Mise à jour 15-Mai-2012 21:22
Sources : SAGA DES EPAVES DE LA COTE
D'ALBATRE
Vu dans OCEANS Spécial Collector Hors-Série n°1/2001 - 40 EPAVES DES COTES
FRANCAISES
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(Edition de la Ligue Maritime Française)
DONNEES TECHNIQUES
Armateur |
|
Machine |
2 moteurs électriques 225 cv 2 chaudières 15,5 |
Coordonnées géodésiques |
Shom 190.80.048 |
(Données extraites de la base de données GRIEME) |
DONNEES SUPPLEMENTAIRES
1 tube lance-torpilles
intérieur
2 appareils lance-torpilles carcasse extérieure par
le travers du kiosque lançant sur l'avant à 6° de l'axe
2 Appareils lance-torpilles
carcasses extérieures tirant sur l'arrière à 1° de l'axe
2 appareils lancement Drzewiecki à pointage variable, réglables de l'intérieur placés sur pont,
défilés derrière le brise-lame
8 torpilles 450 modèle 1904
Autonomie 900 milles en
surface et 12 milles en plongée
2 hélices - Equipage 24
hommes
CROQUIS
HISTORIQUE
Dans la nuit du 29 avril 1918, à 2 h 35, le Prairial sortit en rade du Havre sous les ordres du Lieutenant de vaisseau Le Moullec, ayant à son bord 26 hommes. Une heure plus tard il franchissait la passe du grand barrage en compagnie de son escorteur, le Chasseur II (commandant premier maître Riou). Déjà plusieurs feux rouges et verts sont en vues. Ce sont les bâtiments d'un important convoi qui navigue à grande vitesse. A 3 h 25, apparaissent les feux d'un transport anglais Tropic, venant de Spithead, convoyé par deux destroyers. De l'escorteur, on a l'impression que le Tropic va passer entre le Prairial et le Chasseur II, ce dernier lance des coups de sifflets pour le mettre en garde. Mais le Prairial sous la houle parait être terriblement dans le sillage du Tropic.
Le Chasseur II manoeuvre aussitôt pour se rapprocher du sous-marin qui semble vouloir faire route S.E. et commence à signaler par Scott : "Nous venons de ... ". D'un seul coup toutes les lumières s'éteignent à bord du sous-marin, et le message reste inachevé. A ce moment le Chasseur II est à moins de 10 mètres du Prairial, il entend sur la mer crier "Au secours". Il est alors 4 h du matin. Le sous marin a été éperonné par tribord à moins de 5 mètres de l'étrave. Une minute se passe. Le sous-marin commence à piquer du nez. Le Chasseur II réussit à sauver 6 hommes, il y a 19 disparus.
Dans les jours qui suivirent, la marée ramena à la côte les corps de quelques-uns des infortunés marins. Ce n'est qu'en juin que la mer rendit celui du Commandant Le Moullec, mort à son poste. Le front de mer lui fit de solennelles funérailles. L’endroit où avait sombré le Prairial fut repéré dans l’après midi du 1er mai, grâce aux énormes bulles de mazout qui s’échappaient de ses soutes qui en renfermaient 8 tonnes.
Le lendemain un scaphandrier du service de sauvetage, arrivé de Cherbourg, sous les ordres du commandant de Richet descendit sur l’épave. Le sous-marin reposait droit sur le fond et ne paraissait pas sérieusement endommagé.
Le scaphandrier eut un instant d’extrême
émotion lorsqu’il aperçut par le panneau ouvert du kiosque un marin cramponné si
fortement à l’échelle qu’il lui fut impossible de le dégager pour le ramener en
surface.
Le 5 mai
l’épave du Prairial signalée par une bouée fut bombardé par un dirigeable
du Havre qui avait confondu le sillage de la bouée avec celui d’un sous-marin ennemi. Des patrouilleurs qui se trouvaient à proximité accoururent et, à
leur tour, lancèrent des grenades qui provoquèrent de nouveaux dégagements de
mazout, puis on reconnut la méprise en identifiant la bouée.
Un scaphandrier de nouveau descendu sur le Prairial constata que les grenades venaient d’en démolir l’arrière et que le sous-marin s’était couché à 45° par tribord sur ses torpilles chargées, prêtes à tirer. Il fallut renoncer à toute tentative de relevage qui, dit un rapport officiel, ne présentait plus qu’un intérêt d’ordre moral.
Beaucoup plus tard l'épave reçut la
visite des plongeurs de la Marine Nationale qui n’hésitèrent pas à poser une
charge sur les arbres arrières pour récupérer les deux hélices en bronze. Ces
hélices seraient dans le bureau d'un commandant à Cherbourg.
Pendant la guerre 1914-1918 les sous-marins français étaient 40 en ligne. Quatorze sont restés au fond de l’eau : Curie, Monge, Cirçé, Bernouilli, Foucault, Fresnel dans l’Adriatique ; Saphir, Joule, Mariotte, Turquoise aux Dardanelles ; Floréal dans la Mer Egée ; Ariane devant Bizerte ; Diane dans l’Atlantique et Prairial dans la Manche.
Ces machines déplaçaient 400 tonnes.
Ils étaient du type Brumaire à moteur diesel ou du type Pluviose à
vapeur.
Les moteurs
des Brumaires n’étaient pas au point, mais les bateaux de ce modèle
plongeaient relativement vite : 5 minutes quand tout allait bien.
Les Pluvioses, plus anciens et plus robustes, avaient des machines sûres, mais il leur fallait au moins dix minutes pour avaler leur cheminée et disparaître. Ils avaient les uns et les autres des coques merveilleuses, ces coques dessinées par Laubeuf, copié par toutes les marines, et dont l’Allemagne avait volé les plans.
Coques mises à part, ils
constituaient des bateaux étranges, où tous les problèmes de la navigation
sur l’eau et en dessous avaient été résolus avec une élégante ingéniosité et,
d’ailleurs, aux dépens des qualités militaires...
En surface, par mauvais temps, la mer
démolissait leur gouvernail de plongée placé trop haut. Leurs appareils
lance-torpilles étaient installés sur le pont, à l’extérieur, exposant les
torpilles aux chocs des lames et aux pressions des plongées
profondes.
Leurs périscopes étaient d’une clarté médiocre, d’un grossissement insuffisant, d’une étanchéité précaire. Leur vitesse en immersion était trop faible, leur rayon d’action aussi, surtout pour les Pluvioses. Leurs complications intérieures étonnaient les Anglais.
Ces engins ont quand même fait la guerre, grâce aux chefs d’élite et aux équipages de fer qui les servaient. Entre deux randonnées, on essayait de les mettre au point tant bien que mal.
Par Michel TORCHE - Janv.2001
Le Prairial faisait partie des 18 submersibles à double coque, type Pluviose, de plans Laubeuf du programme 1905 ordonné le 26 Août 1905. Son numéro Marine Nationale était le Q55.
Outre le Prairial, la série comprenait le Pluviose, Germinal, Thermidor, Vendémiaire, Fresnel, Ventose, Floréal, Messidor, Fructidor, Papin, Berthelot, Monge, Gay Lussac, Cugnot, Ampère, Watt, Giffard.
Il fut mis en chantier le 26
Septembre 1905 à Cherbourg.
Il déplaçait 398 tonnes en surface et 550
tonnes en plongée
Ses
dimensions étaient de 51,12 x 4,97 x 3,04 m.
Sa motorisation était la suivante
:
2 chaudières du Temple tarées à 15,5 kg/cm.
2 alternateurs de 350 CV.
2 moteurs électriques de 225 CV
propulsant 2 hélices.
Sa vitesse était de 12 noeuds en surface et 8 noeuds en
plongée.
Son autonomie
était de 900 milles en surface et 12 milles en plongée. Son équipage se
composait de 24 hommes.
Son armement se composait de :
-1 tube lance-torpille intérieur
- 2 appareils lance-torpille carcasses extérieurs
par le travers du kiosque lançant sur l’avant à 6° de l’axe
- 2 appareils
lance-torpille carcasses extérieurs tirant sur l’arrière à 1° de
l’axe
- 2 appareils lancement Drzewiecki à pointage
variable réglables de l’intérieur placés sur pont, défilés derrière le brise-lame
- 8 torpilles 450 modèle 1904
Finalement suite à l’accident du Fresnel, on renonce au tube d’étrave qui n’existera que sur les Ventoses, Germinal, Floréal et Prairial.
Les sous-marins non perdus par fait de guerre seront désarmés en 1919.
ACCES PLONGEE
L'épave repose à 7,8 milles dans le
301° de l'entrée du port du Havre.
Sa position G.P.S. corrigée est 49° 32' 81" N
et 00° 05' 31" O.
Elle
se trouve sur un fond de sable où se trouve un peu de vase. La profondeur
moyenne est de 23 m en basse mer.
De par son éloignement, il faut attendre une
météo excellente avec un vent qui n’excède pas 10 noeuds, ainsi qu'un petit
coefficient de marée. Il sera préférable pour la visibilité et la profondeur de
plonger à marée basse. On se trouve à cet endroit assez éloigné des rejets de
l’estuaire de la Seine et parfois on peut espérer une visibilité se
rapprochant des 10 mètres avec une eau d’une belle couleur verte, la plongée
devient alors sublime.
DEROULEMENT DE LA
PLONGEE
Le fichier du SHOM indique
:
-
épave retournée, coque en bon état
- Déchirure sur l’arrière
bâbord
- Nature du point haut est la quille
- Hauteur au
dessus du fond 4,7 m
L'épave est orientée Nord Sud, la proue vers le Nord. Elle semble mesurer environ 40 mètres pour une largeur d'environ 5 m et une hauteur moyenne de 2 mètres avec des pointes à 4 mètres.
(Batteries)
Elle est entièrement retournée. L'impact de l'abordage sur l'avant bâbord avec le transport Tropic est clairement visible ; à cet endroit la coque est écroulée. Vers les deux tiers du sous-marin on peut observer le kiosque détaché de la coque qui gît ouvert sur le fond côté bâbord.
En arrivant sur la poupe on constate l'absence d'hélices, on peut observer une grosse dérive sur le milieu de la quille, ainsi que deux dérives latérales. L’arrière est écroulé et on reconnaît mal la forme générale de la poupe. Sur la proue un morceau de chalut est collé à la coque ainsi que les grosses pièces du chalut, l'ensemble ne présente aucun danger. L'épave par elle même ne présente aucun danger, la pénétration est impossible. C'est une épave très poissonneuse : tacauds, vielles, gros homards , congres, araignées.
Sur l’arrière on peut noter la présence d’un nombre très important de batteries. Le jour de la visite l'eau semblait marron en surface, mais s'éclaircissait passé les premiers mètres. Au fond il faisait sombre mais avec un phare la visibilité était de l'ordre de 5 mètres dans une eau d'une belle couleur verte.
Le côté bâbord semble assez bien protégé du courant qui s'oriente sensiblement Ouest Est au montant. C'est une plongée rare, en effet il n'y a pas ou peu d'épaves connues de sous-marins français sur les côtes françaises, un des rares exemples l'Alose ayant été renfloué il y a 20 ans par la Comex sur les côtes méditerranéennes.
D’après l'information d’un plongeur de C.A.P. informatique, les deux
hélices, le périscope et le sextant ont été remontés par les plongeurs de la
Marine Nationale en 1990 et 1991.
ATMOSPHERE ET IMPRESSION DE
PLONGEUR
Par Michel TORCHE - GRIEME
Le 30 octobre 1988, par une belle
journée d’automne, nous embarquons sur le bateau de Jean-Luc amarré au bassin du Roy au Havre. La mer est belle, et nous nous éloignons rapidement
vers le large laissant par tribord arrière le Cap de la
Hève.
Jean-Luc, à
l’aide de son positionneur Decca, nous emmène plonger sur une épave de
son répertoire dont il garde jalousement le secret... Même 12 ans après
!
Abel et moi, ainsi que 2 autres copains, allons plonger sur un sous-marin dont, tout en faisant route, il nous en raconte l’histoire.
Au point du Decca, à peine le temps de mouiller une cathode que déjà le sondeur du bateau qui file sur son erre détecte l’épave. Demi-tour pour reprendre la route, l’orientation du courant et préparer à mouiller l’ancre... Ce qui fût fait rondement.
La visibilité est bonne, car l’on
aperçoit le bout du mouillage qui descend vers les profondeurs sur au moins 5
mètres. Je fais équipe avec Abel et nous descendons rapidement à 25 mètres, nous
atterrissons sur le sable, auprès de l’ancre qui se trouve à une dizaine de
mètres de la masse sombre de l’épave.
Nous l’empoignons et la traînons jusqu’à la
carcasse afin d’assurer le mouillage. Gros efforts, car le bateau n’est pas un Zodiac, et la progression se fait par à coup, en piochant l’ancre
au fur et à mesure de notre avancée. Enfin nous y parvenons ! Maintenant la joie
de la découverte s’offre à nos efforts.
Nous commençons notre plongée par longer la coque sur quelques mètres et remontons parmi les débris sur l’épave. Effectivement, ce cylindre semble bien être un sous-marin et la "visi" est bonne. Nous apercevons de part et d’autre des arbres de renvoi d’angle et leurs pignons en bronze, des vannes de bonne taille et l’enveloppe externe déchiquetée qui laisse entrevoir la coque de base de celui-ci. Plus loin nous arrivons sur le kiosque, dont l’accès nous est vraiment trop étroit en regard de nôtre équipement. Par ailleurs une superbe Dame Bleue s’y trouve et monte la garde ! Nous l’obligeons à réintégrer ses pénates en la suivant de nos lampes, jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans le noir profond des entrailles du submersible.
Nous reprenons notre progression de nouveau sur ce qui nous semble être un pont, avec ses alvéoles verticales à tribord et à bâbord qui diminuent de taille en allant vers le nez de l’épave. Nous tombons sur le «trépied» avant tel que l’on peut le voir sur les photos ou dans les films de guerre... Déjà 20 minutes de passé sur l’épave et nous retournons vers le mouillage que nous atteignons 10 minutes plus tard. Nous entamons la remontée, des images pleins les yeux et pressé d’en discuter sur le pont qui nous attends à la surface, avec le saucisson et de quoi se rincer les amygdales !
De retour sur le bateau, chacun de nous narre sa plongée, l’un a vu une torpille échouée sur le sable par bâbord et l’autre n’a pas trouvé les hélices quand il a parcouru l’arrière de l’épave. Jean-Luc nous précise que des « ferrailleurs » de la côte ont fait exploser l’arrière, l’année précédente, afin de récupérer celles-ci qui étaient toutes en bronze.
9 ans plus tard, avec l’évolution du matériel et surtout le G.P.S., nous repartons avec nos "Zodiacs", plonger plusieurs fois sur le sous-marin « Q55 ». le PRAIRIAL, après avoir retrouvé son histoire dans un livre de la bibliothèque municipale du Havre, ainsi que les traces d’un sous-marin Anglais , le «D3», coulé accidentellement quelques mois auparavant à 20 milles dans le N.O. de Fécamp. La meilleur période, si l’on ne veut pas plonger de nuit, se situe toujours en fin d’année.
Le 27 septembre 1997, dans des
conditions exceptionnelles (année exceptionnelle !), par une "visi" de 15 mètres
sans particules, l’épave du PRAIRIAL nous est apparue dans son ensemble,
en large et en travers, reposant sur le sable par 27 mètres comme un gros
saucisson, dépouillée.
Adieu mes premières images, plus de trépied mais un quadripode, plus de
kiosque, plus de vannes ni de renvoi de commande mais une superbe barre de
commande d’assiette, plus de double coque et toujours pas d’hélices
!
Est-ce le même sous-marin que nous avons plongé auparavant ? Même Abel n’en n’a pas le même souvenir. Si celui-ci est le PRAIRIAL, l’autre ne serait-il pas le sous-marin allemand bombardé par un dirigeable français de surveillance peu de temps après, à proximité ?
Mystère sur ce qui s’avère officiellement être la bouée de repérage du PRAIRIAL... La part du rêve... Pourquoi pas ?
Il me reste une aquarelle issue de cette plongée inoubliable, parmi tant d’autres, et qui est parue, avec l’histoire de ce submersible à vapeur français de la première guerre mondiale, dans la revue Océans.
Récit de Michel TORCHE Ci-dessus
Retrouvez le "PRAIRIAL" dans
"La Saga des Epaves de la Côte
d'Albâtre", éditée par le GRIEME,
En vente par correspondance sur notre site internet.
PHOTOS
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REMERCIEMENTS IMAGES SOUS-MARINES