LE SYRIE
Sources
: La Saga des Epaves de la Côte d'Albatre
Tome 2
Mise à jour
18-Nov-2011 18:30
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Extrait presse régionale havraise
Durant l’été 1909, les Ateliers et Chantiers de France à Dunkerque livrent le Saint-Thomas à la Société Navale de
l’Ouest (SNO). Il s’agit d’un cargo conventionnel de 87,78 m x
11,58 m x 4,88 m de 2 640 tonnes.
Sa machine triple expansion de 1 240 CV est alimentée
par une chaudière. Il est destiné à la ligne Espagne/ Portugal/Afrique du nord, alors florissante du fait du trafic
colonial. Au milieu des années trente, une recomposition du capital
de la SNO amène cette compagnie à fonder la Compagnie
Navale d’Afrique du Nord (CNAN).
En 1937, le siège de la CNAN est au 142 du boulevard de Strasbourg au Havre,
dans les locaux du Comptoir maritime Franco-belge. Dans
la flotte de cette compagnie se trouvent trois navires venus
de la SNO : les Saint-Paul, Saint-Michel et Saint-Thomas. Ils deviendront respectivement Maroc, Congo et Syrie. Celui
qui nous intéresse, le dernier des trois, est affecté à une
rotation entre les ports de La Manche, de la Mer du nord et
les possessions coloniales Françaises d’Afrique du nord et du Levant (les actuels Liban et Syrie).
Au moment de la déclaration de guerre, il est réquisitionné
par l’état français et passe sous l’autorité de la Direction
des Transports Maritimes (DTM).
Il reçoit l’ordre comme de nombreux autres navires de
se rendre au plus vite à destination du Havre.
Le navire
rentre dans le port en compagnie du Niobé le 10 juin sous
la conduite du pilote Dominique Lescop. Il prend place au
poste 1 du quai Joannès Couvert, à son bord se trouvent
environs 400 tonnes de munitions que le navire n’a pu
débarquer au cours de ses précédentes escales.
Malgré une avarie de machines, il embarque près de huit
cents passagers dont près de 250 militaires qui viennent
de fuir le port de Saint-Valery-en-Caux sous la menace des
Allemands.
Le 11 juin 1940 à treize heures, il appareille et
croise les digues vingt-cinq minutes plus tard. Il s’apprête
donc à arriver sur rade au beau milieu de l’attaque aérienne
ennemie.Le navire va d’abord chercher les bouées du dépôt de
dragages. Il s’agit d’éviter les champs de mines. Parvenu à cet endroit, il débarque son pilote, M. Perouelle.
Dix minutes après, il est pris pour cible par les avions
de la Luftwaffe, un artilleur tente alors de riposter à
l’aide de la mitrailleuse montée sur le pont.
Le navire est encadré par les bombes qui, en explosant,
provoquent une déchirure dans la coque et une
voie d’eau. Il commence à s’enfoncer doucement par
l’arrière.
Les pompes sont mises en marche, le commandant
Sicart sait que son navire est perdu, en d’autres circonstances
un remorqueur pourrait prendre le navire
en remorque et le ramener au port mais il n’en est pas
question.
Aujourd’hui, le navire a été chanceux, sa
dangereuse cargaison n’a pas explosé.
Il donne l’ordre d’évacuer le bâtiment, certains militaires
perdant leur sang froid tentent de quitter le bateau
les premiers. La situation est vite rétablie, les passagers
descendent le long de la coque à l’aide de cordes,
prennent place dans les chaloupes et seront alors
recueillis par les avisos Amiral-Mouchez et Savorgnan
de Brazza. Les passagers seront débarqués le 12 juin à Cherbourg.
Les membres d’équipage, après avoir aidé à évacuer
les civils, resteront à bord pour tenter tout de même de
sauver le navire mais devront se résoudre à leur tour à le quitter.
Le Syrie abandonné ne coule cependant pas. Dans la nuit du 12 au 13, soit près de trente-six heures après le bombardement, il est aperçu, à la dérive, par le chalutier-patrouilleur Nadine de Dieppe accompagné du Saint Dominique. Celui-ci l’arraisonne et le trouve vide d’occupants, les garants d’embarcations pendants encore le long de la coque. Les hommes de la Nadine font une découverte macabre, quatre cadavres, trois hommes et une femme gisent dans le poste avant.
Le 13 juin, après 2 jours d’agonie, le navire dans un bouillonnement d’écume, s’enfonce définitivement sous la surface.
Et si l’épave coulée à proximité de la bouée grande rade
sud n’était pas le Syrie ? Si la position et l’identification
donnée par le fichier du SHOM était inexacte ? À mes yeux ainsi qu'à ceux d'autres personnes, il existe
un doute sérieux !
En effet, dans les cales du navire,
identifié comme le Syrie, se trouvent des monceaux de
cornes et d’os de boeufs, à travers les cales écroulées on
peut observer un arbre d’hélice très long caractéristique
du début du siècle, de même les hublots observés
sont de factures grossières.
Il existe un bateau coulé par abordage au début du
siècle très près de cet endroit qui lui transportait… du
boeuf !
Cette épave est depuis longtemps appelée par
les pêcheurs “Le Corrientés” et les pêcheurs savent
beaucoup de choses.
Quelques centaines de mètres plus loin juste en bordure
du chenal près de la bouée LH8 repose une épave
non identifiés connus sous le surnom de LH8 (LH pour Le Havre et 8 pour la huitième bouée du chenal d’approche)
ou “ L’épave aux munitions” ou “ La Belge”
curieux non ?
Curieux lorsque l’on sait que le Syrie contenait une importante cargaison de munitions et que les douilles, remontées pour analyse, laissent apparaître une fabrication datée de 1940, qu’à bord se trouve du matériel estampillé CGT.
Les autres épaves coulées en 1940 sont clairement identifiées et ne sont pas dans cette zone. Alors, en conclusion, Syrie ou Corrientes, le mystère reste entier !
QUELQUES MOTS SUR LE CORRIENTES
Remerciements à la French-Lines
Comme nous l'avons évoqué dans le chapitre précédent, un doute subsiste sur la localisation du Syrie. Alors retenons aussi l'hypothèse qu'il puisse s'agir du Corrientès. Au GRIEME, nous pensons que le Syrie répertorié actuellement par le SHOM ne peut être le Syrie ! En l'occurence cette épave semble trop vieille de conception (coque rivetée) et son chargement est principalement constitué de corne comme celle du Corrientes !
Nous vous invitons à revenir sur la carte postale publiée ci-dessus dans la présente page, où l'on présente le Syrie en cale séche. En effet, les objets retrouvés sur LH 8 semblent davantage provenir d'un navire de ce type.
De plus, nous complétons notre hypothèse en en mentionnant les points suivants :
- couverts en argent et vaisselle siglés CGT (Compagnie Générale Transatlantique)
- munitions de la deuxième guerre mondiale probablement pas déchargées à Cherbourg (comme pour le Niobé) suite à l'expédition ratée de ravitaillement de la poche de Dunkerque et la demande précipitée de
l'évacuation du Havre,
- ancres et les morceaux caractéristiques de ce type de construction,
- récit de la dérive du navire en feu,
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a de forte chance que le Syrie repose à LH8 et que le Corrientes repose en lieu et place du point SHOM donné pour le Syrie.
Nous mènerons toutes les investigations possible afin de lever définitiviement le doute sur l'identité de ces deux navires, alors rendez-vous dans le Tome 4 de notre Saga pour connaitre la fin de l'histoire !
TEMOIGNAGE
Le 11 juin 1940 : l’évacuation du Havre
Qui, mieux qu’un rescapé, peut nous raconter ce qui
s’est passé ce jour-là ?
À la suite d’un article sur le naufrage du Syrie dans Le Havre Presse que nous avions fait paraître en 1997, j’ai rencontré M. Rebulet qui a raconté ses souvenirs. Nous vous livrons ce témoignage tel que M. Rebulet a eu la gentillesse de nous le transmettre, c’est un instantané sur ce qui s’est passé ce jour-là.“Je ne me souviens plus comment ma mère et moi avons gagné le port du Havre et pourquoi nous nous sommes retrouvés sur le Syrie plutôt que sur le Niobé qui se trouvait aussi ce jour-là quai Joannés Couvert. Nous descendions d’Aplemont, les raffineries de pétrole brûlaient, il faisait nuit alors que nous approchions de midi. C’était évident, la mer était l’unique possibilité d’évasion. C’était l’exode, nous partions les derniers, ma mère avait attendu jusqu’au bout pour laisser son intérieur et son emploi de gérante des Caves Générale, par peur du pillage et par conscience professionnelle. Elle emportait la recette d’une dizaine de jours, se promettant de la rendre à son patron dès que la situation s’améliorerait. La seule issue : le port, le seul moyen de fuir l’occupant : le bateau. Je n’ai plus en mémoire la façon dont nous sommes montés à bord, canalisés sûrement, mais aussi jouant des coudes de peur de rester sur le quai.
"Ici s’arrêtent mes propres souvenirs.“
Raymond Rebulet
REMERCIEMENTS
Thierry DESPRES (Club de plongée Paul Eluard)
La French-Lines