COONAGH
- Nom : Coonagh (nom d'origine Almagro jusqu'en 1915)
- Type : cargo
- Nationalité : britannique
- Construction : lancé en juillet 1904 aux chantiers Sir Raylton, Dixon & Co. Ltd de Middlesbrough.
- Dernier Propriétaire : LIMERICK S.S. Co Ltd
- Dimensions : longueur 72,54 m largeur 10,88 m profondeur de cales 3,88 m
- Tonnage : brut : 1412 tx
- Motorisation : machine triple expansion de 175 cv produit par New England Marine Engineering
- 1 chaudière à 4 foyers
(Cyl. HP 50 cm ; cyl. MP 81 cm ; cyl. BP 135 cm ; course pistons 84 cm) - Vitesse : 8,5 noeuds
- Armement : non renseigné
- Date Naufrage : 15 mars 1917 sur mine déposée par le sous-marin allemand UC 16
- Coordonnées géodésiques : latitude : 49° 55'040 N - longitude : 0° 41'950 E
profondeur de l'épave : entre 25 et 30 m
PREAMBULE
Nuit du 15 mars 1917. Chargé de lingots de fonte, un cargo est coulé devant Saint-Valéry-en-Caux !
DECOUVERTE DE L’EPAVE
Au départ, il y avait cette épave devant Saint-Valéry-en-Caux, anonyme comme bien d’autres. Découverte au début des années 1980 par un pêcheur, Jean-Claude GAUTHIER, par 49°55’000 N et 00°42’120 E, elle repose sur un fond de vingt-cinq à trente mètres selon les coefficients de marée.
Les plongeurs de Paluel, de Saint-Valéry-en-Caux et des environs l’apprécient car, contrairement à nombre d’autres épaves, celle-ci a conservé en grande partie la forme originelle du navire. L’étrave est posée bien droite, l’ancre de mouillage est présente et la déchirure sur le milieu laisse présager de la force de l’impact qui a coulé le navire. Les structures du château se dressent encore sur tribord. La chaudière et la machine à triple expansion sont bien visibles, comme la magnifique hélice à quatre pales en fonte. Quant aux cales, elles sont plus qu’encombrées. En effet, le navire transportait une cargaison de lingots de fonte d’un mètre de long. Si par endroit ils sont bien ordonnés, ailleurs c’est un fatras de lingots mélangés aux poutrelles et aux tôles effondrées. Dans tous les cas, cela fait le bonheur des homards, des congres et des bars qui sont parfois d’une taille impressionnante.
A partir de cette épave, les plongeurs de Paluel vont monter un projet qui donnera lieu à une belle aventure : le sauvetage de l’hélice de secours du bateau. De cette lourde opération va naitre la Commission Archéologique du Comité Départemental de plongée de Seine-Maritime.
UN BOULON RÉCALCITRANT
En 1989, les plongeurs de Paluel ont donc l’idée, afin de promouvoir l’image de leur sport dans la région, de lancer une opération de sauvetage.
Il s’agit de remonter l’hélice de secours toujours en place sur le pont. La "bête" pèse 4,2 tonnes ! Et surtout, elle est solidement fixée sur le navire.
Le temps, la rouille, la météo, le travail difficile en profondeur, l’absence de visibilité, le courant rendent l’opération de découpe du boulon absolument exténuante !
C’est François Mathieu qui trouvera la solution.
Durant l’été 1989, une scie pneumatique fixée sur un bloc de plongée viendra à bout du boulon récalcitrant. L’opération aura nécessité presque autant d’énergie qu’il en aura fallu auparavant pour obtenir les autorisations nécessaires de la part des administrations.
HÉLICE ENVOLÉE ?
L’hélice enfin déboulonnée est laissée sur place avec son parachute partiellement dégonflé. Sa remontée est prévue pour le lendemain.
Mais lorsque les plongeurs reviennent, plus d’hélice. Le bloc de fonte de plus de quatre tonnes a disparu ! L’explication gît par trente-deux mètres de fond, dans le sable. Les courants ont simplement embarqué l’objet si convoité.
Sa remontée à l’aide d’un énorme parachute, son remorquage jusqu’au port grâce à une vedette de la SNSM prendront deux jours. Les forts coefficients de marée, la lenteur du convoi, obligent à une halte.
Bref, lorsque l’hélice est enfin échouée le samedi 16 septembre 1989 dans l’avant-port de Saint-Valéry-en-Caux, c'est vraiment la concrétisation d’une belle aventure. Elle ne s’arrêtera d’ailleurs pas là. Car, du souvenir de cette expérience, des contacts noués à l’époque, naîtra donc la Commission Archéologique départementale de la Seine-Maritime.
Nettoyée, traitée, l’hélice trône depuis comme décoration dans le port de plaisance de Saint-Valéry-en-Caux ; mais ce cargo reste sans nom, donc sans histoire… Elle a depuis été déplacée dans un endroit plus discret.
1994, LA CLOCHE ET ENFIN UN NOM
Il faudra attendre 1994 et la découverte, par deux plongeurs de Cany-Barville, de la cloche du navire pour que le nom et l’histoire du navire remontent du fond de La Manche. L’objet nettoyé laisse en effet apparaître un nom : Coonagh. A noter qu’il est assez rare qu’un navire change de cloche au cours de sa carrière, elle porte donc souvent le nom d’origine du bateau.
Tout est désormais clair. Le navire est un cargo anglais de près de soixante-treize mètres de long pour presque onze de large. Sorti des chantiers de Sir Raylton, Dixon & Co. Ltd. de Middlesbrough en juillet 1904 sous le nom d’Almagro, il est livré à son armateur Mac Andrew Robert & Co de Glasgow. Sa machine triple expansion lui permet d’atteindre les 8,5 nœuds.
En 1915, il est la proie d'un incendie. La compagnie irlandaise Limerick Steamship Co. Ltd le rachète et le remet en état. Il sera rebaptisé Coonagh, du nom d’un petit village de pêcheurs proche de Limerick sur la côte ouest irlandaise.
LE NAUFRAGE
Le Coonagh quitte Middlesbourgh (côte nord-est de l’Angleterre) le 10 mars 1917 avec un équipage de 17 hommes (10 selon d’autres sources) à destination de Rouen, avec une cargaison de lingots de fonte. Trois jours plus tard, il double l’estuaire de la Tamise. Selon le rapport du Kapitänleutnant Egon Von Werner, commandant du sous-marin-poseur de mines UC 16, c’est au cours d’une croisière du 10 au 16 mars 1917 que le submersible a déposé ses 18 mines aux abords des ports normands (dont un groupe de trois au large de Saint-Valéry-en-Caux).
Le Coonagh approche, insouciant, à son train de sénateur et prépare son entrée en baie de Seine. Il ne devine pas dans la nuit du 15 mars les pièges mortels qui l’attendent sous la surface. Le navire est bas sur l’eau, alourdi par sa pesante cargaison. Soudain, une explosion derrière le château central soulève une gerbe d’eau.
En quelques secondes, on imagine que l’eau submerge la cale arrière et le navire sombre comme aspiré par le fond. Aucun moyen de sauvetage n’a eu le temps d’être mis à l’eau et les hommes, même accrochés à quelques débris flottants, ne pourront survivre longtemps dans les flots glacials de la Manche en mars.
A priori aucun des corps ne sera retrouvé et le navire sera déclaré perdu corps et biens. Comme nombre de bateaux disparus, il faudra attendre la fin du conflit et l’étude des archives allemandes, où chaque officier sous-marinier consignait consciencieusement son tableau de chasse, pour connaitre le sort du Coonagh (A noter que nous n’avons rien trouvé concernant ce dernier aux archives de Vincennes qui répertorient tous les navires victimes de la Première Guerre mondiale. Dans un sens, il n’y avait pas de raison qu’un rapport de naufrage existe du fait de la perte corps et bien du navire, sans le moindre témoin).
L’UC 16 est un sous-marin poseur de mines de type II.
(Uboat type UC II)
Lancé le 1er février 1916 aux chantiers Blohm & Voss de Hambourg, le submersible va entrer en service le 11 septembre de la même année et effectuera 13 croisières en Manche en un an.
Par mines ou torpilles, il coulera au total 43 navires (43 914 tx) et en endommagera six. Six mois après qu’il ait causé la perte du Coonagh, il disparaitra à son tour corps et biens, aux abords de la base de Zeebrugge, victime d’une mine le 4 octobre 1917.
L’EQUIPAGE DISPARU DU SS COONAGH
Nous pensions que le navire au moment du naufrage avait un équipage de 10 hommes, mais le Tower Hill Memorial dans Trinity Square à Londres (monument de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth commémorant les marins marchands et pêcheurs civils tués à la suite d'une action de l'ennemi au cours de la Première Guerre mondiale) comporte 17 noms correspondant à la disparition du Coonagh.
CLARKE Alfred Edgar |
de Middlesbrough |
60 ans |
capitaine |
NICHOLSON |
de Liverpool |
|
premier maître |
KISSACK Thomas |
de Liverpool |
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second maître |
FISHER Alfred |
de Leeds |
36 ans |
chef mécanicien |
WILLOCK David Baird |
de Dundee |
39 ans |
second mécanicien |
TYLER Edward Ernest Albert |
de Middlesbrough |
|
bosco |
NITO |
d’origine japonaise |
36 ans |
pilote de guindeau |
JOHNSON Albert |
de Middlesbrough |
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matelot confirmé |
TURNLEY Joseph |
de Middlesbrough |
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matelot confirmé |
LOUGHRAN John |
|
|
matelot confirmé |
ENGSTON |
suèdois |
|
matelot confirmé |
DAVISON |
|
|
matelot confirmé |
NAGASE Suminobn |
d’origine japonaise |
25 ans |
chauffeur |
KIMINO Nisuke |
d’origine japonaise |
|
chauffeur |
CUMMINGS Francis |
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cuisinier |
DEVLIN Georges |
de Dublin |
47 ans |
intendant |
MUSGROVE Arthur Ralph |
de Middlesbrough |
17 ans |
commis au mess |
L’épave du Coonagh, de par ses dimensions et son orientation, est une carcasse facile à trouver. A moins de 5 milles de la côte, face à Saint-Valéry-en-Caux, deux amers distincts permettent avec un sondeur de couper l’épave dans sa largeur, puisque cette dernière est parallèle à la côte.
Le mouillage assuré le plus souvent par tribord, on découvre la proue du navire impressionnante de par la hauteur de coque restante, environ 5 mètres.
Si l’on décide de faire la plongée à l’extérieur du navire, on pourra voir une coque relativement intacte jusqu’à l’emplacement de l’impact de la torpille, au trois quarts arrière tribord, qui fut la cause de ce naufrage.
Une large brèche en forme de V coupe l’épave en deux parties qui restent attenantes malgré tout, du fait de la nature de la cargaison.
La visite se poursuivra jusqu’à l’hélice qui mérite le détour, et le retour sur bâbord permettra de découvrir çà et là l’emplacement des hublots encore visibles.
Si par contre on décide de visiter l’épave de l’intérieur, on aura beaucoup de difficultés à se faire un passage au milieu des tôles déformées. Tout est assez uniforme et la cargaison, visible par endroit, empêche de pénétrer dans cette structure qui pourtant doit encore détenir bien des secrets…
Sources :
https://en.wikipedia.org/wiki/SM_UC-16
https://uboat.net/wwi/ships_hit/search.php
https://uboat.net/wwi/boats/successes/uc16.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9morial_de_Tower_Hill
Registre Lloyd’s 1917
30 ANS APRES...
(François Mathieu, l'un des protagonistes de la remontée de l'hélice du cargo britannique)
L'opération hélice, menée par les plongeurs normands et réunis sous la bannière du Centre de Production Nucléaire de Paluel (EDF), aura permis de retrouver un vestige du patrimoine des gens de mer... et d'exposer aux yeux des générations futures une trace des fortunes de mer advenues le long du littoral seino-marin.