ROSALIE MOLLER
- Nom : Rosalie Moller
- Type : Cargo
- Nationalité : Britannique
- Construction : Glasgow par Barclay Curle et Compagnie
- Propriétaire : Compagnie Moller
- Dimensions : Longueur : 108.2 m, Largeur 16 m, Tirant d'eau 8 m, Hauteur 21 m
- Tonnage : 3,960 tonnes
- Motorisation : moteurs à triple expansion
- Vitesse : 10 noeuds
- Armement : Non Renseigné
- Naufrage : 8 octobre 1941 (attaque aérienne)
- Coordonnées géodésiques : Non Renseigné
(Dessin Yvon CHARTIER - GRIEME)
ROSALIE MOLLER - MER ROUGE (EGYPTE)
Il reste encore quelques épaves peu connues en Mer Rouge et parmi les plus récentes découvertes il convient de citer le ROSALIE MOLLER.
Retrouvé il y a quelques années, le 26 novembre 1999, cet imposant navire mérite largement que le GRIEME y consacre une fiche épave. Plusieurs sites web traitent également du ROSALIE, nous vous renvoyons donc en fin de page pour "naviguer" sur des liens intéressants à visiter.
Nous remercions également Gérard BESSE, Léa et Vincent du Centre de plongée DUNE de SAFAGA pour nous avoir levé le voile qui recouvrait le ROSALIE MOLLER. Un grand merci également à SANDRINE KOLAU pour sa collaboration. Enfin une mention spéciale à Alain GAMBIEZ pour ses magnifiques photos de l'épave. (Le GRIEME te salue et te remercie).
L'intérêt et l'amour porté aux épaves transforment parfois un individu au point de voir naître une véritable obsession dans la localisation d'un navire englouti par la mer. Cet acharnement fini par tisser une sorte d'intimité entre l'homme et le métal et parvient à transformer cette quête en un contact passionnel. Quel plongeur ne nourrit pas des égards plus importants pour une épave plus qu'une autre ? Il est curieux de constater ou d'entendre l'homme parler de son épave, de "sa ROSALIE" comme de sa petite préférée, sorte d'être vivant. Et si même la modestie ou la pudeur retient parfois des propos affectifs évidents, bon nombre de plongeurs sur épaves manifestent une d'attirance, une préférence, une affection, des sentiments envers ces vieilles carcasses.
ROSALIE MOLLER n'échappe pas à cette règle. C'est pourquoi cette fiche épave s'attachera moins à présenter des données techniques qu'à évoquer des impressions, des ressentis, des émotions. Pour sa part, le GRIEME vous apportera peut-être cet aspect un peu secret qui sommeille dans le cœur de certains plongeurs. Nous ne résisterons pas non plus à vous offrir un petit plus... à savoir le croquis du ROSALIE MOLLER réalisé par l'un de nos dessinateurs maison.
A découvrir sans modération A propos du ROSALIE MOLLER
Année de construction 1910 Lieu de construction Glasgow Construction pour Booth Steamship Company de Liverpool Nationalité Britannique Nom de baptème Le Francis Longueur entre 105 et 140 mètres (selon sources) Largeur 16 m Tirant d'eau 8 m Hauteur 21 m Tonnage 3963 tonnes Vitesse 14 noeuds Date naufrage Dans la nuit du 7 au 8 octobre 1941 Conditions du naufrage Attaque aérienne allemande Heinkel 111 Lieu du naufrage Egypte - Détroit de Gubal Victimes 2 morts sur un équipage d'environ 30 personnes
Ce navire, initialement appelé Francis, fut construit à Glasgow par Barclay Curle et Compagnie. Il navigua à partir de janvier 1910. De dimensions imposantes (108,2 m de long et 3,960 tonnes), il possédait alors des moteurs à triple expansion qui lui permettaient d’atteindre une vitesse de croisière de 10 nœuds.
En mars 1931, le bateau est revendu à la compagnie Moller. Il est alors baptisé Rosalie Moller. Il avait alors sillonné les eaux territoriales britanniques et européennes. La compagnie Moller l’envoya en Chine pour effectuer la liaison maritime entre Shanghai et Tsingtao. Dès la fin des années trente, la tension internationale se fit plus marquée. Les armateurs cherchaient à consolider leur situation financière. Comme tous les autres propriétaires des compagnies effectuant du fret, ceux qui détenaient la compagnie Moller, étaient très conscients qu’en cas de conflit, leurs bateaux seraient réquisitionnés. A savoir : les pertes ou dommages causés par la guerre aux usagers sont toujours exclus des garanties des polices d’assurances. Deux solutions s’offraient donc aux armateurs : - Soit ils rapatriaient leurs navires et les mettaient à la disposition de leur pays. Ils risquaient alors la ruine financière en perdant leurs bâtiments. - Soit ils les laissaient hors d’atteinte dans des pays étrangers. Ils effectuaient alors des liaisons maritimes dans ces pays.
L’armateur de la Rosalie Moller choisit la première option. En 1940, ce navire servait dans une base arrière, à Liverpool. Le capitaine James Byrne en était le commandant de bord. Cet impétueux australien apparaissait comme un marin confirmé et expérimenté. Rosalie Moller n’était alors plus qu’un vieux navire. Pour l’anecdote, le chef mécano passait sa vie dans la salle des machines afin de pousser au maximum des moteurs bien poussifs. Malgré ses louables efforts, notre navire atteignait péniblement la vitesse de 7 nœuds. Mais il rendait encore de bons et loyaux services en transportant 4,5 tonnes de charbon gallois dans différents ports. Pour ravitailler la Marine Royale anglaise.
En effet, la marine britannique avait découvert et apprécié les qualités du charbon de Pays de Galles quelques années auparavant. Celui-ci avait la réputation de bien brûler et de n’occasionner que peu de fumée. Ce charbon était donc devenu une manne pour un pays en guerre. Ces propriétés conféraient donc à la marine Britannique un avantage certain. Elle pouvait découvrir l’ennemi avant même d’être découverte elle-même, décelée par de volutes de fumée.
Notre capitaine James Byrne était donc un habitué des ports de Rosyth à Portsmouth. C’était une figure, surtout lorsqu’il se tenait à la barre du Rosalie Moller, avec sa grande pipe en bois qu’il tenait fermement serré entre ses dents. Régulièrement, il chargeait sa cargaison à Cardiff. Ce commandant de bord apparaissait comme étant un homme dur mais juste. L’équipage souffrait de cette rudesse mais n’aurait pour rien au monde préféré être sous le commandement de quelqu’un d’autre.
La Marine Royale était aussi établie à Gibraltar et Alexandrie. Elle eut donc besoin de ravitaillement en tout genre, combustible et équipements divers. Les forces de l’Axe occupaient le littoral nord de la Méditerranée. Malte était alors assiégée régulièrement. Les navires de guerre arrivaient encore à passer les lignes ennemies. En revanche, les navires marchands étaient souvent bloqués par les attaques aériennes et sous-marines.
En juillet 1941, les moteurs de Rosalie furent révisés de façon particulièrement minutieuse. Il lui fut alors assigné une mission qui s’avéra être la dernière. Le navire effectua un chargement de 4.680 tonnes de charbon gallois pour se rendre à Alexandrie. La Méditerranée étant sous haute surveillance, il fallait contourner l’Afrique par le sud pour rejoindre Alexandrie. Il s’agissait alors de la seule route possible à ce moment-là.
Ce voyage était long mais ne présentait pas de difficultés insurmontables. Rosalie Moller largua donc ses amarres à Durban. La navigation eut lieu à l’aide des voiles, le long de la côte est de l’Afrique. Il y eut une brève escale à Aden. Puis, Rosalie Moller pénétra en Mer Rouge par le détroit de Bab-el-Mandeb, la porte des larmes. Il atteignit le Golfe de Suez. En attendant de nouvelles instructions, le navire fut alors consigné à un mouillage sûr. Ordre fut donné par le commandant de bord de mouiller l’ancre tribord sur une bonne longueur d’environ 200 m. Le bateau dériva doucement dans le courant. Puis, il fit stopper les machines. Le commandant et ses hommes ne pouvaient donc plus qu’attendre. En effet, la traversée du canal de Suez était soumise à plusieurs conditions.
(Dessin Yvon CHARTIER - GRIEME)
Cela dépendait des attaques aériennes ennemies ; de l’ordre de priorité qui était accordée au chargement des navires ; de la longueur de la file d’attente des bateaux déjà en place. Malheureusement, à cette période, deux navires étaient entrés en collision dans le Golfe de Suez. Ils bloquèrent presque complètement la circulation à l’entrée du canal. Cela vous explique que le Thistlegorm et sa précieuse cargaison restèrent pendant environ deux semaines dans un mouillage sûr, avant la date fatidique du naufrage. Ces points d’ancrages étaient dits «sûrs» car aucun avion ni bateau ennemi ne s’aventuraient aussi loin au sud de Suez. Mais, c’était sans compter sur la diligence des services secrets allemands. En effet, ceux-ci apprirent incidemment qu’un transporteur de troupes, certainement le navire Reine-Marie, devait transiter par le canal de Suez. Et ce bateau convoyait 1200 troupes de la Marine Britannique pour renforcer les positions alliées en Afrique du Nord. Une aubaine !
Le 26 ème escadron du Kamp Geswader, basé en Crète, fut donc alerté de la présence de ce grand navire. Les avions Heinkel 111, ayant récemment résolu les problèmes inhérents aux vols de nuit, eurent la délicate mission de chercher et de détruire ce bâtiment. Le 5 octobre 1941, au cours de la nuit, les avions Heinkel traversèrent les régions désertiques de l’Egypte du nord puis se dirigèrent vers le sud-est du pays. Ils trouvèrent et coulèrent le Thistlegorm à 1 h 30, le 6 octobre 1941. Les munitions, transportées par le navire, explosèrent. Cela créa une luminosité soudaine, très importante. Celle-ci permit aux pilotes des avions de découvrirent bon nombre de navires au mouillage. Le 7 octobre 1941, 48 h après le naufrage du Thistlegorm, le Capitaine Byrne et son équipage étaient encore béatement assoupis. A 22 h 58, les avions ennemis, ayant à nouveau traversé les territoires nord de l’Egypte, se dirigèrent directement vers le Rosalie Moller. Le Capitaine Byrne se réveilla en sursaut, avec le bruit des moteurs d’avion. Il dormait alors dans sa couchette, située sur le pont du bateau. Les avions attaquèrent en volant à basse altitude. Au moment où les avions larguèrent leurs bombes, il leva un poing vengeur vers eux, dans un ultime geste de défi !
Dans le journal de guerre figure la déclaration suivante : « le navire coula le 8 octobre 1941, à 01 h 40. Deux membres de l’équipage furent portés disparus ». Autre extrait de ce même journal de guerre. On apprend que l’Amirauté envoya le 10 octobre 1941 un message top secret à Washington au sujet de ce sauvetage. « … Deux bateaux furent coulés en mer Rouge, dans le golfe de Suez et le détroit de Gubal : le Thistlegorm et le Rosalie Moller… » A 2 jours d’intervalle, deux grands navires partirent par le fond, portant conjointement à 11 personnes le nombre de disparus.
Rosalie Moller sombra dans l’oubli. Après la guerre se déclara une période de pénurie de matières premières. De nombreuses épaves de bateaux furent alors renflouées dans le Golfe de Suez. Dans un souci de récupération des matières utilisables et recyclables. Certaines cargaisons présentaient des dangers de pollution ou un intérêt quelconque. Elles ont été alors soustraites à la mer. Il y eut quelques difficultés pour identifier les bateaux. Certains eurent une priorité dans l’ordre de renflouement. Cela était dû à l’importance de leur cargaison. En faisant corroborer les informations issues des carnets de fonctionnement des deux compagnies ayant possédé le Francis, dit Rosalie Moller, on s’aperçoit que notre navire est déclaré renfloué puis détruit dans la période de l’après-guerre ! Ce qui, bien sûr, n’en a rien été !
LE GRIEME PLONGE SUR LE ROSALIE MOLLER
8 mai 2001 - la première plongée : - 42 m / 26’ avec 5’ de palier (et un 12 litres, dommage de ne pas avoir mon 15 l). La première surprise sera de voir que les doubles mâts de charge ont été modifié par des simples. La transformation est visible sur le pont ou l’on voit très bien les embases des doubles mâts. Mais le plongeur X ne s’arrête pas à ces détails comme moi, ce qui prime dans cette plongée, c’est l’état général de l’épave. On descend sur le mât arrière dont le haut se trouve par – 20 m. On distingue sur ce mât une lanterne encore intacte. Puis on descend le long de la concrétion qui recouvre la structure pour arriver sur le pont avec de part et d’autre de ce mât, des cales immenses à ciel ouvert. La cargaison de charbon est réduite au fond de cale et ne nécessite pas pour une première plongée une visite attardée. Il y a trop de choses à voir. Par tribord, on distingue très bien le trou de l’impact cause du naufrage. Il est relativement discret et c’est en suivant la fissure sur l’extérieur de l’épave que l’on arrive au safran et à l’hélice. Détail, une pale est cassée ! Me positionnant sur celle restant perpendiculaire au fond, j’en déduit la taille : environ 4 m de diamètre. Pas mal ! Mais il est temps de remonter quelque peu sur le pont, car si l’on reste à cette profondeur, - 42 m, la plongée sera courte. Je prends alors la direction de la poupe et en arrivant sur le pont, à la hauteur des renvois de la barre arrière, surprise, la barre de pont n’est plus là. Il ne reste que le secteur et le moyeu. Quelqu’un est passé par là… Peu importe, la visite continue, quelques cabines à l’arrière sur le pont principal, j’y jette un œil, mais rien de particulier, elles sont vides. Puis j’arrive au devant du mât, sur une deuxième cale, aussi grande que la première et aussi vide. Ensuite en partie centrale, des roofs à ouverture par trappe de 3 hublots : il doit s’agir de l’aération de la machinerie, mais comme la consigne est de ne pas pénétrer l’épave, je respecte. Me voici maintenant à la hauteur de la troisième cale, qui elle est couverte. Quelques trappes sont cassées, mais on se croirait, malgré tout à quai, quelque part en Afrique, pourquoi pas ALEXANDRIE…. J’arrive enfin à la partie centrale du bateau, en point haut, un ballon de réserve d’eau (je suppose) et oh surprise, plus de cheminée. Elle est tombée sur le pont, en travers de la cale avant, écrasant sur son passage la capitainerie. Mais le M de Moller est bien visible, et le doute n’est plus permis. Dommage pour le château central en partie dévasté par cette chute. Les différentes ouvertures sur la capitainerie me permettent de voir que pas mal de chose ne sont plus. Le pied du télégraphe est bien centré dans le poste de commandement, mais plus rien n’y figure… Pour le détail, on verra à la deuxième plongée. Ma bouteille descend vite, il ne me reste plus que 100 bars, et je suis bien à 70 m du mouillage. Alors je remonte quelque peu pour survoler la dernière cale et apercevoir le mât avant. Trois roofs apparaissent sur le pont avant. L’un d’entre eux éclaté par la corrosion me permet de voir un accès vers les cales, mais je n’irai pas plus loin, il est temps de revenir. Je survole alors l’épave une dizaine de mètres au dessus de cette dernière pour aller faire mes paliers. Ce sont les dauphins qui finiront la plongée avec nous, un groupe de 5/6 tursiops qui resteront 5 bonnes minutes au palier avec nous.
8 mai 2001 - deuxième plongée après 4 h de repos et de rêve : - 38 m / 30’ avec 10 ‘ de palier cette fois. Les 4 heures passées sur le bateau m’ont semblé longues, très longues. J’attendais cet instant avec impatience, et inutile de dire que comme ce matin, j’étais le premier du bateau à découvrir l’épave. Ayant bien vu l’arrière ce matin, je pique directement sur l’avant cette fois pour faire la ballade à l’opposé. Je descend sur la proue encore intacte, pour me poser à – 38 m sur l’ancre bâbord encore à poste. La tribord étant au sable quelques 10 m plus bas, il n’y pas d’intérêt pour moi à aller me saturer davantage… Je remonte donc sur le pont en laissant le mât de drapeau intact derrière moi. Les roofs aperçu ce matin sont bien des accès aux cales, celui du centre renfermant des câbles bouchant l’escalier. Mais comme la consigne n’a pas changé par rapport à ce matin, pas de risques inutiles. Je détaille donc le pont : de part et d’autre des cales, les lances à incendie sont à poste sur leurs dévidoirs, les bouches d’aérations à l’exception d’une sont toujours debout. Deux gros treuils pour la manœuvre des mâts sont situés de part et d’autre de chaque cales. J’en compterai 10 au total, plus les deux avant servant au relevage des ancres. Me voici de retour à la hauteur du château de capitainerie. L’envie de pénétrer est plus forte que moi. Alors, en veillant bien de ne rien accrocher sur mon passage, je traverse le poste de pilotage. Emouvant, malgré la casse et le plafond en partie écroulé, les objets de tous les jours sont là. J’observe, détaille, mais ne touche à rien. En sortant, il me semble entendre une voie, mais ce n’est que mon compagnon de palanquée qui grogne et me fait comprendre que le temps passe vite à cette deuxième immersion. Et puis il semble me dire d’un air narquois : « je croyais qu’il ne fallait pas pénétrer… n’est ce pas Yvon ! » Nous reprenons alors notre visite sur le pont. Je photographie les moindres détails pour retranscrire au mieux ce que j’aurais vue. Peu de choses traînent sur les ponts. Les rambardes sont intactes, seuls les toits des coursives ont disparus. Les gorgones fleurissent l’ensemble, et la faune est bien présente, mais je ne la vois pas, trop absorbé par cette épave… Je n’aurais pas eu le temps d’aller au mât de hune, mais René me le décrira parfaitement pour mon illustration. Il est temps de revenir au mouillage, car cette fois, les paliers sont de 10 minutes… Au revoir ROSALIE, je reviendrai… Yvon (GRIEME)
ROSALIE MOLLER... elle trouble et rassemble les hommes
Recherchée, convoitée, admirée, la ROSALIE MOLLER fait l’objet de toute l’attention des hommes. C’est une autre plongée que je vous propose de découvrir. Plongée dans le temps, non pas pour refaire l’histoire du bateau, cette dernière arrivera en son temps, mais tout simplement histoire de comprendre comment certains plongeurs (dont quelques uns au GRIEME) vibrent pour « ces carcasses ».
Ma plongée sur ce charbonnier commence tout simplement à l’énoncé d’un nom de bateau parmi tant d’autres : ROSALIE MOLLER. Ce nom ne me parle pas ! Je suis certes plus familier du DONATOR, du GREC et autres épaves de notre beau pays. La magie du GRIEME va faire le reste !
C’est dans un salon parisien consacré à la plongée que la chose prend forme. En compagnie d’Yvon, Hélène et Dominique, nous partons à l’assaut de l’exposition. Rasant l'un des nombreux stands du salon, mon regard tombe sur une très belle plaquette couleur sur laquelle est inscrit : « Une nouvelle épave vient d’être découverte dans le Nord de la Mer Rouge. Gérard BESSE (Directeur du Centre DUNE de SAFAGA)et une équipe de plongeurs racontent toute cette aventure.
La lecture du document est passionnante, mais me laisse sur ma faim et l’envie d’en savoir plus me pousse vers Yvon. Ce dernier ne se fait pas prier pour raconter ce qu’il sait. Il commence à décliner une belle histoire. Comment il en a entendu parlé de la ROSALIE lors de précédentes croisières en Mer Rouge ? Les propos d’un certain capitaine ! Son désir de plonger sur ce bateau ! Comment, lui-aussi, quelques années plus tôt, il avait envisagé de «monter» une expédition pour localiser cette épave à propos de laquelle il disposait de quelques bons indices ! L’homme fait partager sa passion et progressivement l’intérêt et la curiosité croissent.
Quelques mois passent et c’est en 2001 qu’une partie du GRIEME envisage de se rendre en Egypte afin de découvrir les épaves du Nord de la Mer Rouge mais aussi et surtout la ROSALIE MOLLER. Ce sera chose faîte en début mai grâce à LEA et VINCENT qui nous mèneront sur le site où gît l’épave par moins quarante mètres.
Le bateau est superbe… bien posé sur le fonds et admirablement conservé. La balade autour de la ROSALIE est magique et chargée d ‘émotion. Troublé par cette rencontre, je me souviens être passé allégrement sur la cheminée.... sans même remarquer le M de MOLLER qu'Hélène me montrait désespérément, mimant de son doigt un signe, mais pourquoi faisait-elle un W ? Décidément, cette épave fait tourner la tête ! Difficile de tour retracer, alors retrouvez ci-dessous l'itinéraire d'un plongeur gâté qui va vous livrer en détails les secrets du ROSALIE MOLLER dont il est aisé de comprendre la satisfaction et le plaisir que Sandrine, Gérard, Vincent (DUNE) décrivent quand ils évoquent ce bateau.
Quant à notre première immersion, elle s’achèvera par le contact avec 5 dauphins qui viendront nous accompagner au palier comme pour saluer notre rencontre avec la ROSALIE. Pendant plusieurs minutes ces ambassadeurs des profondeurs joueront avec nous en nous frôlant à grande vitesse… rajoutant ainsi l’intensité déjà ressenti pour cette première !
Passée la découverte fantastique de la première plongée, l'envie d'une seconde plongée dans la journée vous torture irrémédiablement. Vous savez l'épave là, sous vos pieds.... et piaffez d'impatience d'y retourner ! A tel point que le trouble s'installe quand arrive le moment de la seconde immersion. L'excitation est telle qu'Hélène et moi sautons à l'eau sans nous apercevoir qu'il nous manque du matériel. Dans l'euphorie d'une nouvelle rencontre, nous constatons vers les -15 m que nous avons oublié, tous les deux, nos ordinateurs ! Pas question de faire une seconde plongée de la sorte sans ces précieux instruments ! Décidément, cette ROSALIE MOLLER sait se faire désirer et exige la perfection.
Plusieurs plongées seront nécessaires pour découvrir tous les détails de la ROSALIE et gageons que ce bateau n’a pas fini de faire parler de lui…en Mer Rouge et ailleurs.
Pour sa part, le GRIEME a enfin mis une forme sur la ROSALIE dont nous avons tant parlé. Les croquis d’Yvon nous permettront de garder à jamais l’image de ce charbonnier en attendant de le revisiter dès que possible. Les impressions de plongées des 6 membres de notre groupe conforteront l'ébauche d'une vision générale de l'épave. Les recherches sur internet complèteront probablement notre connaissance de ce navire.
Une autre aventure passionnante, un puzzle qui se construit doucement et qui nous laisse reconstituer l’histoire de ce bateau qui commença sa vie sous le nom de FRANCIS. Pascal (GRIEME)
ITINERAIRE DETAILLE D'UN PLONGEUR GATE...
(Avec la collaboration de Dune - Gérard BESSE & Sandrine KOLAU) MOLLER)
Ce bateau est posé sur -50 m de fond, droit sur sa quille. Il se positionne dans l’axe nord (proue) et sud (poupe). Ses deux mâts remontent jusqu’à –17 m. Le pont se trouve à –35 m. Il semble fantomatique, prêt à appareiller pour une destination inconnue...
Curieusement, l’eau, ici, apparaît verte, un peu glauque. Vague ressemblance avec les conditions de mer en Bretagne !
Grande émotion avant de plonger. Ce bateau est tombé dans l’oubli pendant 50 ans. Il demeure inviolé et intact, tel que le capitaine Byrne l’a laissé… Rejoindre le bout du mouillage de votre bateau fixé, habituellement, sur le mât avant du Rosalie Moller. Ne perdez pas de temps dans la descente. Effectuez-la, le plus rapidement possible, selon votre tolérance et accoutumance à la profondeur. Vous rencontrerez souvent de la houle en surface et du courant dans les 15 premiers mètres. Parfois, courant en travers de l’épave, au fond.
Vous disposez d’environ 20 minutes de plongée, entre le moment où vous entamez votre descente et celui où vous décidez de remonter. Dès que le palier de 6 m s’affiche sur votre ordinateur, vous devez déjà être au pied du mât et du bon mât… celui où se trouve le mouillage prêt à entamer votre remontée.
Lorsque que vous arrivez sur le haut de la mature, à –17 m, constatez les incrustations de coquillages et les algues brunes la recouvrant. Celles-ci sont longues de 10 à 15 cm. Échelles de chaque côté. Ouverture ronde, large de 40 cm, au sommet du mât de vigie de 1 m de haut. Banc compact d’athérines englobant le haut des mâts. Quatre treuils et 3 enrouleurs au pied du mât. A voir à cet endroit : priacanthes et mérous marbrés. Aventurez-vous jusqu’à la pointe avant du navire pour un super point de vue. Ancre à poste dans l’écubier bâbord. Chaîne d’ancre sortie de l’écubier tribord. Celle-ci dégringole sur le sable, passe en travers devant l’étrave puis se perd dans le "Bleu". N’hésitez pas à vous imaginez sur le Titanic ! Pointe avant caractérisée par un trépied. Il s’agit du mât permettant d’installer les pavillons de positionnement du navire.
Chhhhhuttttt confidentiel : cigales de mer dans le puit de chaîne, selon les saisons. Puis, 4 doubles bittes d’amarrage. Ensuite treuil central. Trois parties des superstructures, semblables à des "algécos de chantier", disposés en I.
Effectuez la balade de la proue vers la poupe. Première cale longue de 4,5 m et large de 2,5 m. Peuplées par des holothuries en pleine crise de nerf ! Mât. Puis deuxième cale de 4,5 m de long et de 2,5 m de large. Doubles bittes d’amarrages de chaque côté. Arrivée aux restes du château .
(La superbe beauté de l'arrière de ROSALIE MOLLER)
Toute la balade s’effectue entre – 33 m et - 36 m, au-dessus des superstructures. Deux coursives de chaque côté. Plaques du toit empilées. Trous béants. Armatures métalliques créant une marelle géante ! Rencontre avec une faune pas très alerte. Ptéroïs et mérous marbrés nonchalants. Ensuite cale n° 3 à moitié obturée. Restes de la cheminée de 3 m de long et de 1,2 m de large, couchés sur la partie bâbord du pont. A voir : l’initiale M de Moller. A côté, tuyau de 1,5 m allongé. Une prise à air de 1,5 m de haut et de 0,8 cm de diamètre, plantée droite, au ras du sol. Embase de la cheminée déchiquetée, haute de 2 m et large de 1,3 m. Puis, bossoirs de chaque côté. A nouveau, passage au-dessus des superstructures avec un tonneau de 1,5 m de long et 1 m de large sur le toit. Celui-ci est effondré au milieu et au-dessus des coursives . Sorte de maison avec un toit pointu. Sur le pont, bittes de chaque côté. Puis, quatrième cale longue de 4,5 m et large de 2,5 m. Deux treuils. En règle générale, au niveau des treuils, crèchent des murènes (tatouées, s’il vous plait !) ; anémones rouges (très gaies !) habitées par des petits poissons clowns à l’intérieur. Devant vous se dresse le deuxième mât disparaissant presque au milieu de milliers de petits poissons argentés. Énormes carangues chassant dans ce banc de menu fretin. Elles font partie de la faune pélagique. D’autres prédateurs, tels les thons, les bonites, les barracudas, maraudent ici.
Sur tribord, partie complètement déchiquetée par l’impact de la bombe. La tôle semble arrachée comme si vous aviez ouvert une boîte de sardines ! Deux treuils tordus et vrillés. Dernière cale avant la poupe. Tuyau de prise d’air couché sur la cale. Échelle visible pour descendre à l’intérieur. Présence de charbon dans ces cales. Idéal pour allumer la "chicha" une fois de retour sur le bateau de plongée !
Troisième partie des superstructures. Bossoirs aux quatre coins sur le toit. Trous béants sur cette toiture avec des traverses servant d’armatures. Dès votre arrivée sur l’extrémité arrière de Rosalie Moller, admirez le gracieux arrondi de la poupe. Le bastingage a été conservé. Avancée en tubes. Gros treuil latéral. Trois bittes d’amarrage de chaque côté.
Au hasard de vos balades, rencontre fortuite avec 1 à 2 loches et 1 gros tétraodon d’environ 1 m de long. Attention, sur cette épave, oursins venimeux. A noter : une multitude de poissons ptéroïs répartis tous les 5 mètres, au ras du pont.
QUELQUES CONSEILS POUR PLONGEURS GATES...
Niveau Pour plongeurs confirmés seulement. A partir du niveau 3 et 4 et de l’Advanced Open Water détenteur de la spécialité plongée profonde.
Les bons tuyaux de mérou futé Attention à tous les problèmes rencontrés en plongée, lors de grandes profondeurs : essoufflement, narcose pour ceux qui ne sont pas habitués à plonger entre – 30 et –50 m.
Attention, l’accès à toute profondeur supérieure à 30 m demeure prohibée par la Fédération Egyptienne. Prenez aussi en compte la distance à laquelle se trouve le caisson le plus proche… Il est possible de parcourir la totalité de la longueur de l’épave puis de revenir à votre point de départ avec un palmage soutenu et sans vous arrêter.
Du courant vous paraît bien établi ? Palmez cool !
Soyez surtout sensible à l’ambiance particulière qui règne ici. La vie y est assez intense, à certaine période, avec de grosses carangues chassant dans les bancs d’athérines. Ceux qui ont connu l’épave au moment où elle a été (re)découverte sont formels : la faune s’y est ( malheureusement !) raréfiée. Méfiez-vous du courant lorsque vous êtes en surface. Dès votre mise à l’eau, n’hésitez pas à vous tenir le long de la ligne de vie, à savoir le bout équipé d’une bouée flottante installé au cul du bateau de croisière. Puis, déhalez-vous le long de la main courante. Il s’agit d’un bout tendu entre la proue et la poupe de votre bateau. Vous atteignez le bout de mouillage. Veillez à ne pas vous faire assommer par l’étrave de votre bateau de plongée lorsqu’il y a de la houle. Ne vous attardez pas en surface. Plus confortable : installez-vous à –6 m pour préparer les derniers ajustements nécessaires à votre descente. Même type de procédure à la remontée. Lorsqu’il y a du courant, ne restez pas dans l’eau sans vous retenir à un quelconque point d’attache. Prenez garde à votre consommation d’air !
Après la plongée, conservez un intervalle de temps en surface d’au moins 6 h. Cela correspond à la durée de la navigation vers Safaga. Comptez seulement 3 h de trajet vers Hurghada.
Extraits du topoguide des sites sous-marins de Hurghada et du détroit de Gubal Sandrine KOLAU Editions Plongeurs Sans Frontières Gérard BESSE (Directeur du centre français de plongée de SAFAGA - DUNE) Notre homme vous en dit un peu plus... Habituellement, il n'est pas un grand bavard, mais là..... "La première fois que je suis arrivé sur l'épave, elle semblait irréelle, fantomatique. Elle servait de Quartier Général à une floppée de poissons. Elle disparaissait dans cette masse vivante et argentée. Paul Poivert, rédacteur en chef d'Octopus, essayait de prendre des photos, mais la masse grouillante de vie l'empêchait de discerner réellement l'épave... J'étais très ému à la pensée que la Rosalie Moller venait de sortir d'un oubli qui avait duré une cinquantaine d'années....
L'exploration de cette épave me touche particulièrment... "
POINTS DE REPERES
A lire également : OCEANS N°256 de Juillet/Août 2000 Article de Florent M. Locatelli, photos Gérard Besse et Alain Gambiez