NEWHAVEN

Le Navire
Début de Carrière
L'échouage
Reprise et fin de carrière
Sources

  • Nom : Newhaven

  • Type : Paquebot transmanche

  • Nationalité : Française

  • Construction : Forges et Chantiers de la Méditerranée à Graville (Le Havre)

  • Date de Lancement : 19 décembre 1910 (Mise en service 3 juin 1911)

  • Propriétaire : Société des Chemins de Fer de l’Etat (SCFE)

  • Port d'attaches : Dieppe

  • Dimensions : Long. 89m larg. 10,52m creux 6,73m

  • Tonnage : 1656 tx Brut (497 tx net)

  • Motorisation : 3 turbines Parsons (8400 ch) / 3 hélices (alimentées par 8 chaudières)

  • Vitesse : 23,85 nœuds maxi aux essais

  • Capacité : 1000 passagers

  • Echouage :  5 août 1924

  • Fin de carrière : Démoli à Gand (Belgique) en novembre 1948

Le Gallia Ex Chateau-Yquem/Sister ship du Château-Margaux - Collection Marius Bar que nous remercions Le Paquebot Malle NEWHAVEN

 

 
 
 
Publicité des Chemins de Fer de l'Etat Paris Londres(Annexe 2a) Publicité des Chemins de Fer de l'Etat Paris Londres(Annexe 2b)

Le paquebot malle débute ses liaisons entre Dieppe et Newhaven au début de l’été 1911. Il est particulièrement apprécié pour sa rapidité due à ses turbines.

 

Pub des Chemins de Fer de 'Etat et de Brighton (annexe 3b) Pub des Chemins de Fer de 'Etat et de Brighton (annexe 3a)
 
 
 

 

 
 
 
 Le navire hôpital Newhaven durant la Première Guerre mondiale (annexe 4a)

Quand éclate la Première Guerre mondiale, le Newhaven est réquisitionné à Dieppe en août 1914 pour devenir un transport de troupes, Il passe ensuite sous pavillon britannique en mai 1915 pour devenir navire hôpital (environ 170 lits). Dans la ville de Dieppe (comme à Rouen) ont été aménagés de nombreux hôpitaux vers lesquels convergent les blessés alliés du front de Somme. Le Newhaven comme plusieurs autres sister-ships rapatrient ainsi les blessés alliés transportables vers l’Angleterre. Le paquebot passera durant le conflit au travers des menaces sous-marines qui hantent la Manche.

 Le paquebot Newhaven devenu navire hôpital en 1915 entre Dieppe et Newhaven (annexe 4b)
 
 
 Le Newhaven reprend sa ligne commerciale à partir de 1919  (annexe 5)

En 1919, Le Newhaven est rendu à sa compagnie d’armement et reprend son pavillon français. Après sa remise en état, il entame à nouveau ses liaisons transmanche entre Dieppe et Newhaven jusqu’à son spectaculaire échouage en 1924.

 

 

Le climat de la Manche connaît parfois des caprices qui peuvent jouer des tours aux bateaux les plus imposants. C’est ainsi qu’en plein été, dans la nuit du 4 au 5 août 1924, le grand steamer Newhaven se retrouve pris dans un brouillard digne du meilleur novembre. Le concierge d’un habitant de Berneval entend bien un bruit anormal vers les deux heures du matin. Il se lève et de sa maison nichée sur les hauteurs de la falaise il scrute la nuit épaisse mais la forte brume ne lui permet de distinguer qu’une faible lueur en contrebas des falaises. Pourtant, au petit matin, des allées et venues inhabituelles font se précipiter vers la plage les habitants de Berneval. Le spectacle qui leur est offert est stupéfiant. Le grand steamer Newhaven, long de 92 mètres, semble littéralement encastré dans la grève à deux pas de la falaise!

 
 
 
 
 
 

Les causes de l’échouage :


Le Newhaven s’apprête à arriver de nuit à Dieppe. La mer et le temps sont calmes, tout semble figé sous une épaisse brume. Pourtant, sur la passerelle du navire, le capitaine Rondeau ne fait pas encore baisser l’allure de près de 18 nœuds malgré les mauvaises conditions de visibilité et imminence de l’arrivée. Peut-être faut-il y voir dans cette allure à risque pour ces conditions, le comportement d’un capitaine vexé... Il vient en effet d’endosser un affront en recevant un blâme pour retard lors d’une précédente traversée.
Le capitaine expliquera tout d’abord qu’en voyant le blanc de la falaise, il a cru à un nuage de brouillard.
En fait, cette grossière erreur de navigation trouve son origine dans une avarie de la turbine centrale. Pour compenser la perte de vitesse qui en résulte, la rotation des hélices latérales est augmentée, or les calculs sont erronés et le bateau avance plus vite que prévu. Quand l’heure théorique de ralentir et chercher les feux du port de Dieppe arrive, le bateau est déjà sur la côte.

 Au petit matin, les badauds découvre une vision spectaculaire, le Newhaven encastré dans la falaise (annexe 6)
 Le lieu de l'échouage (annexe 7)
 

 La mer est haute et les vaguelettes se cassent sur le mince cordon de galets et gros blocs crayeux, elles lèchent presque à cet endroit le pied des hautes falaises du pays de Caux.
En pleine nuit, à 600 mètres à l’est de Berneval, soit près de 10 kilomètres de Dieppe, le Newhaven surgit du brouillard à pleine vitesse, monte sur le cordon littoral et termine de casser son erre en faussant sa proue contre la falaise.

 

Cette importante dérive à l’est a été générée par la marée montante et peut-être un léger manque de synchronisation entre les deux turbines latérales. Dans le brouillard, à cette date, il n’est pas encore simple d’estimer sa position, mais la vitesse maintenue dans de telles conditions si proche de la destination reste difficilement compréhensible. Le choc violent entraîne des chutes à bord, deux dames et trois marins sont blessés, ce qui est peut pour un arrêt si brutal.
A l’aube, les secours, prévenus par le TSF du bord, s’organisent très vite de Dieppe. Le remorqueur Duquesne, avec à son bord le commandant de la flotte Dieppe Newhaven, se dépêche vers Berneval. Les chalutiers Yvonne, Gaston et Barbue se détournent vers le Newhaven, mais avec la marée descendante, il est déjà trop tard pour organiser des secours par mer car le steamer se trouve déjà à sec sur la grève.
Dans le même temps, le chef des gares de Dieppe envoie sur le champ six autocars pour rapatrier les voyageurs sur Dieppe. Les deux femmes blessées sont descendues du bateau à l’aide de palans puis évacuées vers l’hôpital de Dieppe, non sans avoir être remontées à dos d’homme par la difficile valleuse se trouvant à cet endroit à l’époque. Quant aux autres passagers, ils commencent à partir de 7 heures du matin à gagner Berneval par le littoral, le paquebot étant complètement à sec à ce moment. Les choses sont rondement menées puisque 137 voyageurs peuvent prendre le train de Paris à 9h15. Donc, sur le plan humain, rien de grave à déplorer, mais pour le renflouement du bateau, la chose semble va être finalement bien plus ardue.

Une opération plus difficile qu’il n’y parait :

Pour le renflouement du Newhaven à la prochaine marée haute, la compagnie sollicite l’arrivée d’un puissant remorqueur du Havre, l’Abeille XI. Entre temps, le canot de sauvetage de Dieppe, le Sauveur, se charge d’amener des câbles du paquebot échoué vers les bateaux participants à la tentative. Quand l’eau est jugée suffisamment haute, le puissant remorqueur Duquesne, l’Abeille XI et le cargo transmanche Bordeaux de la Compagnie des Chemins de Fer tractent simultanément les câbles pour sortir le Newhaven de cette position fâcheuse. Vers 13h, un premier câble se rompt sous les effets d’une mer assez formée qui bat la poupe du navire échoué. Certes, on sent que le paquebot bouge un peu mais au prix de tensions extrêmes et très vite un deuxième câble se rompt suivi du troisième. Il est manifeste que sortir le paquenot n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. Des renforts urgents s’avèrent nécessaires si on veut sauver le navire…
Durant la marée haute de milieu de nuit, le Newhaven jusqu’ici perpendiculaire à la falaise vient se ranger presque parallèlement à la falaise avec l’action de la houle et du courant.

 
 
 Le Newhaven au sec, la curiosité à ne pas manquer en août 1924 (annexe 8)
 Le navire échoué devient la sortie dominicale (annexe 9)
 Le Newhaven au matin du 6 après avoir percuté la falaise de Berneval (annexe 10)

Dès le lendemain matin, on commence à délester le bateau de tout ce qui est possible pour alléger la poupe. Cependant, le paquebot a souffert durant la nuit, l’arrière en particulier a fortement talonné. Les coutures des tôles se distendent maintenant au point qu’une voie d’eau remplit la salle des machines de 40 cm à chaque marée. La voie d’eau est étanchée et des motopompes sont amenées sur place.
Les Abeilles IV et V du Havre appelées à la rescousse rejoignent l’Abeille XI. A celles-ci se joignent le bateau-pompe Marie-Madeleine, le remorqueur Romulus et un bateau pilote. Ils se mettent au travail avec la marée haute du début d’après-midi. Les navires commencent une série de tractions par à-coups simultanés. Une foule considérable suit les opérations du haut des falaises, mais là encore, rien n’y fait. Cette technique pour arracher le Newhaven du platier de marne ne le fait pas bouger d’un pouce. Seul un remorqueur reste sur place en traction pour éviter qu’il ne se rapproche à nouveau de la falaise aux prochaines marées hautes. Les autres regagnent le Havre et on étudie un nouveau plan pour robustifier l’opération.
Il est évident qu’il n’y a pas assez d’eau et il est proposé, pour reprendre les tentatives, d’attendre le 13 août, date à partir de laquelle les coefficients de marées seront plus forts.
A partir du 7 août donc, les services techniques des Chemins de Fer entreprennent de démonter le safran, les hélices et même de tronçons de lignes d’arbres. D’autre part, on installe des flotteurs à certains endroits sous la coque. Enfin, une équipe de 22 terrassiers creusent à la pioche, car aucun engin ne peut être amené sur place, une tranchée qui facilitera de dégagement de la proue.

 La proue fausséee du Newhaven (annexe 11)
 
 
 

 Le plan de déséchouage du Newhaven (annexe 12)

Les responsables sauvetage de la compagnie des Abeilles échafaudent une solution d’accastillage complexe nécessitant de grosses ancres au large sur lesquelles les remorqueurs s’appuieront et par un système de treuils et poulies, pourront démultiplier leur puissance de traction.
Durant la semaine, la vision spectaculaire et surréaliste du paquebot à sec au pied de la falaise attire nombre du curieux de la région. Chacun désire se faire prendre en photo devant la situation insolite du steamer. Des commerçants avisés en auraient profité pour augmenter le prix de leurs prestations, des grincements de dents s’en suivirent.
Le 13 août vers 07h, le Marie-Madeleine et les Abeilles III, V, X, XI arrivent sur les lieux. A 09h30 chaque navire s’est positionné et à 10h, la traction peut commencer à pleine puissance conjuguée avec l’effet de la houle. L’arrière du Newhaven bouge légèrement. A 11h15, les remorqueurs sont contraints de larguer leur remorque car ils n’ont presque plus d’eau sous la quille. Ce faible déplacement a fait rouler durement le paquebot sur tribord. L’ancrage des différents accastillages est revu à marée basse. Durant la nuit, 2 remorqueurs restent en traction pour éviter tout retour du Newhaven vers la falaise.

 
 
 Le Newhaven va t'il être tiré de cette mauvaise posture le 6 août 1924... (annexe 13)
 Le Newhaven rangé de tout son long au pied des falaises (annexe 14)
 Le Newhaven s’est incliné un peu sur tribord (annexe 15)
 
 
 
 

 Le Newhaven bouge enfin

Le 14 août à 10h30, nouvelle tentative et cette fois, l'arrière du Newhaven commence à flotter mais l'avant reste déjaugé de 1,20 mètre. Le navire fatigue, et sous la force de la houle et du courant, son arrière remonte à la côte de plus de trois mètres, ce qui inquiète fortement les ingénieurs des Chemins de Fer de l'État. Il faut persévérer, les Abeilles se repositionnent et donnent leur puissance. Le Newhaven se déplace alors peu à peu vers le large puis s'arrête à 30° de sa position initiale. Lors du nouvel essai le lendemain, il est 11h15 et l'arrière du paquebot flotte avec 33 cm d'eau sous la quille, mais l'avant reste toujours déjaugé de 90cm.

Ordre est donné au Abeilles de redonner le maximum de puissance par à-coups synchronisés. Au même moment, l'avant du Newhaven quitte la falaise en descendant par tractions successives, pour trouver la hauteur d'eau nécessaire à sa flottabilité : le navire est sauvé. Après un parcours d'environ 150 mètres, on fait stopper les remorqueurs, couper au chalumeau les arrimages d’accastillages pour les laisser filer au fond.

Plus au large, l’Abeille III envoie sa remorque sur l'avant du Newhaven, et le paquebot est alors dirigé sur Dieppe. A 12h30, le paquebot est amarré au quai Henri IV en présence d'une foule énorme. Il ne restera plus qu'à songer aux réparations de Newhaven mais aussi des différents petits dégâts des navires intervenus sur l’opération (talonnement, élingue dans l’hélice, abordage…)

 Le Newhaven reprend sa ligne commerciale à partir de 1919  (annexe 5)
 

 Le Newhaven sera conduit ensuite sur le grill de carénage, puis rapidement réparé. C’est un navire solide, encore peu altéré par ses 13 ans de service et les dégâts de cet incident restent mineurs.
Il reprend deux mois plus tard son service sans difficultés et l'assurera pendant de nombreuses années.

 
 
 
 

 

 

 
 
 
 Le Newhaven a quai avant 1932 (annexe 22)

L'entrée au port de Dieppe (annexe 21)

Entre deux guerres, l’activité du port de Dieppe est rythmée par les liaisons des navires transmanche. A noter que le Newhaven et son jumeau, le Rouen abandonneront le charbon en novembre 1932 et les foyers de leurs chaudières seront modifiés pour être alimentés au mazout. Les deux cheminées seront alors transformées en une seule.
A partir du 12 avril 1940, le Newhaven arrête ses traversées commerciales et est maintenu à Rotterdam pour l’éventuelle évacuation de ressortissants français.

Le Newhaven après sa transformation de chaufferie passe à une seule cheminée (annexe 23)
 
 
 
 

La réquisition puis la saisie par la Kriegsmarine :

Le 8 mai 1940, l’Amirauté française réquisitionne le Newhaven. Le 30 mai, il est envoyé avec ses deux jumeaux, le Rouen et le Versailles à Dunkerque pour participer à l’évacuation de la poche. Le 12 juin, le paquebot fait partie des navires évacuant le Havre mais il sera rattrapé et saisi par les Allemands à Bayonne avec le Versailles en juillet.
D’abord prévu comme mouilleur de mines en Manche (comme son jumeau le Versailles), le 1e août, il est finalement aménagé en transport de troupes et rebaptisé Skorpion. A la fin de l’année 1940, Il devient navire de tête de patrouille V 1601. Il est armé pour cela de 5 canons de 75mm et 2 canons de 20mm. On le retrouve en décembre 1942 sous l’immatriculation DWo 42 affecté à la protection côtière de l’ouest de la Baltique.

 
 
 
 Le Skorpion en 1941 (ex Newhaven) (annexe 24)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 (annexe 25)
 (annexe 26)
 (annexe 27)
 
 
 
 

En Mars 1943, il est décidé d’en faire un navire de commandement d’un groupe de chasse de nuit, on prévoit pour cela de moderniser et renforcer son artillerie : 2 canons de 88mm, 1 canon double de 37mm, 7 canons de 20mm, 4 mitrailleuses de 13,2mm et 5 MG34. Finalement sa forte consommation d’huile n’est pas jugée compatible pour la fonction de chasse.

 
 
 
Le V 1601 Skorpion (annexe 28)
 
 
 
 
 
 
En octobre 1943, il regagne comme Vs 111 la première flottille de sécurité de l’ouest de la Baltique. Désaffecté, il termine amarré à Kiel, servant de cantonnement.
En mai 1945, toujours à son amarrage, l’ex Newhaven est trouvé en piteux état. Le 12 octobre, il arrive à Dieppe et y est désarmé. La remise en état du Newhaven et du Rouen pour redevenir des paquebots transmanche s’avère être trop onéreuse. Ils sont mis en dépôt au Tréport.
Début 1948, le Newhaven quitte le Tréport pour un démolisseur de Gand en Belgique ou il a été vendu. Le Rouen pourrira à quai pour être finalement démoli au Tréport en 1950.
 
 
 
 Le Rouen a quai au Tréport peu avant sa démolition (annexe 29)