AU REVOIR

 

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  • Nom : Au Revoir

  • Type : paquebot puis dragueur de mines - coque acier
  • Lancement : 20 janvier 1896 à Dumbarton

  • Nationalité : française

  • Construction : London Chatam & Dover Railways Company

  • Propriétaire : Compagnie Française des Chargeurs Réunis

  • Dimensions : longueur 85,40 m - largeur 10,56 m - tirant d'eau : 6,77 m

  • Tonnage : 1057 tonnes

  • Motorisation : 6 chaudières - machine triple expansion alimentée par une chaudière chauffant à 10,5 kg

  • Vitesse : 19,56 noeuds

  • Coordonnées : latitude : 49°32'547 N - longitude : 00°03'973 E - profondeur épave : 13m

L'Au Revoir...

 

 

27 février 1916, l'Au Revoir est torpillé par le sous-marin allemand UB 18.
Paquebot avec roues à aubes du nom de Calais, il finira sa carrière pour le compte de la Marine comme dragueur de mines, baptisé Au Revoir.

 

LE SERVICE POSTAL

 

En 1896 les députés français votent une loi approuvant la convention signée entre l'état français et la Compagnie du Chemin de fer du Nord.

 

Le document a pour objet le transport par voie maritime des dépêches et colis entre la France et l'Angleterre. Le service sera quotidien et assuré par un paquebot à vapeur. Le passage se fera entre Calais et Douvres, liaison maritime la plus courte.

 

La ligne par Boulogne et Folkestone, plus courte entre Paris et Londres, ne sera pas retenue, les infrastructures étant jugées insuffisantes par les autorités. Les paquebots de cette ligne devront porter le pavillon français, ainsi qu'un pavillon postal. Ces navires seront obligatoirement construits en France, ou bien francisé. De même, l'entretien et la réparation de ces bateaux devra être effectuée en France.

 

La liaison sera assurée pendant une durée de 10 ans. Les chaudières des navires devront être conçues de manière à pouvoir brûler du charbon français ! En outre, ils devront être capable d'effectuer la traversée à une vitesse de 15 noeuds.

 

Le ministre de la Marine fait alors savoir qu'il n'y aura pas lieu de prévoir un rôle en cas de mobilisation, ces navires ne pouvant, à son sens, recevoir de l'artillerie, leur vitesse étant jugée insuffisante !

  

 

MISE EN CHANTIER

Le 20 Janvier 1896 le Calais est lancé à Dumbarton par la société London Chatam and Dover Railways Company.

Le paquebot disposera d'une innovation intéressante pour l'époque : un appareillage placé à la base de la cheminée destiné à empêcher les cendres et les escarbilles de s'échapper...  pour le plus grand plaisir des passagers.

Le navire assure le service postal et transporte près de 1000 passagers jusqu'en 1911.

L'AU REVOIR quitte le port de BOULOGNE

En 1912, il est racheté en sous-main par un prête-nom de la Compagnie Hambourg América. Il reçoit son nouveau nom d'Au Revoir et se trouve affecté au port de Boulogne où il assure le service de transbordement pour les voyageurs transatlantiques de cette compagnie.

Les autorités lui accordent pourtant son acte de francisation à Boulogne le 15 avril 1912, sur la foi de document faisant apparaître un propriétaire unique du nom de Monsieur Hattemer.

Ni l'hypothèque de 150.000 Francs (la valeur marchande du navire) détenue par la compagnie allemande, ni le fait que l'équipage français soit commandé par un capitaine allemand n'a semble-t-il éveillé la suspicion des autorités de l'époque !

Lorsqu'éclate le premier conflit mondial, le bâtiment est d'abord désarmé au fond du port de Boulogne, en compagnie du Nord et du Pas-de-Calais. Ces deux derniers devant être transformés en dragueurs de mines.

L'AU REVOIR sera t-il transformé ?

 

 

 

 



Le 9 Septembre 1914, l'Au Revoir est inscrit sur la liste des bâtiments de guerre français. Il est réquisitionné pour servir de bâtiment central aux sous-marins de la deuxième escadrille de La Manche.

Le commandant Lemercier, responsable de cette escadrille, découvre à bord des documents qui démontrent de façon certaine que le propriétaire du navire est la Hambourg América Line. Le navire est dès lors confisqué.

Une enquête est ouverte, celle-ci met rapidement en évidence les manoeuvres frauduleuses de Monsieur Hattemer qui est condamné, tandis que l'acte de francisation est annulé, car le navire allemand a arboré un pavillon français "obtenu par fraude".

Le 3 Décembre 1915, l'état-major demande à la direction des services travaux d'étudier le projet de transformation du navire en transport d'avions. Ce projet n'aboutira pas et sera rapidement abandonné.

Le 27 décembre 1915 ce même état-major ordonne l'installation de deux canons de 47 mm, munis de fourches spéciales pour le tir contre les aéroplanes. En même temps, l'Au Revoir reçoit ses installations pour effectuer des dragages. 

 

 

DRAGUEUR DE MINES

 

Une nouvelle carrière commence alors pour lui, militaire cette fois...    

 

 

 

 

 

Le 26 février 1916, l'Au Revoir opère à 9 milles dans le nord-ouest du Cap de la Hève lorsque le veilleur repère le périscope d'un sous-marin, à environ 4 ou 5 quarts sur bâbord et à une distance de 600 à 700 mètres.

La machine marchant à 9 noeuds est poussée au maximum, la barre est mise à gauche toute et le dragueur fonce sur le sous-marin ennemi qui émerge suffisamment pour que son kiosque apparaisse.

Sous marin classe UB/Première guerre mondiale, Sister Ship de l'U.B. 18A ce moment, le premier maître pilote Rugani aperçoit avec effroi le sillage d'une torpille qui passera à 60 mètres sur l'arrière du dragueur. L'Au Revoir réplique aussitôt au canon de 47 !  Le premier coup frappe nettement le kiosque du sous-marin qui, devant le danger, disparaît alors que le dragueur tire un second coup de canon. Les recherches du submersible resteront vaines.


Le lendemain, 27 février 1916, l'Au Revoir revient draguer à 4,5 milles dans le nord-ouest du Cap de la Hève. Il fait route au sud 20°, machine à 8 noeuds. A bord, la tension est grande, la rencontre de la veille pouvait laisser supposer que la mission du sous-marin était de mouiller des mines. La mer est assez grosse ; une forte brise de suroît souffle. Soudain, le lieutenant de vaisseau Rivet reconnaît nettement le bruit d'une chasse d'air et aperçoit simultanément le sillage d'une torpille presque réglée en surface qui se dirige droit vers l'arrière du dragueur. Sur la passerelle c'est la surprise ! Le commandant, les yeux rivés sur cette partie de l'horizon, n'avait rien remarqué de suspect. Il ordonne dans une manoeuvre désespérée "en route toute, barre à droite".

Il est trop tard... Toute la charge de la torpille explose à dix mètres de la poupe, tuant sur le coup le quartier maître mécanicien Mazenc au repos à l'arrière. L'explosion projette à la mer le quartier maître de manoeuvre Delahaye et le chauffeur auxiliaire Le Prêtre. Il est exactement 14 h 13, le dragueur accuse aussitôt une gîte de 7 à 8° par l'arrière. Le gouvernail avant est hors d'eau, celui ne l'arrière ne fonctionne plus. Dans ces conditions, il est impossible de tenter le sauvetage des hommes à la mer.

Le navire maintient son cap vers la terre et tire des coups de canons pour attirer l'attention. La T.S.F. est momentanément hors d'usage. Une réparation aussi sommaire que rapide permet de lancer un appel : "Venons d'être torpillé". Les bâtiments présents sur zone se portent au secours de l'Au Revoir.

L'Abeille 11 arrivée sur place "passe des remorques" et tracte le navire touché vers la terre, tandis qu'un torpilleur qui croisait alentour recherche d'éventuels survivants, en vain !  

 

 RESCAPES, VICTIMES et ÉPILOGUE

 

Malgré les moyens de pompage mis en oeuvre, l'eau monte rapidement... A 16 h 55, l'ordre est donné à l'Abeille 11 de larguer les remorques et de recueillir l'équipage.

A 17 h 10, l'équipage quitte le navire sans précipitation, son capitaine restant le dernier à bord. A 17 h 25, l'Au Revoir s'enfonce brusquement  dans les flots, coulé par treize mètres de fond, à 2500 mètres de la côte, dans le nord du phare de La Hève. Seuls ses mâts émergent encore. Une bouée est mouillée sur le site.

Dans les jours qui suivent, un scaphandrier plonge sur le malheureux navire afin de procéder à un examen de l'épave. Objectif : renflouer le matériel militaire. C'est ainsi que les deux canons de 47 mm, la T.S.F. et les antennes sont récupérés sur le bâtiment qui repose désormais couché dans sa souille.

Le scaphandrier descendu sur le site juge qu'un renflouement est possible.

Silhouette de l'AU REVOIR

Le 24 mars 1916, le Vice-amiral Biard, commandant la place du Havre, se voit alors confier la direction des travaux de renflouement.

Les travaux sont commandités à l'entreprise qui a procédé avec succès au renflouement du Dinorah et de l'Amiral Ganteaume. Ce renflouement ne concrétisera pas ! Aucune société n'est disponible pour cette opération. De plus, le navire a coulé trop près de la côte, l'épave sera désormais exposée au mauvais temps et se dégradera très vite.

Ironie du sort, les formalités du Conseil des Prises, qui devait entériner la confiscation du navire, n’étaient pas terminées que l'Au Revoir était déjà une épave !

Le lieutenant de vaisseau Rivet, commandant l'Au Revoir, sera cité à l'ordre de l'Armée pour "avoir fait preuve des plus belles qualités de sang froid et d'énergie et pour avoir fait tout ce qui était humainement possible pour sauver son bâtiment".

 

 

 

 

Juin 1995, je m'apprête à m'immerger sur la zone connue sous le nom d'OTAN, à une endroit décrit dans le fichier du SHOM signalant un chalutier d'environ 60 m et d'une hauteur d'environ 6 m.

Très vite, je constate que quelque chose ne colle pas. Je suis intrigué... C'est trop gros pour être un chalutier !

L'AU REVOIR croqué par Michel TORCHE du G.R.I.E.M.E.

La plongée commence.

Pour une fois, la visibilité n'est pas mauvaise dans ce secteur, environ quatre mètres. Je suis maintenant arrivé sur l'épave. Je suis en palmage de sustentation, en arrêt sur un pont et sur des restes de superstructures quand soudain quelque chose se dresse devant moi. C'est très haut et ça ressemble à une roue à aubes. Je traverse le navire dans sa largeur, une seconde roue est elle aussi en place. Elles mesurent prés de 5 m de diamètre.

L'épave est recouverte d'une grosse pellicule de vase molle, très volatile, que le moindre coup de palme met en suspension, rendant la visibilité nulle. Cette première plongée sur l'Au Revoir me comble de satisfaction car c'est la première fois que je vois un bateau avec roues à aubes au fond de la mer. Depuis, je me suis pris de passion pour ce bateau. Plusieurs plongées sur ce site mais jamais je n'y ai retrouvé la même visibilité. Parfois même mon immersion consistait en un simple aller-retour, dans une eau noire très chargée en particules avec une visibilité zéro.

Même si cette épave ne se dévoile jamais dans sa totalité, j'ai néanmoins une vision assez nette de ce qui reste de l'Au Revoir. Un ensemble très envasé à cause de la proximité du dépôt de dragage. Cassée en deux morceaux, la proue est détachée du reste de l'épave et repose dressée vers le ciel, légèrement inclinée sur tribord. Il est souvent difficile de la trouver sans se perdre.

La seconde partie de l'épave correspond à la machine : roues à aubes et superstructures qui ont pratiquement disparu. Ils ne reste plus rien de la poupe.

Plonger sur l'Au Revoir n'est pas des plus agréable, même si la profondeur est peu importante. L'épave est trop proche de la côte et surtout à proximité d'une zone de rejets de dragage. Qui plus est, il n'est pas rare de voir des filets de type trémail mouillés non loin de l'épave.

L'épaisseur de vase et très importante et la visibilité souvent très mauvaise. Il vaut mieux réserver cette exploration à des amateurs sachant parfaitement se stabiliser et plonger par palanquée deux ou trois maximum.


Franck Pineranda