" du Commandant Cousteau.

La Calypso (sister-ship du Y.M.S. 82) dont les dimensions étaient de 43 mètres de long pour 7,15 m de large jaugeait 329 tonneaux. Ce navire en bois est également né aux U.S.A., dans un chantier de SEATTLE, le BALLARD MARINE. D'un faible tirant d'eau, le navire permettra à l'équipe du Cdt Cousteau de s'aventurer aussi facilement sur les récifs coralliens que dans les glaces flottantes du cercle polaire.

L'histoire de ce B.Y.M.S. fera le tour du monde.... La Calypso restera pendant de nombreuses années l'ambassadrice de la France mais aussi et surtout du Musée Océanographique de Monaco.

La Calypso au temps de sa splendeur
(La Calypso devant le Musée Océanographique de Monaco)


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LE YMS 82 ou DALHIA

Mis en construction le 24 Octobre 1941 au Stadium Yacht Bassin de Cleveland, le Y.M.S. 82 est lancé le 13 juin 1942. Transféré à la marine française le 5 octobre 1944, le Y.M.S. 82 est renommé Dahlia, tout comme les autres Y.M.S. qui adoptent des noms de fleurs.

Le Y.M.S. 82
(Le YMS 82 ou DALHIA)

Le 21 mars 1949, le Dahlia est racheté définitivement à l’U.S.Navy et continue sa carrière de dragueur de mines. Après la seconde guerre mondiale, les côtes françaises sont littéralement inondées de mines. Les différents dragueurs sont alors sérieusement sur la brèche, en pleine activité de "nettoyage". En avril 1950, le Dahlia, en compagnie du Genet, Pétunia et Zinia effectuent le déminage du port de La Pallice et le dragage des zones ou pêchent les chalutiers rochelais.

Le Dahlia est ensuite envoyé aux Antilles en service stationnaire. C'est à-dire qu’il représente la France sur zone en y défendant ses intérêts et aidant la population locale en cas de catastrophes naturelles.

Il est dé-commissionné le 29 janvier 1959 et revendu à une entreprise de matériaux de construction de Saint Pierre : les Etablissements Gouyer.

Le Dahlia est utilisé pour faire du cabotage entre les îles des Antilles notamment pour le  transport de matériaux. Alors que le navire se trouve en rade de Saint Pierre pour y être transformé, des ouvriers utilisent bien maladroitement un chalumeau. Ces derniers mettent le feu par inadvertance (la coque était en bois), la suite s'imagine facilement.


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LE DAHLIA
AUJOURD'HUI

L’épave du Dahlia qui repose par -30 mètres de fonds est aujourd’hui en très mauvais état. Il est difficile de le reconnaître. Néanmoins, les câbles électriques et les boites de jonction, typiques de cette classe de navire, trahissent son origine. La faible profondeur rend l’épave très sensible aux intempéries. Le choc de grosses ancres a aussi accéléré la dégradation du Dahlia. L'emplacement de la chaudière se reconnaît facilement.

Lionel de Tropicasub sur le Dahlia
(Lionel de TROPICASUB sur le DAHLIA)

Néanmoins, cette épave sans intérêt patrimonial particulier, vaut absolument le détour, ne serait-ce que pour le jardin d’éponges oranges et jaunes de plus de 50 centimètres qui le peuple. Le plongeur chanceux ou vigilant peut également  y croiser des bancs de barracudas juvéniles.

Petit barra deviendra grand ?
(Photo A. LALOUELLE - GRIEME)

Il faut reconnaître que le DIAMANT et le DAHLIA ne sont pas à classer parmi les "incontournables". Il serait dommage d'être de passage en Martinique, en baie de St Pierre, et ne pas s'octroyer le temps nécessaire pour rendre une petite visite à ces deux épave qui peuvent être visitées en une seule plongée.


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DEUX SISTER SHIP DU DAHLIA EN MEDITERRANEE
BYMS 22 & BYMS 24

Deux sister-ship du DAHLIA sont également coulés dans les eaux françaises et plus particulièrement en Méditerranée. Le B.Y.M.S. 22, dragueur de mines est sorti des Chantiers BALLARD aux U.S.A. en 1942, il est destiné à la Royale Navy (G.B.).

Le 15 août 1944, au lendemain du débarquement en Provence, ce bâtiment de 280 tonneaux et 42 m de long navigue en compagnie du dragueur américain Y.M.S. 24 pour nettoyer la baie de Fréjus. Subitement, la proue du navire américain est pulvérisé par l'explosion d'une mine. Le B.Y.M.S. 22 se porte immédiatement au secours des rescapés alors que le B.Y.M.S. 24 est remorqué. Malgré les efforts, le bâtiment américain coulera dans la baie. Le lendemain, le B.Y.M.S. 22 est touché à son tour par une mine et sombre par -41 m de fond à 400 mètres au nord-ouest de l'Ile du Lion de Mer, non loin de Saint Raphaël, dans le Var.

Pour en savoir plus sur le B.Y.M.S. 22 et 24
se reporter au SPECIAL OCEANS HORS SERIE n°2
30 Epaves des côtes françaises


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POINTS DE REPERES - REMERCIEMENTS


Plongez (A partir du niveau 2) sur LE DIAMANT et LE DAHLIA avec

En savoir un peu plus sur
La Martinique/St Pierre
Le Roraima (autre épave de St Pierre)

Edition SOCOPRESSE - Fort de FrancePremière éditionOcéans n° 257

Livre Catastrophe à La Martinique (Edition Socopresse/Fort de France)
Edition originale de la Société de Géographie de 1981
Charles DANEY
Éditions HERSCHER
Livre Les Epaves du Volcan de Claude RIVES & Frédéric DENHEZ (1ère et 2 ème Édition)
OCEANS (Numéro N° 257 de Sept/Oct 2000) Plongées en Martinique
OCEANS (Numéro N° 238 de Juillet/Aout 1997) (L'Or du Volcan)
OCEANS(Hors Série n°2 - 30 Epaves des côte françaises)
Une vie pour la mer de Jacques-Yves COUSTEAU
La Baille - Bulletin trimestriel n° 273 Octobre 2001(Association des anciens élèves de l'École Navale)
Lacroix A., La Montagne Pelée et ses éruptions, 2 vol., Masson et Cie, Paris, 1904
Revue Maritime/Statistique des naufrages - Avril 1904
C.D. Rom de TROPICASUB - Photos Lionel LAFONT - TROPICASUB PLONGEE
Le Madi-Créole (Un hébergement top... Recommandé par le GRIEME)
Fiche voyage du GRIEME à lire (Martinique Nord)

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