Longueur : 70 m - Largeur : 11,15 m - Creux : 6,50 m Jauge brut : 1280 tonneaux - Port en lourd : 2000 tonneaux Construit en tôle d’acier. Beaupré en acier et d’un seul morceau Les 3 mâts sont en acier et construits d’un seul jet jusqu’au mât de flèche. Les bases vergues et les vergues de hune sont aussi en acier. Les mâts de flèche et les autres vergues sont en pitchpin. Tout le gréement est en fer. |
Rares sont les dieppois qui en ont
connaissance, mais, à la fin du XIX ème siècle, Dieppe fut un temps un
port pétrolier au moment même où l’importance de ce combustible se fit sentir.
Encore plus rares sont ceux qui savent que le tout premier voilier pétrolier
doté de cuves en vrac en France, fut un trois-mâts dieppois, le bien
nommé Ville de Dieppe.
Un voilier transportant du pétrole,
ce n’est pas le moindre des paradoxes du Ville de Dieppe… Au moment même, où la construction
navale française et le port de Dieppe connaissent quelques difficultés,
en deux années, 1888 et 1889, le port de Dieppe lance un voilier unique,
le Ville de Dieppe et un terre-neuvas, le Duquesne qui relance
pour un temps l’activité morutière du port ! En 1888, l’armement Robbe de Dieppe a l’audace de faire construire ce trois-mâts barque aux chantiers
de Southampton en Grande-Bretagne, alors que la marine à voile est
moribonde.
Non seulement, le Ville de Dieppe va donner des idées à
d’autres armateurs en France, mais le bateau devient l’archétype de ces
derniers voiliers : coque en acier, mâts, beaupré et vergues entièrement en
acier. Le navire est le premier voilier à être équipé de cofferdams (cuves dans
lesquelles on mettait le pétrole au lieu de simples barils).
Ce voilier est d’autant plus important dans "l’Histoire locale" que c’est un dieppois Monsieur Robbe et des capitaux dieppois pour l’essentiel qui vont être à l’origine de sa construction. Enfin, de nombreux membres d’équipage furent aussi d’authentiques dieppois dont les noms fleurent bon les patronymes locaux : Thoumyre, Delarue, Viandier, etc. Ce beau voilier, long de 80 m environ, hanta longtemps le port de Dieppe et après une carrière hors de commun, il finit par sombrer, sous les coups d’un sous-marin allemand en 1917 en Atlantique.
Propriétaires du Ville de
Dieppe
Robbe fils de Dieppe
pour 22/100 (armateur)
Legal de Dieppe pour 22/100
Delarue de Dieppe pour
22/100
Mallet
de Paris pour 25/100
Phocion Rossolin de Paris pour
6/100
Richard
d’Orléans pour 3/100
Quelques noms de marins qui ont navigué sur le
Ville de Dieppe
Dieppois
Thoumyre Jules - Lieutenant
(habitait 9 rue des Moines)
Corrée Georges - Matelot
Flouest Prosper - Mousse,
novice puis matelot (habitait au 33 rue de la Lombardie)
Viandier Joseph - Matelot
léger
Testulat
Dominique - Maître au cabotage second
Lemaréchal Fernand -
Matelot
Edet
Jean-Baptiste - Matelot
Edet Narcisse - Mousse (son fils)
Rouennais
Boutigny -
Mécanicien
Thierry
Gustave - Mécanicien
Blotière Marcel - Novice
Jeantet André - Pilotin (disparu en mer
!)
Fécampois
Grangé Georges -
Second-maître en cabotage
Premières émotions...
Article de l’Impartial du 16 novembre 1888
« 1888 a été
marquée par un évènement qui mérite de prendre place dans les annales maritimes
de notre cité. Le grand et beau trois-mâts Ville de Dieppe a effectué son
entrée dans notre port…
On n’avait pas
encore eu l’occasion de voir à Dieppe un navire de ce genre et l’on
maugréait contre le mauvais temps qui l’empêchait de quitter la côte anglaise.
Il a pu enfin partir de l’île de Wight mercredi à 11h du matin. Il est
arrivé hier vers deux heures du matin, en rade de Dieppe, remorqué par le
remorqueur anglais Albert-Edward, capitaine Carell.
A 8 h du
matin, il pénétrait dans la passe ; malgré l’heure matinale, un grand nombre de
curieux étaient venus sur les jetés pour jouir du coup d’œil de l’entrée. Cette
entrée s’est faite dans les meilleures conditions ; le Ville de Dieppe,
malgré ses grandes dimensions, manœuvre admirablement. Grâce à ses excellentes
qualités nautiques, ce navire, dirigé avec une rare habilité par le pilote
Fournier, secondé par le pilote Giffard qui dirigeait le
remorqueur, a exécuté ses différentes évolutions avec une précision et un sûreté
qui font le plus grand honneur aux connaissances de ces hardis
marins.
Le grand
trois-mâts a franchi très facilement les écluses de nos bassins et a été amarré
à quai dans le bassin Bérigny en face du jardin de la sous-préfecture.
Durant toute la journée d’hier, de nombreux curieux n’ont cessé de stationner
sur le quai, le plus beau qu’on ait jamais vu à Dieppe
».
Le baptême du Ville de Dieppe, le 20 novembre 1888 fut l’occasion d’une fête importante à Dieppe. Plus de 200 invités vinrent saluer le voilier. Trois jours plus tard, le navire partit pour son premier voyage, en voici la relation par la Vigie (aujourd'hui les INFOS DIEPPOISES) de Dieppe.
« Le trois-mâts Ville de Dieppe a effectué hier sa sortie pour son premier voyage. Cette sortie a eu pour notre ville l’importance d’un grand événement ; plusieurs milliers de personnes ont suivi pendant près de deux heures, les évolutions du beau navire. Cette sortie présentait de grandes difficultés ; une forte brise soufflant de l’ouest ; des grains fréquents gênaient la manœuvre, mais grâce au vapeur anglais Gazelle, capitaine Rees, qui a donné obligeamment la remorque, tout s’est bien passé. Un grain assez violent s’est déclenché au moment où le navire était dans le chenal ; la mer qui était très grosse rendait difficile la tâche du remorqueur. A un certain moment, on a eu une vive appréhension, la remorque a choqué avec un bruit qui a fait croire qu’elle était rompue, mais il n’en était rien et le navire a repris son erre; il a établi ses voiles d’étai et débouqué des jetés sans accident. Les nombreux curieux ont pu admirer la magnifique allure du navire qui s’est éloigné majestueusement, à peine balancé par un léger tangage malgré l’état de la mer. ».
Les voyages du Ville de
Dieppe...
Pour aller de Dieppe à Philadelphie (U.S.A.), on a pu relever de l’année 1890 à l’année 1894 un certain nombre de voyages, le plus rapide étant de 35 jours en 1890. La majorité des voyages sont effectués entre 45 et 50 jours. Le plus lent s’est fait en 64 jours quand le Ville de Dieppe partit le 10 septembre 1894 pour arriver seulement le 13 novembre ! Il faut dire que cette traversée de l’Europe vers les Etats-Unis s’effectue contre les vents dominants. En revanche dans l’autre sens, les temps de traversées sont sensiblement plus rapides.
On note pour la même période une traversée de 24 jours en 1891, une autre de 28 jours, alors que la majorité des voyages se font en 30 jours environ. La traversée la plus longue a été de 38 jours dans ce sens en 1892. Il faut dire que le voilier n’était vraiment pas réputé pour sa rapidité, très large pour sa longueur, il ne pouvait prétendre rivaliser avec les quatre-mâts construits quelques années après lui dans les Chantiers français comme Saint-Nazaire ou Rouen. Ainsi, le Quevilly qui effectuait le même trajet de Rouen à Philadelphie à partir de 1897 se permit de faire une traversée ultra rapide en 12 jours seulement ! Pour les années 1901 et 1902, on s’aperçoit que les temps de traversées restent du même ordre : de 26 à 37 jours dans le sens Etats-Unis/Europe et de 36 à 67 jours de Dieppe à Philadelphie.
La fin du Ville de
Dieppe...
(Le Ville de Dieppe est
touché)
Photo D.R. -
Archives allemandes
Les explications du naufrage
recueillies à La Pallice le 22 avril 1917.
Le rapport est signé par le commandant H.
Antonsen et le premier maître G.M. Gabrielsen.
Les autres membres de l’équipage ont
pour noms :
Harry
Andersen, Jan H. Jensen, Svend A. Jensen, Emil
Olsen,
Jens
Pedersen, Finn Josephsen, Paul Paulsen, Norman
Lagesen,
G.
Meijer, E. Nilsen, Gerret Ruetering, J.
Shiseng, M.J. Markussen et O. Nilsen.
(Le Ville de Dieppe se couche, blessé à mort)
Photo D.R. - Archives
allemandes
« Le samedi 21 avril 1917, le bateau a quitté La Pallice à 9 h 00 du matin. Le vent venait du Nord-est, une petite brise soufflait et le commandant menait le bateau au mieux. A midi, le bateau avait en vue le phare de Lasbolain par nord 1/4 ouest et le phare de Chasimon par sud-est ¼ sud. Après cela, le bateau prit la direction de ouest 1/2 sud. Le vent était alors nord-nord ouest, la mer calme avec de légères risées du nord-ouest.
Le point était alors de N
46°05’ et de W 01°30’. La direction jusqu’à 16 h 00 fut ouest ½ sud
et la distance parcourue de 14’, à 17 h 30 la distance parcourue était de
6’. A ce moment un sous-marin a été observé dans l’axe de la poupe. Le
sous-marin tira deux obus contre le bateau sans atteindre son but.
Immédiatement, l’équipage se précipita aux deux canots de sauvetage.
Deux avions
survolèrent le Ville de Dieppe en surveillant étroitement le sous-marin.
Celui-ci, alors, plongea très rapidement. L’équipage décida alors de rester sur
le bateau. Après 7 ou 8 minutes, le sous-marin refit surface une fois que les
avions s’en étaient allés et il tira à toute bordée sur le Ville de
Dieppe et les canots de sauvetage. Mais, il ne parvint pas à atteindre les
canots. Après avoir tiré à peu près 20 coups contre le Ville de Dieppe,
il changea de direction et partit vers 18 h 00 ce 21 avril.
C'était la fin du Ville de Dieppe qui disparut dans les flots de l'Atlantique.
VIDEO AVEC LUDO 91
et ses compères Doumes, Svend et Stephane
Cliquez ici ou sur le lecteur ci-dessus pour lancer la vidéo
Avec les remerciements de Doumes, Svend, Stéphane
Réalisation de la vidéo Ludo 91 (Wet and Wild Production)
Vendredi 24/06
C’est vers 19 h 00 que se sont
retrouvés sur le port de la Côtinière les plongeurs du
GRIEME et ceux de l’ADANAC pour préparer leurs plongées du
week-end sur le Ville de Dieppe, ce trois-mâts barques coulé le 21 avril
1917 par le sous-marin allemand U.C. 21.
Rien ne manque, les trois bateaux
prévus sont au rendez-vous, tout comme les 15 plongeurs devant participer à
cette recherche. Il est décidé de fixer le rendez-vous à 5 h 00 demain matin
pour embarquer le matériel et le départ aura lieu vers 6 h.
Plusieurs heures de navigation étant
nécessaire pour atteindre le point G.P.S. communiqué par la Marine
Nationale suite à son investigation qu'elle a menée sur cette épave en
1998.
Les taches sont réparties, et chacun
sait ce qu’il aura à faire le lendemain.
(Dessin de base de travail réalisé par Michel
TORCHE - GRIEME)
Samedi 25/06
L’OCTOPLUS, bateau base de
l’expédition accoste à 5 h comme prévu pour embarquer toute la logistique lourde
: blocs de plongées, blocs de décompression pour les paliers, mouillage de
secours, oxygène, caméra, appareils photos, locos plongeurs.
Rien ne manque. L’Estéou de «
Loulou » est aussi là pour embarquer 4 personnes. Le "Zodiac"
d’Objectif Mer assurera la sécurité surface sur la zone.
Il est 5 h 45 lorsque nous quittons
le port de la Côtinière, cap au 270°
Arrivé sur zone après 4 heures de navigation sur une mer calme, ce sont les orages qui nous accueillent. Deux lignes de palangres ceinturent ce qui nous semble être la zone de l’épave. La confirmation en est donné lorsque après un premier passage, l’écho du Ville de Dieppe est vu au sondeur. Une épave est bien là, des structures de 4 m de haut sont mesurées au sondeur et la longueur reste à déterminer. En apparence surface, il n’y a pas trop de courant. Il est donc décidé de lancer un premier mouillage pour tenter d’accrocher l’épave et assurer donc ainsi «une ligne de vie» entre la surface et l’épave. Une fois positionnée, cette ligne de vie, comme son nom l’indique, fera le lien entre le bateau et les -52 m que représentent la profondeur à laquelle gît le Ville de Dieppe.
Une première palanquée composée de 2
plongeurs de l’ADANAC a pour mission d’assurer ce mouillage pour que les
6 autres palanquées puissent descendre avec certitude sur l’épave. Le courant
très fort par -52 m et la visibilité restreinte à 4/5 m auront raison des 2
plongeurs qui apercevront le Ville de Dieppe sans jamais pouvoir
l’atteindre. Une température de l’eau n’excédant pas les 11/12°alliée à un fort
courant fera renoncer ce premier groupe.
On remonte donc le mouillage qui est
tombé à quelques mètres de l’épave, et pour la deuxième fois, un groupe de 2
plongeurs du GRIEME descend pour tenter d’accrocher l’épave. Ils
sont équipés d’un des locos-plongeur pour leur permettre de contrer le courant
et donc d’approcher l’épave au plus prêt si le mouillage est encore à
côté.
(Source photographique - Roland
CAIVEAU)
Cinq minutes passent, et ne voyant pas revenir ces deux plongeurs, il est décidé de "mettre à l’eau" Patrice notre photographe que j’accompagne pour la sécurité et le repérage de l’épave. Arrivé à –42/-43 m, le courant toujours présent, la visibilité réduite pour faire de la photo et la température de l’eau nous dissuadent. Il nous faut remonter pour prévenir des mauvaises conditions et de ce fait prendre une décision. Nous croisons sur notre remontée une autre palanquée, Jean Pierre et Patrick, qui comme nous, étaient prêts se sont mis à l’eau. Ils iront jusqu'à – 52 m, apercevront l’épave, mais la ligne de vie étant à 5 m de cette dernière et dérivant au courant, ils décideront de remonter aussitôt.
Hélène et Fred qui étaient descendus
les premiers n’ont pas croisés notre route. Ils ont du remonter en pleine eau.
C’est ce que nous supposons avec Patrice après être remontés et cela se
confirme. Nos deux amies sont en dérive avec un parachute de palier et sont
suivis par Lionel et le Zodiac qui assure leur sécurité.
Une fois remontés à bord comme
Patrice et moi, Hélène et Fred nous confirment avoir vu l’épave. Le courant les
ayant empêché de mettre le mouillage sur cette dernière, ils se sont aidés du
scooter sous-marin pour aller sur le Ville de Dieppe afin de tenter de
l'explorer, mais n’ont pas réussit à revenir sur la ligne de vie du fait d'un
courant trop important, d'une visibilité réduite et surtout d'un temps de
paliers trop long pour continuer à chercher cette ligne qui les aurait ramenés à
la surface, mais peut être à court d’air ! Les bouteilles de sécurité étant sur
la ligne de vie, ils ont préféré remonter en pleine eau avec une autonomie
suffisante pour faire les paliers en toute sécurité.
La décision est donc prise d’arrêter
l’investigation.
L’heure de la "renverse de courant" étant trop proche, force
est de constater que le Ville de Dieppe tient à garder encore son secret.
Néanmoins, les observations faites par Hélène et Fred nous permettent de
corriger quelque peu le dessin que nous avions fait à partir de l’image SONAR
que le chasseur de mines CAPRICORNE avait réalisé en
1998.
Sur le chemin du retour, il est
décidé de plonger sur une épave proche de la côte par –22 m pour apaiser un peu
la désillusion de cette matinée au large. Une épave de cargo datant de la
première guerre nous est proposée par nos amis de l’ADANAC.
Epave pour
laquelle l’identité reste aussi un mystère. Les conditions de plongée à la côte
étant-elles aussi réduites à 4/5 m de visibilité et à une température d’eau à
18° en surface et 11° au fond.
Il est 19 h 00 lorsque nous
atteignons le port. Après avoir débarqué notre matériel, un débriefing est
organisé au local de nos amis Oléronnais. Les avis sont partagés quant à un
retour possible le dimanche sur le Ville de Dieppe.
Les conditions « de
fond » n’évoluent pas aussi rapidement que cela en Atlantique ! La
visibilité en cette année 2005 est vraiment mauvaise depuis une quinzaine de
jours. Nos amis, en prospection depuis 3 semaines maintenant, nous le
confirment. La température de 11/12° rencontrée à cette époque est, elle aussi,
inhabituelle. Alors il est décidé d’annuler la journée de dimanche au
large.
Sachant que l’épave est bien présente
là où nous l’avait positionné la Marine Nationale, nous attendrons des
conditions plus propices pour replonger sur celle-ci et atteindre notre
objectif, "faire du film" et de l’image photographiques, prendre les mesures de
l'épave afin de raconter dans le détail, la fin du Ville de
Dieppe.
Le Ville de Dieppe croqué par Hervé MARSAUD
Ce n'est que partie
remise...
Nous
retournerons sur le Ville de Dieppe
REMERCIEMENTS
La
Municipalité de Dieppe
La Marine
Nationale
(Plongeurs du chasseur de mines Le Capricorne)
Restaurant Le
Festival (Dieppe)
L'ADANAC
Objectif Mer
Patrice
STRAZZERA
Hervé MARSAUD
Pascal HENAFF et Roland
CAIVEAU
Doumes, Svend, Stephane et Ludo 91 (Wet and Wild Production)