VULKAN
- Nom : Vulkan autrement nommé Wendemuth
- Type : Remorqueur
- Nationalité : Allemande
- Construction : Chantiers : Jos L. Meyer – Papenburg - Allemagne Date construction : Décembre 1912 Date mise en service : 28 mars 1913
- Propriétaire : Norddeutscher Lloyd – Brème – Allemagne
- Dimensions : Longueur : 42,06 mètres Largeur : 8,49 mètres Tirant d’eau : 4,11 mètres Tirant d’air : 4,50 mètres
- Tonnage : net : 395 tonnes
- Motorisation : Machines : 3 cylindres triple expansion Puissance : 1302 Cv
- Vitesse : Non Renseigné
- Armement : Aucun
- Naufrage : 20 septembre 1941 Cause = mine
- Coordonnées géodésiques : Latitude : 49° 35'895 N, Longitude : 0° 1'460 E.
- Autres: Non Renseigné
(Le Vulkan autrement nommé Wendemuth)
Le 20 septembre 1941
Une mine allemande envoie par le fond un remorqueur de la Kriegsmarine
L'épave baptisée Norddeutscher livre son identité 62 ans après !
Le VULKAN refait surface
L’ESSOR ET L'ÂGE D'OR DES TRANSATLANTIQUES
Le début du XXème siècle voit le sacre du paquebot comme moyen de transport. Rien ne semble devoir arrêter leur gigantisme. Ainsi, le Titanic mesure près de 291 mètres de long pour un déplacement de 46.000 tonnes. Mais ces navires, qui donnent une réelle impression de puissance en mer, ne sont que des colosses aux pieds d’argile lors des manoeuvres dans les ports. Accostage et départ sont deux moments critiques qui nécessitent toute la science du commandant pour se dérouler sans anicroche.
Très tôt, les compagnies maritimes vont se rendre compte de l’utilité de disposer de petits navires de servitude pour assister les paquebots dans leurs manoeuvres : les remorqueurs.
UN NAVIRE SANS GLOIRE MAIS INDISPENSABLE : LE REMORQUEUR
Ci-dessus, le Vulkan en manoeuvre avec le Bismarck et Scharnhorst)
Le remorqueur devient très rapidement un auxiliaire précieux pour les paquebots ou tout autre navire de grande dimension. Devant ralentir à l’arrivée dans un port, les navires ne peuvent plus compter que sur leur erre pour bénéficier de capacités manoeuvrières. Or, plus la vitesse diminue moins le gouvernail peut diriger le navire. On a alors recours à de petits vapeurs ayant une forte puissance de traction qui, en se plaçant soit à la proue ou à la poupe, vont le diriger lors de ses manoeuvres dans les ports.
Très peu d'enceintes portuaires disposaient d'un service de remorquage organisé. Il n’est donc pas rare que de grandes compagnies maritimes lancent la construction de flottilles de remorqueurs qui sont alors basées dans les différents ports où "escalent" leurs paquebots respectifs.
L’Allemagne, qui à la fin du XIXème siècle a le plus grand nombre de compagnies maritimes devant l’Angleterre, ne déroge pas à la règle. En 1912, la Hamburg-Amerikanischen Packetfahrt-Aktien-Gesellschaft (HAPAG) commande aux chantiers allemands Jos L. Meyer deux remorqueurs qui portent les numéros de construction 284 et 285.
Ces remorqueurs sont destinés à assurer les manoeuvres portuaires de leurs nouveaux paquebots géants de la classe Imperator : les Imperator, Vaterland et Bismarck. Paquebots de 315 mètres de long, pour un tonnage brut de plus de 52.000 tonnes. Ils surpassent le R.M.S Titanic (291 mètres, 46.000 tonnes) et R.M.S Mauretania (297 mètres - 46.000 tonnes). Ce sont les plus grands navires au monde et nécessitent donc une nouvelle génération plus puissante de remorqueurs.
LE WENDEMUTH
Baptisé Wendemuth (la coque 285 est nommée pour sa part Loewer), le remorqueur quitte le chantier en décembre 1912 et est admis au service le 28 mars 1913 pour le compte de la HAPAG.
Originalité dans sa conception, en plus d’être destiné au remorquage des grands paquebots, le Wendemuth a la capacité d’accueillir à son bord 102 passagers. Cette particularité a sans doute été prévue pour lui faire jouer le rôle de transbordeur entre le port et les navires en attente sur rade, à l'instar du Nomadic avec le R.M.S Titanic à Cherbourg.
Il entre aux chantiers de la Marine Impériale de Wilhemshaven le 9 janvier 1915 pour en ressortir un mois plus tard.
Le 9 mars 1922, la compagnie allemande de remorqueurs Bugsier Reederei und Bergungs AG en assure l’exploitation jusqu’en 1926.
La compagnie Lütgens & Reimers l’achète à son tour avant de céder le Wendemuth à la Norddeutscher Lloyd de Brême qui l’incorpore à sa flotte le 22 novembre 1929.
Le 29 décembre de la même année, la Norddeutscher le renomme Vulkan et l’utilise pour aider à l’appareillage et à l’accostage de ses paquebots.
L'OPERATION "SEELOW"
Le 2 juillet 1940, Hitler décide de l’invasion de l’Angleterre : nom de code « Seelöw ».
Devant les quantités de soldats et la logistique afférente à les transporter à travers La Manche, un grand nombre de navires de commerce français est réquisitionné – principalement à Bordeaux – et transformé dans les chantiers français de la côte Atlantique. Ils sont adaptés pour une nouvelle mission. L’installation de sanitaires, l’aménagement pour le transport de véhicules et de boxes pour les chevaux, une peinture de camouflage de la coque et ils deviennent des transports de troupes. En voici la liste :
H 1 Cornouaille | H 14 Saint-Firmin |
H 2 Penthièvre | H 17 De La Salle |
H 3 Sainte Maxime | H 18 Château Palmer |
H 4 Ville de Metz | H 19 Yang Tsé |
H 5 Nicole Schiaffino | H 20 Kerguelen |
H 6 Dunkerquois | H 21 Ango |
H 7 Madali | H 21 Sèvre |
H 8 Ile d'Aix | H 22 Ville de Reims |
H 9 Flandre | H 23 Grandlieu |
H 9 Hélène | H 24 Marcel Schiaffino |
H 11 Cap Guir | H 25 Ange Schiaffino |
H 12 Jean et Jacques | H 27 San Mateo |
H 13 Cambronne | H 28 Malgache |
NAVIRES RÉQUISITIONNES POUR "SEELOW"
Le Havre, choisi comme une des principales bases de regroupement de cette flotte d’invasion, voit arriver les premiers navires à la mi-septembre. Il faut moins d’un mois pour la rassembler puisque début octobre l’intégralité des navires requis est présente au Havre.
Ce rassemblement de navires entraîne des besoins en remorqueurs pour le port du Havre, la plupart l’ayant quitté lors de l’exode de juin 1940.
La Kriegsmarine est donc dans l’obligation de réquisitionner des remorqueurs un peu partout en Europe. C’est le cas du Vulkan qui rejoint Le Havre le 20 août 1940.
Bien qu’Hitler annule l’opération Seelöwe fin 1940, le Vulkan reste au port du Havre et continue à vaquer à ses tâches.
Le 20 septembre 1941 (certaines sources mentionnent la date du 27 septembre), à 18 h 25, alors qu’il est à l’extérieur du port, il heurte une mine qui le coupe en deux et l’envoie par le fond causant la perte de deux membres d’équipage. Ironie de l’histoire, le Vulkan a très certainement touché une mine allemande posée en 1940 pour bloquer les abords du port du Havre.
En effet, à partir du 1er juin et jusqu’au 13 juin, les Heinkel He-111 et He-115 de la 9ème Fliegerdivision de la Luftwaffe procède à des largages de mines LMA et LMB pour entraver les mouvements des navires.
JUIN 2004 - LA VISITE AU CHANTIER MEYER WERFT
Suite à la découverte de la plaque, il avait été émis le souhait d'en faire don à un musée en relation avec le Vulkan et son histoire.
Après les contacts initiés et l'aide fournie par le chantier Meyer Werft, nous avons découvert qu'il disposait d'un musée retraçant l'historique des navires construits dans leur enceinte. Il devenait donc évident que la plaque trouverait logiquement une place au sein de celui-ci.
Nous sommes donc conviés par Meyer Werft en juin 2004 en Allemagne. Ce chantier est situé dans la ville de Papenburg sur la rivière Ems à proximité de la frontière hollandaise. Particularité de Meyer Werft : le propriétaire - Bernard Meyer - est un descendant direct de Jos L.Meyer : il est donc la sixième génération de la famille Meyer à diriger le chantier.
Bien que Meyer Werft ait déménagé en 1986 pour se rapprocher de l'estuaire et disposer d'une superficie plus vaste, les chantiers d'origine n'ont pas été rasés et offre un bel exemple de reconversion.
Partant des locaux d'origine, un hôtel a été bâti tout autour, s'intégrant parfaitement dans le décor et en tirant même profit : les halls de construction sont devenus restaurant et salle des congrès. L'ambiance navale règne partout : maquettes, photos des navires construits au chantier, demi-coque ayant servi au calcul de découpe des tôles et bien d’autres éléments toujours en rapport avec l’histoire de la société. Tout le patrimoine du chantier est ainsi mis en valeur et ne reste pas à prendre la poussière dans des archives.
La maison d'origine du créateur du chantier est aussi préservée et l'on peut voir ses armoiries sur la porte d'entrée.
Nous sommes reçus le lundi 21 juin par le directeur du chantier Joachim Zerrahn et le responsable des relations publiques Peter Hackmann. Après leur avoir narré les circonstances de la découverte de l'épave et de son histoire, la plaque leur est remise.
Il s'ensuit une visite des chantiers où, pendant une heure, nous découvrons les secrets de la construction navale moderne.
(Remise de la plaque du Vulkan par deux membres du GRIEME - Anthony LALOUELLE et Michel TORCHE)
Nous assistons à la construction de 2 porte-conteneurs d'une centaine de mètres et d'un paquebot de 293 mètres pour le compte de la Norwegian Cruise Line : découpe des tôles au plasma, soudure au laser, positionnement par chariot conduit informatiquement, assemblage par modules préfabriqués… Tout cela est fort impressionnant de modernisme et d’organisation.
On est bien loin du chantier du XIXème siècle !
Nous quittons les chantiers heureux de ce que nous avons pu y apprendre, mais aussi rassurés de voir qu'un chantier résolument tourné vers le XXIème siècle n'en délaisse pas pour autant son passé et son histoire.
LA PLONGÉE SUR LE VULKAN
(Michel TORCHE dessinateur et plongeur et ses compagnons s de plongée Ludo, Eric se préparent pour une immersion sur le remorqueur
En arrière plan, la bouée rouge positionnée sur Le Vulkan
Le Vulkan repose en deux parties éloignées d’une quarantaine de mètres. Le point du rupture est approximativement situé sur l’avant de la salle des machines, à l’endroit où a frappé la mine.
La poupe a été la première partie plongée. Au cours de celle-ci, il avait été décidé d’explorer le point arrière. La première surprise vint de la configuration de l’épave : en effet, de par son nom laissant supposer son appartenance à une compagnie maritime, nous nous attendions à trouver soit un petit cargo soit un paquebot. Or le constat que nous faisions nous laissait sceptiques puisque l’architecture était plus celle d’un remorqueur ou d’un navire de servitude datant du début du siècle.
En effet, les éléments remarquables de ce tronçon arrière, reposant sur bâbord avec une gîte de 35°, sont :
- Une machine triple expansion,
- Un treuil à vapeur sans rapport avec la taille du navire,
- Des bittes d’amarrages de grandes dimensions,
- Une main courante (échelle ?) ceinturant l’arrière du navire,
- Une bitte en forme de H identifiant le navire dans la catégorie des remorqueurs,
- Une courbure de la poupe et une hélice quadripale.
Une deuxième plongée, effectuée sur la partie avant le 28 juin 2003, conduit à la découverte près de la chaudière de la plaque constructeur qui permet d’identifier formellement le Vulkan : celle-ci correspond à un chantier naval toujours en activité : Meyer Werft.
Après contact avec le service des relations publiques de Meyer Werft, celui-ci nous confirme que la plaque trouvée au fond correspond à la chaudière construite chez eux sous la référence 200. Cette machine a été installée à bord de la coque numéro 284 qui est baptisée au lancement Wendemuth. La correspondance entre numéro de chaudière et Wendemuth rend l'identification certaine. En effet, la technique d'assemblage de l'époque, consistait à construire la chaudière puis à bâtir la coque autour.
Un correspondant, en Hollande, nous confirme par la suite que le Wendemuth – Vulkan a bien été coulé le 20 septembre 1941 au large du Havre rendant ainsi certaine l’identification du «Norddeutscher», comme l’appelle depuis maintenant 60 ans les havrais.