FETLAR
- Nom : Fetlar
- Type : cargo
- Nationalité : anglaise
- Construction : Barclay, Curle & Co. Ltd., Whiteinch (Glasgow)
- Propriétaire : North of Scotland & Orkney & Shetland & May Steam Navigation Co. Ltd., Aberdeen
- Dimensions : longueur 60 m - largeur : 6 m - tirant d'eau : 4 m.
- Tonnage : 464 tx
- Motorisation : vapeur - triple expansion
- Vitesse : non renseigné
- Armement : non renseigné
- Naufrage : 13 avril 1919
- Coordonnées géodésiques : 48° 41’ 033’’ Nord - 002° 04’ 263’’ Ouest (WGS84)
- Autres: non renseigné
AMBIANCE DE L'EPOQUE
Lettre d’un voyageur imaginaire à un ami non moins imaginaire quelques jours après le naufrage du Fetlar :
" Très cher ami,
Tu sais mon amour de la mer et ma passion pour les bateaux. De nombreux voyages m’ont mené sur toutes les côtes, tous les ports de France. Les hautes falaises de la côte d’Albâtre, les immenses plages du Nord, les criques désertes des Maures, le granit modelé par vents et vagues des côtes bretonnes… Mais s’il est un endroit où je ne me suis jamais senti aussi bien, où j’aimerais me poser un jour, c’est sûrement aux alentours de Saint-Malo. C’est pourquoi le projet de m’y rendre à nouveau m’occupait l’esprit depuis quelques temps. J’avais envisagé de faire le voyage en juin, presque certain d’avoir douceur et soleil, mais mon impatience l’a emporté et c’est mi-avril que j’ai bouclé mes bagages. Et bien m’en a pris, car j’ai assisté à un événement qui a, quelques temps, chamboulé la cité malouine. Mais laisse-moi te conter tout ça par le début.
Je ne te décrirai pas dans le détail toutes les péripéties de mon voyage en train, le manque de confort des bancs en bois, l’abondante fumée dégagée par la locomotive envahissant le compartiment, les escarbilles qui font pleurer ! Je suis arrivé à Saint-Malo après une bonne journée de voyage, exténué, poisseux et noir comme un charbonnier.
J’ai déposé mes bagages dans un petit hôtel, place Chateaubriand, du côté de la porte Saint-Vincent. C’est probablement l’endroit de cette ville le plus animé, que ce soit d’un côté ou de l’autre des remparts. Il n’est pas une minute de la journée sans qu’un bruit nouveau ne m’attire à la fenêtre de ma chambre : la sirène d’un bateau rentrant au port, les rires tonitruants des buveurs aux terrasses des nombreux cafés qui entourent la place, les cliquetis des fers des chevaux traînant les calèches et pénétrant dans la cité et aussi les nombreuses automobiles.
Ces derniers jours, le temps est vraiment magnifique. De ce fait, je suis dehors en permanence. Que ce soit « intra » ou « extra muros », le spectacle est permanent. Ainsi, je ne me lasse pas d’observer, et d’emprunter aussi, le pont roulant qui relie la cale de la Bourse à Saint-Malo au Naye de Saint-Servan.
C’est un engin remarquable : peux-tu imaginer une espèce de plate-forme de 7 mètres sur 6, équipée d’un abri juché sur une charpente métallique à plus de 10 mètres de haut. Au sol, reposant sur un genre de rail de chemin de fer, quatre grandes roues en acier d'un mètre de diamètre assurent le déplacement de l’ensemble. Le pont roulant, qui pèse tout de même dans les 14 tonnes, est animé par une machine à vapeur de 10 cv. Un conducteur et un machiniste suffisent à le faire fonctionner et à assurer la traversée aller/retour à une cinquantaine de personnes, et ce environ 11 fois par jour. Aux dires des utilisateurs, il déraille souvent et alors des paniers d’osier permettent aux intrépides voyageurs d’être descendus et rapatriés sur l’autre rive. Si la sensation de vertige est angoissante quand je l’utilise à marée basse, il en est tout autre à marée haute et les deux minutes de traversée deviennent deux minutes de pur bonheur.
Le pont Roulant (source Wikipedia).
Tu connais le dicton : « En avril ne te découvre pas d’un fil » ? Et bien, il semble ne pas devoir être de rigueur à Saint-Malo. Les salles de bistrot sont vides tandis que les serveurs courent sur les pavés des terrasses entre les tables, jonglant avec des plateaux surchargés de bières et de limonades. La joie et le bonheur sont sur tous les visages. Le spectre hideux de l’épidémie de grippe espagnole, qui selon les autorités semble avoir provoqué la mort de 30 millions de personnes de part le monde, et dont les ravages semblent avoir marqué le pas depuis quelques mois, n’arrive pas à assombrir l’ambiance qui règne sur la citée. Les conversations vont bon train entre les consommateurs et le dernier numéro de l’Illustration est commenté haut et fort. La mort du guérillero mexicain Emiliano Zapata le 10 avril dernier au cours d’une embuscade, ou la crainte qu’inspire la création par un certain Mussolini du mouvement fasciste «Fasci di Combattante» en Italie, les promesses de jours meilleurs pour les travailleurs suite au vote de cette loi instaurant de nouvelles conventions collectives et les bruits qui circulent de voir des journées de travail ne dépassant pas huit heures.
Zapata mort et Benito Mussolini en 1915 (source Wikipédia).
Le beau temps qui règne en ce moment, s’il favorise la vie au plein air, est aussi propice aux rencontres. Ainsi, au hasard de mes balades au travers de la vieille ville, j’ai rencontré un couple d’Anglais qui, via Paris, est arrivé de Londres par avion ! Te rends-tu compte de ce qu’une nouvelle comme celle-là représente pour un voyageur comme moi, les perspectives de voyages longs, rapides et confortables. Leur avion était un Farman F60 Goliath, un ancien bombardier lourd de la guerre reconverti en transport de passagers. Il emporte 10 passagers à la vitesse de 120 km/h. Tu ne peux imaginer comme il me tarde de tenter cette traversée.
Je ne me lasse pas des balades autours de Saint-Malo sur les remparts, ce que les Malouins nomment " le tour des murs ". C’est de cette forteresse de pierre, sur le chemin de ronde dont la construction remonte au 13ème et 14ème siècle, que la vue sur la mer est la plus belle. C’est aussi de cette muraille de granit que les habitants de la citée corsaire ont pu saluer le départ de Jacques Cartier vers le golfe du Saint-Laurent en 1534, accueillir et applaudir les victoires du corsaire Duguay-Trouin au début du 16ème siècle et, une centaine d’années plus tard, encourager les incessants faits d’armes de Surcouf, le « tigre des mers », contre la Grande-Bretagne sur son navire le " Renard ".
Jacques Cartier - René Dugay-Trouin - Robert Surcouf (Source Wikipédia).
Désormais, le spectacle des bateaux, s’il est moins glorieux et guerrier, n’en est pas moins magnifique et agréable à regarder, comme les régates de bisquines qui se déroulent régulièrement devant la cité.
Régates de bisquines devant Saint-Malo - (Collection Germain fils aîné).
Je ne te cacherai pas que, sur la plage Bon-Secours, cet engouement pour les bains de mer et la mode vestimentaire qui l’accompagne réservent parfois des images que l’homme que je suis ne se lasse de regarder.
...
Les bains de mer à Saint-Malo.
C’est de cette même plage Bon-Secours que, à marée basse, que j’ai pu faire à pied la traversée jusqu’à l’îlot du Grand Bé où j’ai pu voir le tombeau du plus illustre écrivain breton : François René de Chateaubriand.
La plage Bon-Secours et le Grand Bé - (Carte postale YVON).
Chateaubriand et son tombeau sur l’île du Grand Bé.
Je me rends souvent à l’embarcadère des vedettes pour Dinan. Je peux ainsi à loisir visiter le port et apercevoir de la mer la forêt de mâts des terre-neuvas en attente de départ vers la grande pêche.
L’embarcadère des vedettes dinardaises et les voiliers terre-neuvas (carte postale CPA). Vedette Saint-Malo/Dinard - (Collection Germain Fils).
Le môle des Noires.
Voilà mon ami mes principales occupations ces derniers temps. Je t’ai parlé au début de cette lettre d’un événement dont j’ai été témoin et dont j’en suis persuadé, tu n’as pas eu vent ! Un événement qui, s’il a créé l’émoi dans la cité et beaucoup fait parler, n’a sûrement pas fait la « une » des journaux parisiens ! Un navire a sombré devant Saint-Malo. Bien heureusement, il n’y a eu aucune victime à déplorer, mais les circonstances de ce naufrage méritent que je t’en fasse le récit. Dimanche dernier, donc, comme ces dernières semaines, la douceur du temps a réuni les malouins sur les remparts. Un bruit s’est mis à courir parlant d’un navire gravement endommagé, dérivant derrière l’île Cézembre. En quête d’informations, beaucoup de promeneurs se sont rendus sur le port. J’ai bien sûr suivi ce mouvement provoqué aussi bien par la curiosité que par l’inquiétude, nombreux en effet sont ceux ici qui ont souvent une personne chère en mer. Et quel ne fût pas notre surprise et aussi le soulagement quand en fin d’après-midi, doublant le Môle des Noires et pénétrant dans l’anse des Sablons, nous avons vu arriver, remorqués par une vedette de sauvetage, deux canots pleins de naufragés !
L'île Cézembre.
L’histoire a débuté la veille dans le port de Southampton. Comme il le fait régulièrement, habitué qu’il est de cette traversée, le Fetlar, un petit cargo à vapeur de 464 tonneaux, d’environ 50 mètres de long pour 8 de large, a appareillé en direction de Saint-Malo.
Ce navire a été construit il y a 21 ans, à la fin du siècle dernier, en 1898 exactement, à Glasgow par la société Barclay et Curle. Dans un premier temps, baptisé du curieux nom de Ape et qui signifie « singe » en français. Racheté par une société d’Aberdeen, il a reçu le nom de cette île des Shetlands : Fetlar. Son dessin dans le journal montre un beau navire en acier doté de mâts pouvant être équipés de voiles, le monde maritime ayant encore une confiance limitée en les moteurs. Je dois en parler au passé car, désormais, c’est par une trentaine de mètres de fond à marée haute que le Fetlar repose, derrière l’île Cézembre.
Dimanche dernier donc, en fin de matinée, après une traversée sans problème par une mer calme et un temps dégagé, le commandant du Fetlar, Monsieur Parugers présente son navire devant le chenal menant au port. Dans les cales, il y a entassé 280 tonnes de marchandises aussi diverses qu’hétéroclites : de la farine, de l’avoine, des tôles ondulées, des creusets de fonderie, des chaussures… Bien qu’il effectue régulièrement le trajet entre Southampton et Saint-Malo, et alors que les conditions de mer sont idéales, le commandant n’ignore pas que l’accès à la cité malouine est redoutable.
Partout devant le port, comme à l’affût, il semble qu’une multitude de roches acérées attendent le navire imprudent qui viendra leur présenter ses flancs. Et dimanche dernier, le calme qui régnait, l’absence de vagues se brisant sur leurs dos et trahissant leur présence les a rendues encore plus sournoises et dangereuses. Il semble que, justement, ce soit cette météo trop clémente et cette mer trop calme qui ai trompé la vigilance du commandant. Et puis il y a le courant ! Aux dires des Malouins, tout marin capable de rentrer dans le port de Saint-Malo, sans briser son navire sur un écueil, est capable d’entrer dans tous les ports du monde !
Le 13 avril dernier, jour de vives eaux, porté par le courant de marée, le Fetlar a dérivé vers la gauche, sur bâbord comme disent les marins, plus que ne le pensait le maître du navire et, à 15h45, il a talonné et s’est échoué sur une roche appelée la Basse de Bunel. Il a bien fallu se rendre à l’évidence : une méchante brèche s’était ouverte dans la coque. Les échos de cet événement ne relate ni panique ni perte de sang froid parmi l’équipage. Une ancre fut immergée afin de stabiliser le navire et des pompes d’assèchement mises en marche. Le projet du commandant était, à l’en croire, de gagner tout de même le port.
Mais au fur et à mesure que le temps passait, il dut admettre que son projet ne se réaliserait pas. Les pompes ne parvenaient plus à « étaler » et il dut se résoudre à ordonner aux chauffeurs d’éteindre les chaudières pour éviter leurs explosions tant l’eau envahissait la salle des machines.
La marée montante le déséchoue et, l’ancre abandonnée, il est parti à la dérive. Mais, ce jour là devait être un jour maudit pour les gens de mer. A quelques miles du Fetlar à la dérive, venant de Granville vers Saint-Cast-le-Guildo, et lourd de 13 tonnes de phosphate, un sloop, le Marie-Catherine, remarque le cargo en difficulté, le bordé au raz des flots et l’équipage sur le point d’évacuer le bord. N’écoutant que le sentiment de solidarité qui anime les marins, le patron de la Marie-Catherine fait abattre et se porte au secours du navire en péril. Cette manœuvre le conduira à sa perte. Entraîné lui aussi par le courant, l’équipage n’a que le temps de mettre à l’eau le canot de sauvetage et de s’y réfugier avant que leur navire ne se fracasse sur les rochers de la Petite Conchée.
Sur le Fetlar, il est aussi plus que temps de mettre à l’eau l’embarcation de secours dans laquelle les 14 hommes constituant l’équipage prennent place. A 16h10, ce dimanche, le navire disparaît sous la surface, environ 800 mètres dans le nord de l’île Cézembre. La mer s’était refermée sur ses proies quand une vedette partie au plus vite de Saint-Malo arriva sur place. C’est néanmoins avec soulagement que l’équipage s’affaira à remorquer les deux canots des naufragés, que la mer a épargné, vers le port où la foule leur fit un accueil enthousiaste et réconfortant.
Après la mer qui s’est refermée sur ce bateau, c’est le temps qui se refermera sur le souvenir. Et l’avenir ne gardera de ce drame de la mer que quelques lignes sur un registre d’archives poussiéreux. Autour de Saint-Malo la vie sur la mer a repris. Bientôt tout le monde aura oublié ce dimanche 13 avril et l’histoire du Fetlar. Pour ma part, les regards chargés de détresse, comme seuls les marins qui ont perdu leur navire peuvent en avoir, resteront gravés dans ma mémoire.
Affectueusement. Ton ami. "
(Toutes ressemblances avec l’Histoire n’est pas fortuite… juste un peu romancée afin de rendre sa lecture plus vivante).
LA PLONGEE
La cale de Saint-Cast le Guildo
RECIT DE PLONGEE
Le jour où mon GPS a cru devenir fou !
Bien peu de monde ce matin sur le port de Saint Cast le Guildo… L’heure matinale peut-être et la fin de la saison estivale sûrement ! Seules, quelques mouettes observent notre manège. Pourtant la mer est belle, le ciel dégagé le soleil fait doucement son apparition, présageant une agréable journée. La douceur de l’atmosphère est perceptible en cette fin de mois de septembre. De plus, la température de l’eau qui entre dans mes chaussons me fait envisager une plongée « confortable ».
On avait dit : « On décidera en fonction de l’état de la mer ! », et là, c’est sûr… direction l’épave du Fetlar. Le point rentré dans le GPS, les " boudins du Zod " remis à la bonne pression, le matériel embarqué, direction 48° 41’ 033’’ Nord et 002° 04’ 263’’ Ouest (WGS84).
Nous sommes trois à bord et si je garde un semblant de vigilance, Daniel et Nicolas se laissent aller à une douce torpeur que l’absence de vagues ne fait qu’accentuer. Mon brusque changement de direction a soudain deux effets immédiats : ramener à la réalité mes deux coéquipiers et affoler mon GPS ! Des dauphins… des dauphins partout dans la baie. Par petits groupes, à bâbord, à tribord… une trentaine peut-être ! Certains accompagnés de leurs progéniture ! Avec prudence, je m’approche d’un des groupes et, à notre surprise, ils se mettent sous mon étrave et m’invitent à accélérer. Nicolas tente de les photographier, mais à entendre ses exclamations, je crois qu’il aura réalisé plus de photos de la surface que d’ailerons de mammifères marins. Aussi soudainement qu’ils sont venus jouer, ils disparaissent. Je change de groupe, et le même ballet se reproduit. Un véritable bonheur qui nous fait presque oublier le but initial de notre sortie.
L’heure se rappelle à son bon souvenir, et c’est à contre-cœur que nous quittons les dauphins et ramenons à la raison un GPS complètement traumatisé. Totalement réveillés cette fois, c’est avec la certitude d’avoir vécu un moment extraordinaire que nous achevons la dizaine de milles qui nous sépare de la balise de l’épave, car l’épave est balisée. En effet, depuis le 18 juillet 2006, sous l’impulsion d’Emmanuel Feige et de Alain Cabioch, tous deux du SMPE (Saint Malo Plongée Emeraude) et afin de préserver durablement l’épave de l’agression des ancres, les professionnels de la DDE des « Phares et balises », embarqués sur le navire la Traversaine ont immergé plusieurs corps morts reliés à une bouée en surface.
Le petit point rouge que je distingue à l’horizon depuis un moment s’avère être un bateau amarré sur la bouée. Après avoir demandé à ses occupants s’il voyaient un inconvénient à ce que nous partagions leur site de plongée et si je pouvais m’approcher sans risque du mouillage, nous sommes bientôt équipés et prêts à nous immerger. La récréation que nous ont offerte les dauphins nous a retardé, mais il n’y a absolument aucun courant quand nous entamons notre descente.
Bien sûr, la présence des corps morts et du fil d’Ariane facilite bien les choses et il ne nous faut pas longtemps pour rallier la coque, sur le milieu côté bâbord. Un mur d’acier d’environ trois mètres de haut s’élève devant nous. Notre balade commence par l’arrière où nous nous devons d’aller admirer l’hélice quatre pales en bronze. Elle est réellement magnifique, pratiquement pas ensablée. L’imposante pièce pavoise ainsi devant l’énorme safran donnant « bâbord toute ! ». La visibilité, très correcte ce jour là, me permet quelques photos.
Nous nous dirigeons ensuite vers l’étrave en longeant la coque côté bâbord. De ce côté, l’ancre est encore à poste et nous nous posons sur le fond afin de l’admirer. L’étrave dressée toute droite en contre-jour forme un spectacle magnifique. Côté tribord l’écubier est vide, l’autre ancre ayant été perdue sur la « basse du Bunel ».
Nous nous hissons de quelques mètres et nous voici sur le pont, à la proue du vieux vapeur. Surprise pour de nombreuses « vieilles » qui s’éloignent doucement en nous surveillant d’un œil. Je passe au dessus d’un énorme treuil et m’enfonce dans la cale avant. Nul danger, les ouvertures sont grandes et la lumière inonde l’intérieur du navire. Le Fetlar avait, entre autres, dans sa cargaison, des creusets de fonderie. Il en reste un certain nombre dans la cale, surveillés de près par un vénérable congre. Un treuil et le fond d’un creuset dans la cale avant.
La cargaison se composait également de chaussures. Avec un peu de chance, vous pourrez en découvrir… du moins ce qu'il en reste : des semelles aux dimensions impressionnantes… 48, 50 peut être ? J’en trouve une, enfouie sous le sable coquillier que j’immortalise en photo. A proximité, une seiche me surveille avec inquiétude, jouant avec son mimétisme pour échapper à mon regard.
Afin de poursuivre notre périple, nous ressortons de la cale, créant à nouveau un mouvement de panique chez les « vieilles » et les « tacauds ». Je m’attarde autour d’une grue au dessus de laquelle un mât devait trôner à l’époque de la splendeur du Fetlar. Puis, nous survolons la chaudière et la salle des machines avec son moteur à triple expansion.
Comment ça marche ? La chaudière, alimentée en charbon par un chauffeur mécanicien, transforme l’eau douce en vapeur d’eau. La dilatation de l’air va mettre en pression le circuit et provoquer la mise en mouvement des pistons de la machine. Par l’intermédiaire des bielles et des vilebrequins, ils vont faire tourner l’arbre d’hélice. La chaleur résiduelle et les gaz de combustion vont s’échapper par la cheminée. Ensuite, la vapeur passe dans le condenseur pour y être refroidie au contact de l’eau de mer, pompée à l’extérieur. Il y a condensation : la vapeur repasse en phase liquide et l’eau retourne à la chaudière grâce à une autre pompe et ainsi de suite…
La cale arrière n’aura pas cette fois-ci notre visite. Le temps passe vite sous l’eau et le courant qui se fait sentir annonce la fin de notre balade. Je palme néanmoins jusqu’à l’extrémité de l’épave afin de photographier le secteur de barre qui se dresse sur le pont arrière, juste au dessus de la mèche du gouvernail. Puis, rapidement, nous longeons le côté tribord du Fetlar afin de retrouver le fil d’Ariane qui nous mènera vers le mouillage.
Pendant que la silhouette du Fetlar s’estompe dans le vert de La Manche, je ferme les yeux et tente d’imaginer ce navire accostant dans le port de Saint-Malo. Ce ne fut pas son destin et ce funeste dimanche d’avril 1919 sera en fait le début de sa célébrité. Des générations de plongeurs ont fait, font et assurément continueront à faire en sorte que son histoire se perpétue.
C’est une épave magnifique et, malgré son grand âge, merveilleusement conservée. Cette plongée ne présente pas de dangers particuliers, sauf peut-être le courant, parfois violent, et les étales pratiquement inexistantes lors des marées à fort coefficient.
Mon semi-rigide « tire déjà fort » sur la bouée quand nous remontons à bord. L’île Cézembre s’offre à nous sous un beau soleil automnal. Ce sont les yeux encore tout vert des eaux de La Manche et l’esprit vagabondant au début de ce siècle que, nonchalamment, nous prenons le cap en direction de Saint-Cast.
L'île Cezembre vue du mouillage du Fetlar Récit de Dominique Resse.
Superbe photo avec Vic Verlinden pour le SMPE.
REMERCIEMENTS - BIBLIOGRAPHIE - A LIRE A VOIR
SMPE Les Trésors engloutis de la baie de Saint-Malo par Emmanuel Feige. En vente auprès de l’auteur ou en librairie. Contacts : 06.62.85.38.99.
Remerciements à Wikipédia pour les données générales.