La Manche est un réservoir inépuisable dans le domaine des épaves. Découvertes ou encore inconnues, nous sommes encore loin de connaître tous ce que peut nous révéler ce couloir maritime emprunté depuis que l’homme navigue.
Nous allons donc nous écarter
quelques milles nautiques vers l’ouest, plus précisément
en baie de Saint-Malo pour raconter dans cette fiche, deux des épaves
les plus célèbres de ce secteur :
Le WALTER DARRE/R.
WALTHER DARRE, chalutier armé immatriculé
V 208
Le HINRICH HEY,
chalutier armé immatriculé V 210
Ces deux unités appartenant
à la 2 ème VORPOSTENBOOT-FLOTILLE basée à
Saint-Malo
furent coulées le même jour, le 4 juillet 1944.
CARACTÉRISTIQUES
Le R. Walther Darré
était un chalutier réquisitionné par les allemands
durant le conflit mondial de 1939/1945. Lancé en 1933 après
avoir été construit à WESERMÜNDE par le
chantier SEEBECK, il fut incorporé dans la Kriesgmarine
en
1937 comme navire école.
D'une longueur de 45,46
m pour 7,69 de large, il jaugeait 391 tonneaux. Hasard de l'histoire, le
saviez vous ? Le R. Walter Darre alias V-208 a déjà
été coulé ! Et savez vous où ?
Eh bien dans un petit port de pêche normand qui s'appelle Dieppe
et en 1942, il a été renfloué par la suite ... pour
couler de nouveau, mais cette fois ci sur Saint Malo.
Le HINRICH HEY était lui aussi un chalutier. Réquisitionné (tel était le sort de tous les navires à l’époque), il sortait des chantiers de Hambourg et avait été construit par NORDENWERFT A.-G. en 1934. Un peu plus grand que le V 208, il mesurait 54,6 m de long pour 6,36 m de large et jaugeait 422 tonneaux brut.
HISTORIQUE
C’est le mardi 4 juillet 1944 vers 1 h 30 du matin que le destin de ces navires allait basculer. Revenant tous les deux vers Saint- Malo en escortant le remorquer MINAUTORE qui transportait des prisonniers de guerre d’AURIGNY, le convoi comprenait en plus de ces deux navires le V 209 et le M 4622. Ils avaient appareillé vers 22 h 30 des îles Anglo-normandes et étaient loin de se douter d’une attaque aussi proche des côtes menées par l’ennemi.
Empruntant la route entre CHAUSSEY et les MINQUIERS, les navires allaient être interceptés par des vedettes lance-torpilles de la 65 ème Flottille canadienne. Au nombre de 4 cette nuit là, les vedettes basées au sud de l’Angleterre étaient en patrouille au large de Saint-Malo, attendant comme toutes les nuits les mouvements des navires allemands.
Il était 1 h 10 lorsque
le radar d’une des vedettes détecta un mouvement de 4 unités
naviguant à 12 noeuds cap au sud-ouest.
S’approchant très rapidement
au plus prés (n’oublions pas que ces vedettes pouvaient atteindre
des vitesses de plus de 30 nœuds !), les canadiens se ruèrent sur
le convoi. La M.T.B. 748 (Motor Torpedo Boat - Voir fiche
épave R-180) du commandant Kirkpatrick lâcha 2
torpilles sur le plus gros des bateaux qu’il identifia à tort comme
un cargo. Il s’agissait du R. Walther Darré ! Deux impacts,
tous les deux fatals. Le V 208 coula aussitôt laissant de
nombreux marins dans l’eau.
Mais l’attaque ne s’arrêta
pas là, le HINRICH HEY comme les 3 autres navires, n’avaient
plus que de salut en fuyant. Ce fût sans compter sur l’adresse des
marins de l’armée canadienne qui en un coup au but touchèrent
le HINRICH au niveau de la salle des machines. L’explosion fût
très violente et le V 210 coula aussi rapidement que son
compagnon d'infortune en quelques minutes.
Ce furent 45 survivants qui
au total embarquèrent sur le V 209. Le MINAUTORE, également
touché, et dût être remorqué pour atteindre Saint-Malo.
Ironie du sort, le 24 juillet devant le port de SAINT PETER à GUERNESEY, le V 209 fût coulé à son tour faisant 20 disparus.
PLONGEE
Ces deux épaves sont distantes d’environ 300 m. Mais pas question de les faire toutes les deux dans la même plongée, la visibilité même si elle est souvent bonne dans ce secteur nord de la pointe de La VARDE, ne doit pas nous faire oublier que nous sommes à 5 milles de cette dernière, et donc exposé aux courants. Alors plongée à l’étale de marée oblige.
L’épave du R. Walther Darré se situe aux coordonnées suivantes :
48° 45’ 730 N
02° 01’ 730 W
EURO 50, comme les cartes SHOM
Cassée en deux morceaux bien distincts au niveau des machines, l’épave est couchée sur tribord. A marée haute, le fond avoisine les -38 m, c’est donc une plongée pour niveau confirmé qu’il faudra s’attendre à faire.
Orientée W/E pour la partie avant et NW/SE pour la partie arrière, les accès sont au niveau des cales les jours de bonne visibilité. Jusqu’en 1995, la cale la plus avant n’était pas accessible. Mais le temps fait ici aussi son effet : la corrosion et l’influence des courants font "travailler" ces structures qui maintenant gisent au fond de La Manche depuis presque 60 ans !
Attention, présence de
vase, tout comme de nombreux autres pièges que sont les superstructures.
Il faudra toujours avoir un œil derrière soit pour ne pas se faire
piéger et ne pas "rester" coincé. En cas de doute, on restera
sur l’extérieur.
Sur la proue trônait
jusqu’en 1996 un canon de 88 mm comme c’est souvent le cas sur ces chalutiers
armés. Mais l’hiver un rude cette année a affaibli
les structures du pont qui n'ont pas résistées au poids du
canon qui depuis est tombé au sable entraînant avec lui une
grande partie du pont.
La partie arrière, de
la chaudière à la proue, mérite elle aussi que l’on
s’y attarde quelque peu. C’est là que les amoureux de faune trouveront
les congres dans les tubes de fumées de la chaudière et les
homards sous les tôles avoisinantes.
Pour les puristes en épaves, et plus particulièrement en machinerie, on reconnaîtra le moteur triple expansion dans le prolongement de la chaudière avant d’arriver à la poupe, encore bien conservée.
L’épave du HINRICH
HEY se situe elle dans les coordonnées suivantes :
Plus abîmée que l’épave
du WALTER, le HINRICH est lui aussi cassé en deux
après la chaudière. L’avant, partie mieux conservée
de l’épave est couché sur tribord et orienté E/W.
L’arrière s’oriente lui en SE/NW et les tôles sont beaucoup
plus éparses. La machine triple expansion étant la partie
la plus éloigné du gisement, il est difficile de s’orienter
si la visibilité n’est pas bonne.
Sur la partie avant, on retrouvera
un canon de 88 mm pointant vers le sable. Il sera facile de pénétrer
la cale principale avant, mais ici aussi, prudence, la vase épaisse
se soulève facilement. Un élément attirera l’attention
entre les deux parties principales de l’épave, il s’agit de la cheminée,
à moitié enfouie dans le sable. Avant d’arriver à
la chaudière, une cale se laissera visiter facilement puisque ajourée
des deux côtés : on y découvrira des restes de munitions
de 88 mm et de défense anti-aérienne. La visite se terminera
sur ce qu’il reste de la poupe où une superbe hélice tripale
est encore en place.
Durant le second conflit mondial, les allemands étaient présents dans tous les ports français. Toutes ces zones constituaient des "territoires occupés". Chaque région maritime avait des flottilles attitrées :
- La 15 ème Flottille
était
basée au Havre (voir fiche VP 1501 ou
WIKING 7)
- La 2 ème flottille
à
Saint-Malo
(nous venons de la découvrir)
Dans une prochaine fiche épave, nous aborderons l'histoire de la 7 ème flottille qui était basée à Brest
DEVOIR
DE MEMOIRE
Le GRIEME effectue actuellement "le relookage" de certains croquis, esquisses, dessins que les plongeurs amis de notre association nous confient généreusement. Après avoir plongée nous mêmes les épaves en question, après avoir échangé avec les "habitués" des lieux, après avoir entendu celles et ceux qui connaissent ces vielles carcasses, notre association vous présentera bientôt une actualisation des documents qui nous ont été confiés. Certaines de ces nouveautés viendront agrémenter les pages de notre site internet. Quant à nos propres dessins, vous les retrouverez prochainement dans la seconde SAGA DES EPAVES DE LA COTE D'ALBATRE que nous sommes en train d'écrire pour vous.
En attendant, nous vous proposons ci-dessous, une premier résultat du travail réalisé sur la base du croquis d'Emmanuel FEIGE. Nous vous laissons découvrir le R. Walther Darré vu par le GRIEME d'après une oeuvre de base de "Manu".
LE
CROQUIS ORIGINAL D'EMMANUEL FEIGE
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REMERCIEMENTS
Emmanuel FEIGE pour
les documents fournis, pour sa gentillesse et sa disponibilité.
Retrouvez également d'autres navires dans "La Saga des Epaves de la Côte d'Albâtre", édité par le GRIEME, en vente par correspondance sur notre site internet.