Le GAUSS
- Nom : Gauss
- Type : cargo de commerce
- Nationalité : allemande
- Construction : lancé en 1925 aux chantiers Deutsche Werke AG de Kiel
- Propriétaire : compagnie Neptune Dampfschiffarts Gesellshaft, basée à Brème
- Dimensions : longueur : 70,9 m - largeur : 11 m - profondeur de cale : 4,35 m
- Tonnage : 1236 tonneaux brut
- Motorisation : un moteur diesel 6 cylindres (pistons diam 500 mm course 950 mm) de 800 CV. Fourni par la Deutsche Werke AG de Kiel
- Vitesse : 10,5 nœuds
- Coordonnées : latitude : 50° 03'363 N - longitude : 01° 06'672 E
Une compagnie maritime allemande florissante : La Neptune
C’est en 1873 qu’un groupement de marchands de Brème fonde la compagnie maritime. Pour composer leur flotte, ils achètent trois navires qui vont commercer avec les différents ports de Baltique. La compagnie adoptera le bandeau de couleur bleu et jaune sur la cheminée en souvenir du temps où ces navires naviguaient sous pavillon suédois, pays neutre durant la guerre franco-prussienne de 1870-71.
A partir de 1875, la Neptune Dampfschifffahrts-Gesellschaft ne va pas cesser de prospérer en étendant ses lignes commerciales vers la Hollande et la Belgique, puis vers la péninsule ibérique. A la veille de la Première Guerre mondiale, la flotte comprend 76 navires à vapeur (78000 tonnes). Avec le blocus, les bateaux ayant échappé aux saisies alliées seront cantonnés au commerce en Baltique. A la fin du conflit, la compagnie aura été amputée de presque la moitié de sa flotte.
Dans les années 20, les dirigeants de la Neptune vont commander de nombreux navires aux chantiers navals allemands pour regonfler la flotte. C’est en 1925 qu’elle se dote de son premier cargo à propulsion diesel : le Gauss (qui sera suivi de deux sister-ships : le Kepler et le Olbers). En 1939, la compagnie compte 87 navires (149000 tonnes), elle n’en récupèrera que 16 à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Cette compagnie existe toujours aujourd’hui sous le nom de Sloman Neptun Shipping AG.
LE GAUSS S’ECHOUE SUR UN BANC DE SABLE DANS L’ESTUAIRE DU DOURO PROCHE DE PORTO EN MAI 1932
Le Gauss échoué sur la barre de sable à l’entrée du fleuve Douro au Portugal. Les riverains préparent un chemin de roulage pour le délester d’une partie de sa cargaison, afin de l’alléger.
Il y a plusieurs jours que le Gauss est échoué sur la barre du Douro (étranglement qui marque l’entrée du fleuve au fond de l’estuaire). Le navire venait de quitter le port de Leixoes dans l’estuaire pour remonter le fleuve jusqu’à Porto, où il devait charger un complément de marchandises avant de regagner son port d’attache à Brème.
Après plusieurs jours, les négociations sont maintenant finalisées entre l’armateur et les sociétés de remorquage portugaises pour sortir le Gauss de cette mauvaise posture. C’est le pilote Hermino Gonçalves, du remorqueur de haute mer Valkyrien, qui aura la responsabilité d’organiser l’opération de désensablement. Le 19 mai 1932, durant plusieurs heures, la première tentative du Valkyrien est sans résultat. Chaque marée dépose en effet un peu plus de sable autour du Gauss, toujours empli de ses 1250 tonnes de marchandises diverses. Dans l’après-midi, le remorqueur Vouga I vient lui prêter main forte, sans que le navire échoué ne bouge.
Les chars à bœufs sont réquisitionnés pour ramener les marchandises sur le littoral |
Les jours suivants, et malgré l’ajout du remorqueur P1 à l’équipe de déséchouage, toutes les tentatives sont vaines et le Gauss reste désespérément immobile. Le 25 mai au matin, il est finalement décidé d’alléger le Gauss en débarquant une partie de sa cargaison. A marée basse, la population et les dockers locaux vont décharger des tonneaux de soude caustique, du sucre et des fromages qui seront entreposés dans les docks, sur les quais de Porto.
La tentative de remorquage immédiatement entreprise à marée montante est encourageante. Le Gauss allégé bouge un peu de la proue. A la marée haute du lendemain, des embarcations viendront à couple pour continuer le déchargement. Des amarres sont tendues à la côte pour un tractage à l’aide de machines, pendant que les remorqueurs essaient de le faire bouger pour le sortir de sa gangue de sable. Le seul résultat obtenu, c’est que les structures du Gauss commencent à souffrir de ce tiraillement ! Des polémiques commencent à éclater dans la presse locale. Le feuilleton du déséchouage et les échecs successifs n’ont que trop duré. Malgré l’expérience du pilote du Valkyrien, on lui reproche sa jeunesse et les options discutables entreprises.
Le remorqueur de haute mer Valkyrien dans l’estuaire du Douro en aval de Porto
Le 31 mai, un autre remorqueur de haute mer, le Seefalke, qui longeait les côtes portugaises, est dérouté pour aider le Valkyrien dans une nouvelle tentative. Hélas, la mer agitée et les forts coefficients de marée vont contraindre l’équipe à un report de plusieurs jours.
Le 3 juin à 14h00, les conditions sont enfin favorables pour une nouvelle tentative. Le Seefalke a passé une amarre sur la proue du Gauss et le Valkyrien tire le Seefalke. Ca y est ! Le Gauss bouge.
Une immense clameur monte immédiatement de la foule massée sur la Cais da Foz (sorte de promenade des Anglais locale). Le train de remorqueurs l’amène doucement vers le large et, bientôt, le navire allemand met en marche son diesel pour les aider.
Le Gauss regagne le port de Leixoes, recharge son fret et trois jours plus tard il reprend enfin la mer pour remonter sur Brème.
L’armateur du Gauss règlera tous les frais occasionnés pour le sauvetage du navire et l’ambassadeur d’Allemagne conviera, quelques semaines plus tard, l’ensemble des acteurs dans une cérémonie à Porto pour saluer leur dévouement et les récompenser au nom de sa nation.
Réquisition et transformation en Sperrbrecher
La flotte de la Neptune va fortement intéresser la Kreigsmarine ; pour des besoins divers, elle réquisitionnera une trentaine de navires, dont dix seront transformés en Sperrbrecher : SP 69 Cérès, SP 152 Faune, SP 68 Flora, SP 178 Gauss, SP 61 Iris, SP 171 Jason, SP 177 Kepler, SP 13 Minerve, SP 21 Nestor, SP 11 Zeus.
Tout comme l’un de ses deux sister-ships, le Kepler l’avait été en 1940 ; le Gauss va être réquisitionné durant l'été 1942 pour être armé en Sperrbrecher (briseur d'obstacles). Ces unités de déminage sont choisies parmi des cargos robustes, capables de résister aux explosions de mines à proximité. Ils sont chargés de précéder les convois en ouvrant un chenal sécurisé à travers les champs de mines de tous types, tout en fournissant une protection de surface et antiaérienne.
Le Gauss va devenir le Sperrbrecher 178 affecté à la 2ème Sperrbrecherflottille basée à Royan. Il recevra l’armement suivant :
Un canon de 88 mm sur la proue -
Un canon de 37 mm sur la poupe - 8 canons
AA de 20 mm (dont un affut quadruple en poupe) -
Trois mitrailleuses AA de 15 mm -
Un lance-flamme en tête de mât contre les attaques aériennes rasantes
Son frère jumeau transformé aussi en Sperrbrecher survivra au conflit (nous n’avons trouvé à ce jour aucune photo du Gauss en version armée, d’où ces quelques représentations de son sister-ship le Kepler)
Tableau du sister-ship du Gauss, le Kepler affrontant la tempête lors de sa première carrière commreciale |
Avant réquisition, le Kepler entrant au port |
(Le Kepler, sister-ship du Gauss, transformé en machine de guerre)
Droits Photos réservés
Remerciements à Roel Zwama et Thomas Weiss (Wurttembergische Landesbibliothek de Stuggart)
SP 177 Kepler à la fin du conflit, dont l’artillerie a été démontée (il reprendra une carrière commerciale jusqu’en 1958)
DETAILS DES ARMEMENTS DONT EST DOTE LE SP 178 GAUSS
Le canon de 88 mm SK C/35 est développé par Krupp dans les années 30.
Sa version marine va équiper les U-boots type VII jusqu’en 1942, ainsi que des navires de protection de surface comme les Sperrbrechers, les chasseurs de sous-marins…
C’est une arme exclusivement d’attaque de surface, puisque son élévation n’excède pas 30° (Il ne faut pas le confondre avec le célèbre 88 terrestre, le Flak 18, redoutable pour sa précision, qui en fit l’un meilleur canon de la guerre.
Plus long et à forte élévation, ce canon polyvalent tirait des obus différents de la version marine. C’était l’arme reine antichar et anti-aérienne).
Revenons au canon SK C/35, d’une grande cadence de tir (15 coups par minute) ; il est servi par trois à cinq hommes. Il tire trois types d’obus : anti-blindage, hautement explosif et éclairant. D’une vitesse initiale de 700m/s, le projectile de 9 kg peut être envoyé à 14 km (la durée de vie du canon est de 12000 coups).
Canon de 88 mm doté de son bouclier blindé monté sur plateforme à la proue d’un Sperrbrecher
Exemple d’obus de 88 rangé dans son étui, comme on peut en observer dans la soute sous le canon du SP 178 Gauss
Le canon Einheitslafette SK C/34 de 37 mm, produit par Rheinmetall, est généralisé par la Kreigsmarine sur ses unités auxilaires. C’est une pièce servie par deux hommes, l’un est aux manivelles directionnelles alors que l’autre approvisionne la culasse au coup par coup. Le canon long de 3 m tire à une cadence de 30 coups par minute. Les obus traçants de 1,78 kg sont à charge hautement explosive (une version a en plus un cœur incendiaire) ; leur vitesse initiale de 1000m/s. La portée maximale (avec une inclinaison de 40°) est de 8500 m. En tir antiaérien, le plafond maxi est de 6,800m.
La durée de vie du fût est d’environ 7500 coups.
La pièce peut être équipée d’un bouclier de blindage de 8 mm.
La version U-boots L C/39 et Schnellboots du canon de 37 mm
Les canons de 20 mm : l’armement anti-aérien est bien sûr complété par les canons automatiques de 20 mm. Là aussi, nous n’avons pas trouvé le détail de la version qui équipait le Gauss. Au vu du canon personnellement désablé à la poupe de l’épave, j’aurais tendance à dire qu’il s’agissait de Flak 38 mais je me garderais bien d’etre affirmatif…
A partir de 1935, la société Rheinmetall-Borsig obtient un contrat pour la fabrication d’artillerie antiaérienne légère, le Flak 30 (Flak = abréviation de Flegerabwehrkanone (canon antiaérien).
C’est une arme de défense redoutable contre les attaques à basse altitude mais les progrès rapides des avions en vitesse vont mettre en évidence plusieurs défauts du canon. Sa cadence de tir est trop lente (120 coups/mn) et il s’enraye facilement.
Mauser va proposer de nettes améliorations avec le Flak 38. La cadence de tire passe à 220 coups/mn. La vitesse initiale des obus est de 900m/s, pour un plafond d’efficacité maximale de 2200 m. Le canon, long de 2,25 m, est alimenté par chargeurs plats de 20 obus. Avec 144.000 unités, ce sera la pièce d’artillerie la plus produite par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale.
Canon de 20 mm
Il se peut que certaines batteries du Gauss furent équipées de canons de 20 mm AA jumelés, mais à ce jour nous n’avons pas trouvé la disposition précise de cet armement sur le navire.
Pour accroitre les chances de toucher un chasseur-bombardier, à partir de 1942, la version Flakvierling 38 de 4 x 20 mm sera largement étendue sur navires et sur terre autour des zones stratégiques.
La cadence de tir montera ainsi à 800 coups/mn, ce qui nécessite six servants (remplacement du chargeur de 20 obus toutes les six secondes pour chaque canon).
Il existait une grande variété d’obus explosifs et incendières.
La majeure partie était équipée de fusée jouant un rôle de traceur, la fin de leur combustion déclenchait l’explosion de l’obus au bout de 5,5 sec.
Affût quadruple de 20 mm AA monté en arrière du canon de 37 mm sur la plage arrière du SP 178 Gauss
EQUIPEMENTS DE LUTTE CONTRE LES MINES
Mines magnétiques : le Sperrbrecher était équipé d’un système VES (Vorauswirkender EigenSchutz). Ce dispositif est composé d’un vaste bobinage de câbles en cuivre, recouvert d’un gainage de caoutchouc qui ceinture la cale avant. Il est alimenté (100 à 300 KW) par un gros générateur, lui-même entrainé par des moteurs auxiliaires. L’émission d’un puissant champ magnétique sur l’avant du navire permet de faire exploser prématurément les mines (donc en principe à distance), car il est bien plus fort que le magnétisme habituel au centre d’un navire à coque en fer.
Ce système a été testé avec succès en 1938 par le croiseur léger Nuremberg.
Une mine était immergée sur un fond de 28 m et il l’a fit exploser à 50 m de sa proue. Les Britanniques ne développèrent la mine magnétique qu’à partir d’avril 1940 alors que les Allemands maitrisaient déjà l’engin et sa parade.
Les mines magnétiques, d’une charge de 700 à 960 kg, sont posées sur le fond (efficaces jusqu’à 40 m de profondeur). Elles sont déposées le long des rivages ennemis par vedettes rapides, ou le plus souvent parachutées par avions. Lors de leur explosion, l’onde de choc brise le fond du navire à sa verticale.
« Bobinage » de la cale avant d’un Sperrbrecher par un gros câble (pouvant faire plusieurs kilomètres) diffusant un fort champ magnétique pour faire sauter prématurément devant le navire les mines magnétiques posées sur le fond.
Mines acoustiques : le Sperrbrecher était équipé du tout nouveau système GTB (Geräusch Boje Turbine). Une hélice est entrainée par le courant et en fonction de la vitesse du Sperrbrecher qui actionne un système de marteaux qui frappe dans la tête du « bruiteur ». L’onde acoustique est supérieure à cette générée par la machine du navire et déclenche prématurément l’explosion de la mine. Ces mines parachutées ont le même aspect que les acoustiques ci-dessus.
Baume de proue en position relevée avec son « bruiteur » Immergé, il émettait un bruit supérieur à celui de la machine du navire et déclenchait prématurément les mines acoustiques.
Mines de contact : largement utilisées durant la Première Guerre mondiale et ayant fait leurs preuves, ces mines ont toujours cours à l’heure actuelle.
Mouillées la nuit par navires rapides, elles peuvent constituer de véritables champs. De flottabilité positive la mine est maintenue sous la surface par un orin qui la maintient en place en la reliant au crapaud (lest d’ancrage). Sur sa périphérie se trouve des « picots » qui se brisent lors du contact avec une coque de navire déclenchant un contact électrique qui actionne le détonateur.
Mise à l’eau d’un paravane
Sperrbrecher en cours de déminage (GRIEME - Dessin Jean-Luc Lemaire)
En complément des deux à quatre paravanes tractés en bout des baumes de charge du mât arrière, deux autres paravanes étaient souvent immergés de chaque côté du tangon de proue pour écarter et sectionner les orins de mines menaçant directement le navire. Ces mines de contact étaient encore largement utilisées durant la Seconde Guerre mondiale (elles continueront d’ailleurs à faire encore des victimes parmi les flottes de pêche après le conflit).
Paravane d’un Sperrbrecher repêché par un marin–pêcheur dans la Gironde (Photos GRIEME)
Système de dérive latérale. Son réglage définissait l’éloignement latéral en fonction de la vitesse du navire. Le paravane tracté sur chaque bord donnait ainsi la largeur du couloir libéré des mines à orins.
L’orin de la mine pris dans le câble de traction du paravane y glissait jusqu’à venir se loger dans sa pince.
Sous l’effort de traction, elle sectionnait l’orin. La mine de contact à flottabilité positive ainsi libérée bondissait en surface et les artilleurs n’avaient plus qu’à la faire sauter.
Comment étaient utilisées les cales vides des cargos transformés en Sperrbrecher : le fond des cales était rempli d’une couche de sable qui servait d’abord de lest, de masse d’inertie pour palier au recul des grosses pièces d’artillerie sur le pont mais aussi renforçait par son poids la rigidité du fond du navire. Venait ensuite un empilage de fûts vides (voir de tonneaux comme sur la photo ci-dessous) arrimés et calés sur des lits de fagots et autres matériaux flottants. Cette cargaison de flotteurs occupait le maximum du volume des cales. Une couche de sable pouvait couvrir l’ensemble (lest supplémentaire, maintien et protection des flotteurs contre les mitraillages aériens…).
A l’avant du convoi, le « briseur d’obstacles » était très exposé face aux mines qu’il tentait de faire exploser à distance.
Les progrès sur les engins immergés allaient bon train (notamment l’ajout de compteur qui par exemple ne faisait exploser la mine magnétique qu’au deuxième navire, touchant ainsi un bâtiment stratégique en échappant au leur du Sperrbrecher qui le précédait).
Il n’était donc pas facile de conserver une longueur d’avance sur le moyen de les détecter et de les neutraliser à distance. Dans ce cas, où une mine exploserait trop près du Sperrbrecher et l’endommagerait, cette cargaison pouvait lui permettre de se maintenir à flot le temps que le navire gagne un port pour réparations. Si ce n’était pas possible, cela donnait un peu de temps à l’équipage pour l’abandonner avant naufrage.
Cale remplie de fûts et tonneaux vides pour maintenir la flottabilité du Sperrbrecher au cas où la coque subirait des dégâts occasionnés par l’explosion un peu trop proche d’une mine (en arrière-plan, on remarque les treuils aux pieds des baumes de charge qui sont utilisées comme tangons porte-paravanes).
LE NAUFRAGE DU GAUSS
Deux grands Sperrbrechers font route pour gagner la côte atlantique
Un convoi maritime est parti d’Allemagne. Il s’agit de deux précieux Sperrbrechers, le SP 178 Gauss et le SP 144 Beijerland qui doivent être convoyé vers Royan. Là-bas, leur rôle sera d’assurer la sécurité des entrées et sorties des U-boot de leurs bases ainsi qu’escorter les convois stratégiques sur la côte atlantique.
En ce 11 novembre 1942, leur escorte est composée de vorpostenboot (chalutiers armés) de la 18ème et 15ème flottille, à savoir :
- Le V1802, ancien chalutier français Orient de 283 tx (1908) réquisitionné par la Marine française en 1939 et armé comme patrouilleur (P62). Il est saisi par les Allemands le 18/07/40 et entre à la 18ème VP le 20/10/1940. Il sera finalement coulé le 11/11/1944 par attaque aérienne alors qu’il était à la remorque du V310 en mer Baltique.
- Le V1809, ancien chalutier allemand Henry P. Newman de 215 tx (1920), d’abord réquisitionné comme remorqueur en vue de l’opération Seelowe, il rejoint la 18ème VP le 04/05/1941. Il a sans doute repris du service dans le chalutage après le conflit et sera ferraillé en 1950.
- Le M1609 (minensuchboot), ancien chalutier allemand Vaterland de 483 tx (1935), réquisitionné et transformé, il est intégré (en étant rebaptisé Patrie) le 22/09/1939 à la 11ème flottille de chasseurs de mines en Baltique et Norvège (M1105). Il est transféré à la 16ème flottille de La Manche et Mer du nord le 15/09/1942 (M1609), puis à la 40ème flottille de la France nord basée à Brest le 01/01/1943 (M4047). Le 15/08/1944, il coule par l’explosion d’une mine qu’il venait de draguer. Renfloué et réparé à la fin de la guerre, il reprend sa carrière initiale de chalutier jusqu’en 1952 où il devient navire porte-pilotes dans l’estuaire de la Gironde. C’est dans cette fonction qu’il terminera en 1958 sa carrière sous le nom de Commandant Gamas.
- Le V1525, ancien chalutier français Eglantine de 287 tx (1905). En août 1940, il est saisi dans son port de Fécamp pour l’opération Seelowe. Ensuite, il sera affecté à la protection du port de Dunkerque. Le 09/10/1942, il intègre la 15ème VP basée au Havre (V1525) et sera transféré à la 18ème VP le 16/11/1943. En 1945, il reprendra du service comme chalutier et sera ferraillé en 1955 en Belgique (c’est son officier, le commandant Fendel, qui dirige le groupe d’escorte en ce mois de novembre 1942). Le convoi de navires accomplit son périple prudemment par étape chaque nuit et reste à l’abri d’un port le jour. Le passage critique au large de Douvres s’est fait sans encombre. Il n’en est pas moins repéré par les Britanniques.
Le crépuscule automnal va bientôt tomber et à 17h00 le convoi quitte le port de Boulogne. Ils progressent à une vitesse de 7,5 nœuds. La visibilité est moyenne avec un ciel étoilé sans lune. Le vent souffle du SW force 5 et la mer est agitée. Le Beijerland navigue en première position, suivi du Gauss. Ils sont chacun encadrés par un escorteur sur chaque bord. Le commandant Fendel avec le V1525 est à bâbord du Beijerland.
Entre temps les Britanniques, suivant la progression du convoi en direction de l’ouest, ont décidé d’envoyer un groupe de destroyers pour les intercepter. Ce groupe est composé du :
- HMS Vesper (1917) 34 nœuds, armement 4 canons de 102 mm, 1 de 40 mm, 4 de 20 mm, 6 torpilles de 533 mm.
- HMS Whitshed (1919) 34 nœuds, armement 4 canons de 102 mm, 2 de 40 mm, 4 de 20 mm, 6 torpilles de 533 mm.
- HMS Worcester (1919) 34 nœuds, armement 4 canons de 102 mm, 2 de 40 mm, 4 de 20 mm, 6 torpilles de 533 mm.
A leurs côtés (comme si cela ne suffisait pas) se trouvent trois destroyers d´escorte récents, de classe HUNT :
- HMS Brocklesby (1940) 27 nœuds, armement 6 canons de 102 mm, 4 de 40 mm, 2 de 20 mm, grenades SM
- HMS Albrighton (1941) 27 nœuds, armement 4 canons de 102 mm, 5 de 40 mm, 3 de 20 mm, 2 torpilles de 530 mm
- HNorwegian MS Eskdale (1942) 27 nœuds, armement 4 canons de 102 mm, 4 de 40 mm, 2 de 20 mm, 2 torpilles Les six destroyers sont accompagnés de vedettes lance-torpilles.
Le combat raconté depuis le V1525
L’escadre d’interception alliée s’est postée au large de Veulettes-sur-Mer. Ne voyant rien venir, elle décide de remonter à la rencontre du convoi allemand. Ca y est ! Le contact est établi à 22h40, à hauteur du Tréport. Des fusées éclairantes révèlent le convoi allemand. A bord du V1525, les marins s’écrient « Ca y est, ils nous tombent dessus ! ».
Dans l’obscurité, ils entendent le grondement des moteurs de vedettes britanniques en approche et les premiers impacts des rafales sur les structures du navire. Le HMS Whitshed commence à ouvrir le feu sur le flanc droit du convoi. Rapidement, le plus gros des Sperrbrechers devient sa cible.
Le SP178 Gauss réplique de sa pièce de 88 mm et sa flak de 37 et 20 mm. Au-dessus des vagues, la course des obus traçants de canons anti-aériens et les flashs d’impacts illuminent la nuit. Le Gauss pousse son diesel au maximum afin de gagner le port de Dieppe. Le HMS Vesper et, plus loin, le HMS Eskdale pointent également leurs tourelles sur le fuyard qui est rapidement touché.
L’escorte allemande s’est dispersée, provoquant plusieurs engagements avec les navires adverses. Les destroyers concentrent malgré tout leur feu sur les objectifs principaux que sont les deux Sperrbrechers.
Les navires allemands subissent de multiples avaries sous les coups des britanniques. Le V1525, épaulé par le V1802 restent en soutien du Beijerland. Leurs tirs précis et continus de 37 mm se portent vers un destroyer à 2500 m. Le navire britannique encaisse quelques dégâts mais, fort de sa puissance de feu et de sa rapidité, il arrive à déjouer les tirs en se mettant à une distance plus sûre et à pilonner de nouveau. Un quart d´heure durant, le V1525 va subir les salves d´artillerie de plusieurs destroyers qui l’endommageront gravement en occasionnant d´innombrables avaries. Le commandant Fendel ordonne un rapide changement de cap à l´ouest mais c’est pour tomber sur trois autres destroyers. Le V1525 vire alors sur bâbord et évite de peu le Beijerland qui se présentait sur son travers. Plus loin, le Gauss, masqué dans un épais nuage de fumée, gite de plus en plus. Sa fin semble proche.
C’est le chaos. L’engagement dure maintenant depuis 20 minutes. Le V1809 poursuit de son côté son engagement contre un destroyer britannique. Le V1525 et le M1609 couvrent du mieux qu’ils peuvent le Beijerland qui a mis le cap au 250° vers Dieppe.
Le groupe ne peut maintenir sa vitesse et perd du terrain sur leurs intercepteurs. Le commandant Fendel fait riposter à l’approche de vedettes britanniques. D’un peu partout, les traçantes convergent vers le groupe. Le M1609, touché, finit par prendre feu. Dans les fumées, le combat est de plus en plus confus. A 23h15, le V1525 est à nouveau pris sous le tir croisé de deux vedettes. D’autres navires britanniques arrivent pour terminer la curie. Un destroyer sur son côté bâbord tire maintenant à moins de 500 m de toute son artillerie. Les hommes du chalutier armé luttent amèrement pour leur survie et c’est avec pugnacité qu’ils ripostent par des obus de 37 mm, explosifs et incendiaires. Enfin, le destroyer rompt subitement le combat en virant de bord pour s’écarter à vive allure. Il est touché et une forte fumée se dégage de sa proue. Le V1525 cesse son feu de harcèlement à 23h35, car le destroyer est maintenant hors de portée. A 23h54, le petit escorteur reprend ses tirs en direction de destroyers britanniques à plusieurs milles, mais la distance importante réduit l’efficacité de ses obus.
Il est 0h30, la radio du bord annonce « Le SP 178 Gauss a coulé ». Le V1525 est pourtant passé devant Dieppe, mais la poursuite des combats l’a éloigné à 9 milles au nord-ouest du port. Il est 0h40 et le commandant Fendel s’apprête à remettre le cap sur Dieppe quand il perçoit de nouveaux bruits de combats au nord-est. Il vire de bord et repart courageusement porter son soutien. A 1h55, il reprend la direction de Dieppe lorsqu’il intercepte un message de détresse du M1609 qu’il a perdu de vue depuis longtemps, l’escorteur fait alors à nouveau demi-tour. A 3h15, le sémaphore appelle pour connaitre la position du V01525 et rappeler que pour rentrer sur Dieppe, les marées rendent le port accessible jusqu’à 4h30.
Il faut savoir qu’entre les jetées du port se trouve une véritable marche en béton qui interdit les entrées-sorties de port à l’approche de la marée basse. Il faut remonter au 10 juin 1940 (veille de l’occupation allemande) pour en trouver l’explication : les Britanniques ont coulé deux cargos lestés de béton pour condamner l’entrée du port. Les Allemands dégageront ces épaves mais le béton restera. Il faudra attendre des travaux d’envergure, quelques années après le conflit, pour que la passe soit vraiment libérée (nous vous conterons cette histoire dans un prochain chapitre du tome 5 de la Saga des épaves de la Côte d'Albâtre…).
Revenons à l’issue de cette bataille. Juste avant son entrée à 4h15 dans le port de Dieppe, le V1525 a fini par rencontrer le M1609 qui progresse péniblement. Il ne donnait plus de nouvelles du fait de sa radio hors service. Le commandant Fendel a maintenant amarré avec soulagement son navire dans l’avant-port. Il peut constater l’ampleur des dégâts : les ponts, les flancs et les structures sont criblés d’impacts, l’artillerie est maintenant hors d’usage. C’est un véritable miracle que pas un personnel du bord ne soit blessé !
Les quatre navires d’escorte de la flottille ont survécu aux combats et ont pu finalement rallier le port, tous plus ou moins sévèrement touchés. Par contre, les deux Sperrbrechers sont portés manquants.
La fin des deux Sperrbrechers
Le SP178 Gauss a été pris pour cible par les destroyers dès le début de l’engagement. Criblé, il a commencé à prendre feu en plusieurs endroits. C’est alors que le destroyer Whitshed s’est approché pour l’achever d’une torpille (les différentes sources ne se recoupent pas toutes sur ce fait et en plongée l’épave, certes ensablée, ne semble pas présenter de fort impact ni cassure…). Toujours est-il que le Sperrbrecher à sombrer rapidement, au bout de 10 minutes d’engagement. Sur les 102 membres d’équipage, le destroyer ne repêchera dans la nuit que trois survivants.
Le SP144 Beijerland résistera plus longtemps au déluge d’artillerie mais finira lui aussi achevé d‘une torpille du destroyer norvégien Eskdale. Il n’y aura aucun rescapé sur l’équipage de 36 hommes.
A la question : pourquoi les Britanniques, forts de leur supériorité, n’ont pas coulé l’ensemble de la flottille ?
Leur mission principale exigeait de concentrer leurs forces sur les deux grands Sperrbrechers.
Deux unités de ce type en moins sur la façade atlantique, c’est priver l’ennemi de moyens supplémentaires pour déjouer les nombreux pièges tendus aux abords des bases sous-marines.
LE BILAN GENERAL DE LA 2EME FLOTTILLE DE SPERRBRECHER ATLANTIQUE ET MANCHE EN 1942
Bilan général de la 2ème flottille de Sperrbrecher (Atlantique et Manche) en 1942.
Escorte de 5275 navires, représentant un tonnage de 4 226 000 t. Parmi les bateaux escortés, ont été perdus :
- 4 par torpillages
- 2 par mines
- 2 par bombardements
- 10 endommagés
Soit des pertes globales (11500 t.) relativement faibles, prouvant l’efficacité des Sperrbrechers.
Par contre, bilan sur l’escorte ; unités de protection d’avant-poste et de déminage perdues :
- 42 (pour 7 en 1941)
Pertes humaines : 576 morts et 1071 blessés (pour 301 morts et 541 blessés en 1941).
Ces chiffres soulignent le rôle sacrificiel des Sperrbrechers pour préserver des cargaisons et des navires stratégiques convoyés.
QUELQUES MOTS A PROPOS D'UNE PLONGEE SUR LE GAUSS
L'EPAVE DITE DE BERNEVAL
Sources images sonar ci-dessous
Ceresm - Bertrand Sciboz
L'une de nos plus belles épaves accessible à tous niveaux, puisque la profondeur avoisine les 20 mètres par plongée à marée basse.
Le SP 178, très bien conservé, repose droit sur un fond de sable. La partie en arrière du moteur est un peu plus ensablée (le pont est au niveau du sable). L'épave pourra être parcourue dans sa globalité au cours de la plongée.
Commençons notre descriptif par l’avant magistral. C’est l’une des rares proues que l’on peut observer sur toute sa hauteur (si votre binôme est fan de Di Caprio dans Titanic, à votre objectif !).
Les deux ancres Hall sont restées à poste dans leurs écubiers. A la base et le long de l’arête d’étrave, on peut observer les points de fixation et l’articulation du tangon avant qui portait le bruiteur (GBT) et les paravanes de proues. Selon les ensablements et dessablement au fil des saisons, ce tangon apparaitrait au sable.
Au sommet, en arrière du guindeau électrique (eh oui, le Gauss ne marchait pas à la vapeur), trône le magnifique canon de 88 mm, doté de son bouclier.
De l'entrée de la soute inférieure, on pourra observer l'empilage des obus de 88 dans leurs étuis de protection. Les caisses d’obus anti-aériens de 20 mm que nous observions il y a des années ont quasiment disparu, ainsi que nombre de 88 (prélèvements d’inconscients ?).
Au pied de l’entrée de cette soute à munitions se trouve un entrelacement de poutrelles, seul vestige d’une petite plateforme surélevée supportant vraisemblablement un canon AA de 20 mm.
On peut ensuite descendre dans la cale emplie du sable charrié au gré des tempêtes, qui glisse doucement vers la proue. Toujours dans la cale, en longeant le bordé tribord vers le château central, vous allez tomber sur une pièce rare : le bruiteur. Il ressemble à une boite carrée à la courte queue fuselée comme une torpille mais, au fil du temps, la corrosion (et les manipulations) font leur œuvre destructrice…
Dans la cale, jusque sous la base du château, du sable émergent les restes de fûts de 200 litres écrasés par la pression. Les superstructures qui composaient le château central, présentant une grande surface face aux pressions des marées, se sont effondrées de part et d’autre de l’épave.
Le « cube » de la passerelle tombé sur bâbord va d’ailleurs bientôt s’effondrer sur lui-même. L'imposant diesel, au pied duquel s'agitent les bars, retiendra votre attention. Sur son côté bâbord subsistent les restes de ce qui devait être les génératrices de champs magnétiques.
Continuez la descente vers la poupe en croisant quatre treuils affectés au tractage des engins de déminage, puis enfin le petit château arrière.
Sur sa plateforme, seuls subsistent les embases d'artilleries AA. La poupe arrondie offre une belle petite coursive. Au pied de celle-ci git dans le sable un canon de 20 mm (quand il est dessablé).
En revenant vers à la proue, en longeant l'extérieur bâbord de la coque, on aperçoit une partie des gros câbles électriques qui ceinturaient la cale avant.
Une grande partie de ceux-ci ont été cisaillés dans les années 70 par un scaphandrier havrais en quête de cuivre. C’est ce bobinage, par l’émission de son fort champ magnétique, qui faisait exploser prématurément les mines magnétiques déposées sur le fond.
Au pied de ces câbles, sur bâbord, subsiste un grand tronçon du mât qui court sur 10 mètres au sable.
Voilà, vous avez fait le tour de ce beau vestige et vous n'aurez plus qu'un désir : y revenir !
ON A RETROUVE LES CLES DU GAUSS
Exemple d’un bloc de rouille remonté par une plongeuse car intriguée par les deux pennes de clés qui en dépassaient. En radiographie, il s’avère que la masse renferme quatre clés + des cylindres qui pourraient être des détonateurs... ?
(Le Gauss vu par Michel Torché - Ancien Président-plongeur/dessinateur au GRIEME)
(Le canon de 88 du Gauss vu par Patrice Strazzera)
REFERENCES ET SOURCES
http://www.wlb-stuttgart.de/seekrieg/km/vboote/vfl1-20.htm
http://www.forum-marinearchiv.de/smf/index.php?topic=2083.0
http://opilotopraticododouroeleixoes.blogspot.fr/2010_09_26_archive.html
http://kreiser.unoforum.pro/?1-2-0-00000002-000-10001-0-1351954641
https://clausuchronia.wordpress.com/tag/canon-de-88mm-skc35/
https://archives.imeche.org/archive/engines/first-world-war/paravanes/593672-paravane-design-p05
http://parow-info.de/f/fb/Habicht.html
http://www.ship-model-today.de/schiffsdetails.htm
LOCALISATION ET ACCES
LOCALISATION - ACCES
Europe 50 50°03,382 N - 01°06,785 E
Port d'accès conseillé : Dieppe
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