Le cargo Falke (Photo extraite de "Les messagères de l'histoire" de JL Maurette et P Veillon)
La jeunesse du "Faucon"(Falke en allemand)
Le 8 août 1944, le Sperrbrecher 134 est stationné au mouillage devant Port Tudy, sur la côte Nord de l’île de Groix.
C’est un vieux navire. Son histoire a débuté en 1909. C’est le port de Brême sur la Wesser qui l’a vu naître. Il est baptisé Toréador. Long de 72,50 mètres et "lourd" de 997 tx, il est affecté au cabotage le long des côtes d’Europe du Nord qu’il longe à la vitesse d’une dizaine de nœuds.
Il va changer de nom un nombre incroyable de fois au cours de sa carrière.
En 1918, il s’appelle le Düsseldorf (armement Argo Reederei de Brême). En 1920, c’est Poldorf qui est peint sur sa coque. Puis à nouveau Düsseldorf en 1921 et cela toujours pour le même armateur. Le nom de Falke, c’est son nouveau propriétaire en 1923, la Roland Linie, qui le lui donnera avant de le revendre en 1926 à la Norddeutscher. Sa carrière civile s’achèvera en 1926 aux armes de son ancien armateur, l’Argo Reederei.
La Kriegsmarine le réquisitionne dès la déclaration de guerre.
Il sera tout d’abord transformé en «patrouilleur auxiliaire», le Vorpostenboot 104, avant de subir maintes transformations pour devenir le « briseur de blocus », Sperrbrecher 134.
Ces transformations ont essentiellement consisté à renforcer sa coque, le munir de systèmes de mise à feu des mines aussi bien magnétiques qu’acoustiques. Il est également doté d’un fort armement anti-aérien. Sa mission sera l’accompagnement, l’escorte et la défense des sous-marins.
Juin 1940, les travaux sont terminés. Juillet 1940, il reçoit son affectation pour la 1ère flottille de Sperrbrecher. En octobre, sous le n° 34, il est incorporé à la 2ème flottille de Sperrbrecher. Et en novembre, c’est vers Concarneau et la 6ème flottille de briseurs de blocus qu’il navigue sous le n° 134.
LORIENT
A son arrivée à Lorient, le 21 juin 1940, l’amiral Karl Dönitz décide d’installer dans ce port de pêche important de la côte Atlantique la 2ème flottille de U-boote.
Le U-30 est le premier sous-marin allemand à y pénétrer. Une intense activité naît alors dans l’arsenal, mais celui ci se révèle très vulnérable aux bombardements des alliés.
L’organisation Todt localise et réquisitionne un terrain de 20 hectares propre à accueillir la construction d’une base dont la fonction sera le carénage, les réparations et le ravitaillement des sous-marins de la Kriegsmarine.
Un gigantesque chantier commence en 1941.
15 000 ouvriers provenant de pays comme la Hollande, l’Espagne, la Belgique, le Maroc, l’Italie, le Portugal, et pas moins de 2000 camions sont mobilisés. Commence la construction de trois immenses blocs alvéolés «indestructibles», constitués de 900 000 tonnes de béton et pouvant contenir une quarantaine de submersibles, entre la pointe Keroman et l’embouchure du Ter.
Pour la construction de Keroman 1 (K1), la solution retenue est celle du Slipway, ou pente douce (en français), est un plan incliné destiné à mettre à l'eau ou haler à sec les bateaux au moyen d'un chariot sur rails. Les sous-marins sont ainsi mis au sec à l’aide de chariots de transbordement.
La construction de Keroman 2 (K2) commence également en mai 1941. Ce bloc est constitué de 7 alvéoles côte à côte. Keroman 1 et 2 sont de longueur pratiquement identique, soit 120 mètres, de hauteur également, 18,5 mètres. Pour recevoir des U-boote plus grands, K2 est plus profond que K1, soit 138 mètres contre 85.
En octobre 1941, les travaux de construction de Keromen3 (K3) commencent. Il est conçu de manière à ce que les sous-marins puissent rentrer directement dans les 7 alvéoles constituées de bassins à flot ou de formes de radoub. L’épaisseur du toit de Keroman 3 est particulièrement impressionnante : 7,40 mètres de béton séparé en deux toits successifs par 1 mètre d’air servant de chambre d’explosion aux plus grosses bombes. L’efficacité est telle, qu’une bombe de 5,5 tonnes a été larguée sur le bloc sans que celui-ci n’enregistre de dégâts à l’intérieur. Côté « mer », la fermeture des alvéoles est assurée par d’énormes portes blindées.
Ces installations font que Lorient devient la plus grande base allemande sur la côte Atlantique. Au total, sur 1149 carénages de U-boote réalisés par la Kriegsmarine en France, 492 le furent à Keroman.
Le 6 juin 1944, les forces alliées réussissent le débarquement en Normandie. Début août, les troupes du Général Patton perçant le front de Bretagne à Avranches, contraignent les Allemands à se replier vers les places fortes de St Nazaire et Lorient. La poche de Lorient se referme sur 45 000 personnes : 20 000 civils et 26 000 soldats allemands commandés par le général Farmbacher.
Le long d’un front de 90 km, les forces alliées composées de 16 000 hommes s’opposent aux forces allemandes en de nombreux duels d’artillerie. Les ripostes allemandes sont plus timides, du fait du manque de munitions et de l’impossibilité d’approvisionnement. Finalement, le 7 mai 1945, après un dernier déluge de feu sur la ville dévastée, la garnison allemande capitule et 24 500 soldats ennemis se constituent prisonniers.
Capitulation allemande le 10 mai 1944 à Caudan devant les généraux Kramer, Rollins et Borgnis-Desbordes
(cheminsdememoire.gouv.fr)
8 AOUT 1944
A ce jour, le Sperrbrecher 134 en est à sa 150ème mission d’escorte de U-boote. La routine s’est installée et les abords du port de Lorient et de l’île de Groix n’ont plus de secret pour le SP134 et son équipage. Les choses ont pourtant bien changé depuis le début de la bataille de l’Atlantique. Les "Loups Gris" de retour de mission ne sont réellement en sûreté à Lorient que dans leurs alvéoles de Keroman. Il est bien loin le temps où les sous-marins rentraient triomphalement à leurs bases, le temps où les équipages recevaient sur les quais les honneurs et les récompenses des mains mêmes de Karl Dönitz.
Retour de mission en fanfare et remise de décoration par Karl Donitz
(revue « Gazette des uniformes » hors série n°5)
Désormais, la prudence est de rigueur. Les sous-marins ne rentrent au port que dans un silence radio le plus absolu. Les escorteurs, les Sperrbrechers qui passent la majeure partie de leurs occupations en mer à déminer les chenaux d’accès, les attendent au large de Groix et assurent leur sécurité jusqu'à leur entrée dans Keroman.
C’est de cette mission que s’acquitte le SP134 depuis son affectation à la 6ème flottille de Sperrbrecher : «attendre et escorter les sous-marins basés à Lorient ».
Le Speerbrecher 134 (Deutsche sperrbrecher de Peter ARNDT)
La monotonie de la vie à bord n’est rompue que par les rares retours aux quais de Lorient pour ravitailler en charbon. Les quelques estaminets, ayant résisté aux bombes anglaises et américaines, apportent quelques distractions aux marins en manque de permissions et de nouvelles du pays. Les rumeurs ont remplacé les informations et l’approche des troupes alliées qui les confinent dans ce qu’on appelle maintenant « la poche de Lorient » n’est pas pour leur remonter le moral.
Le temps est au beau fixe en ce début d’après midi du 8 août, et de son poste d’observation, à la passerelle du SP134, l’homme de quart peut observer des gamins qui se baignent sur la plage près du port. Il se fait la réflexion que la désorganisation de l’armée allemande est telle que la fin de la guerre ne peut être que la seule issue probable. En effet, la majeure partie de la garnison de Groix a été rapatriée sur le continent pour tenter de résister à la poussée des alliés et bien des interdits jusque là respectés par les Groisillons semblent ne plus les effrayer.
Au même instant, à seulement quelques dizaines de mètres au-dessus des flots, ce sont pas moins de 42 paires d’yeux qui scrutent l’immensité liquide. Six bombardiers Halifax appartenant au Squadron 58 du Coastal Command (commandé par l’Air Vice Marschal Wilfred Oulton), ayant décollés quelques temps auparavant de l’aérodrome St Davids au Pays de Galles, sont à la recherche d’une proie potentielle. Poussés chacun par 4 moteurs Rolls Royce de 1390 cv à la vitesse de 435 km/h, leur mission est de bloquer coûte que coûte les ports français de la fenêtre Atlantique et de couler tous les navires identifiés comme ennemis.
Wilfred Oulton |
Bombardier Handley Page Halifax (Wikipedia) |
58 ème Escadron Coastal Command |
Aussitôt après avoir dépassé la pointe de Pen-Men, les yeux exacerbés du “flight leader”, repère le navire au mouillage. L’alerte a bien sûr été déclenchée, et que ce soit de la côte nord de l’île ou du pont du Sperrbrecher, l’armement antiaérien se déchaîne, malheureusement sans grand succès.
Par chapelet de 9, les bombes sortent des soutes des Halifax et s’essaiment autour du navire. Ce sont 54 projectiles que les bombardiers larguent, sans que pourtant aucune ne touche directement le SP134. Mais le mal est fait, les explosions les plus proches ont endommagé la coque et le navire s’enfonce. L’attaque des Halifax n’a duré que 12 minutes. Lorsqu’ils quittent la zone, une épaisse colonne de fumée s’élève au-dessus de l’épave et l’équipage quitte le bord à la nage vers la côte. Quelques jours plus tard, ceux-ci sont rapatriés sur Lorient où ils renforceront les défenses de la ville.
LES SPERRBRECHER DONT
QUELQUES UNS DE CONNUS
SPER- AROBERT BORNHOFEN
SPER- BINGRID HORN
SPER- CWALTRAUD HORN
SPER- 1 SAAR
SPER- 2 ATHEN
SPER- 3 BELGRAD
SPER- 4 OAKLAND
SPER- 5 SCHWAHEIM
SPER- 6 MAGDEBURG
SPER- 7 SAUERLAND
SPER- 8 NECKAR
SPER- 9 LUNENBURG
SPER- 10 VIGO
SPER- 11 BELGRANO
SPER- 12 STOLZENFELS
SPER- 13 MINERVA
SPER- 14 ROBERT BORNHOFEN
SPER- 15 KONGSFJORD
SPER- 16 TULANE
SPER- 17 TEMPLAR
SPER- 18 SCHURBECK
SPER- 19 ROSTOCK
SPER- 20 KOLENTE
SPER- 21 NESTOR
SPER- 22 ZEUS
SPER- 23 REYNIERSZ
SPER- 24 WALTRAUD HORN
SPER- 25 INGRID HORN
SPER- 26 HERMES
SPER- 27 H-C HORN
SPER- 28 TAMO
SPER- 29 ALGOL
SPER- 30 EILBEK
SPER- 31 SCHWAN
SPER- 32 CRESSIDA
SPER- 33 SILVIA
SPER- 34 FALKE
SPER- 35 ADOLPH KIRSTEN
SPER- 36 EIDER
SPER- 37 BOTILLA RUSS
SPER- 38 PORJUS
SPER- 39 FLAMINGO
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RECIT
DE PLONGEE SUR LE FALKE
(par Dominique RESSE - GRIEME)
La mer était calme ce matin d’octobre et la traversée entre le port de Lomeneur et Port Tudy ne nous a pris qu’une petite demi-heure. Impossible de trouver une petite place dans le petit port où laisser nos «zod» afin d’aller boire un café au Ti-Beudeff, ce lieu mythique, rendez-vous de tous les voileux et marins de passage à Groix.
Tant pis, on ne sera pas sans revenir. Direction le «Falke».
Quelques minutes plus tard, notre position est : 47°39'131N - 03°26 516W (E50). Le fond est à 22 m. L’eau est claire mais assez chargée en plancton. Difficile de se faire une idée de l’endroit où l’ancre s’est crochée. La visibilité n’excède pas 4 mètres et si je crois les descriptions glanées dans les sites internet et le livre de Jean-Louis Maurette « Les messagères de l’histoire », je serais bien au milieu du navire. En effet, celle-ci est très effondrée en son milieu. Je décide de me diriger vers l’arrière où une énorme roue suscite dans notre groupe bien des interrogations. Il s’agirait pour certains d’un support de pièce d’artillerie antiaérienne et pour d’autres du squelette du nid de pie (voir tableau ci-dessous), d’où les veilleurs observaient la surface devant le navire à la recherche des mines immergées. L’énigme reste entière !
J’ai remarqué les 2 énormes chaudières, les restes de la machine et des ses bielles.
De retour vers l’avant, je m’attarde sur l’étrave où il est encore possible de voir la perche articulée qui supportait le fameux bruiteur destiné à faire exploser les mines acoustiques.
Nid de pie |
Bruiteur de Sperrbrecher Voir fiche du Gauss pour mieux comprendre l'utilité de cet appareil |
Les vestiges sont bien habités par la faune bretonne. Les tôles sont tapissées de petites anémones perles aux couleurs délicates, de gorgones et de coraux mous. Les moindres recoins abritent congres, tourteaux et homards et au-dessus de nous le banc de tacauds tourne autours de nos bulles.
Nous avons pris la précaution de bien remonter sous notre bateau. La proximité du port et de la côte font que ce lieu est très fréquenté.
Le peu de visibilité ce jour là ne m’a pas permis de découvrir l’épave tel que j’aurais aimé le faire. Et il n’est pas dit que nous ne replongions pas nos palmes sur ce site un jour !
Publication du dessin du Falke avec l'aimable autorisation de l'auteur
Passez votre souris sur certaines zones du dessin pour y découvrir quelques images sous-marines correspondantes
(Dessin du Falke : Olivier BRICHET)
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SEQUENCE PHOTOS AVEC DOMINIQUE RESSE (GRIEME) et JACQUES LE LAY (Haliotis Explo Vidéo)
(Reproduction interdite sans
autorisation du GRIEME)
PHOTOS CI-DESSOUS DE JACQUES LE LAY (Haliotis Explo Vidéo)
(Reproduction interdite sans
autorisation d'Haliotis Explo Vidéo)
CARACTERISTIQUES
TECHNIQUES
Accès à la fiche technique du Falke de notre base de données
BIBLIOGRAPHIE - SOURCES - REMERCIEMENTS
CREDIT
PHOTOS SOUS-MARINES
En
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(Tous droits réservés - Reproduction du DVD interdite)
Expédition Scyllias
Sous la Mer Productions
Remerciements à
Wikipédia
pour certaines données générales
Olivier BRICHET pour le dessin du Sperrbrecher 134
Jacques Le Lay pour avoir autorisé la publication de ses images du Falke
Haliotis Explo Vidéo
La Bundesarchiv