LE NIOBE
62 ans de mystères et de convoitises en rade du
Havre
Mise à jour
18-Oct-2009 13:14
(Le Niobé)
Photo publiée avec l'aimable
autorisation des Editions
Marius-Bar/Toulon
Remise par Mme TREHET que le GRIEME remercie
PRÉAMBULE
Certains navires marquent une période, un lieu, une époque tourmentée, un naufrage dramatique, des mystères autour d’une épave qui ne veut pas se laisser découvrir. Il n’en faut pas plus pour frapper les esprits et entretenir le mythe. Drame de l’exode de juin 1940, le NIOBE va hanter pendant 62 ans les eaux et la mémoire du Havre.
A lire également pour mieux comprendre.... L'histoire de la marine marchande pendant la seconde guerre mondiale;Une série de livres écrits en collaboration avec Jean-Yves Brouard, Guy Mercier et Marc Saibène, racontant, jour après jour et par chapitres à thèmes, l’histoire de la marine marchande française
LE
NIOBE
CARGO MINERALIER DE LA SOCIETE NAVALE
CAENNAISE
et lancement |
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CAEN F95 N°1190 |
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2 chaudières NE Marine Eng. Co Ltd |
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S.N.C. - CAEN |
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(21 membres d'équipage) |
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2 mitrailleuses 13 mm A.A. |
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La Révolution Industrielle, avec comme corollaire l'essor de l'urbanisation, va décupler les besoins en énergie : industrie lourde, développement du chemin de fer, chauffage des villes, explosion démographique. Tout contribue à ce que la matière énergétique la plus commune de l'époque, le charbon, voit son exploitation et utilisation s'intensifier.
La Grande-Bretagne, premier producteur mondial grâce au bassin houiller du Pays de Galles, est au centre de ces échanges. Grâce à sa flotte marchande très développée, elle assure une bonne partie des transports de charbon vers l'Europe notamment vers la France.
Peu à peu, la navigation "à voiles"
est remplacée par la vapeur. Les conditions d'armements changent aussi : un
vapeur représente un investissement élevé. Les armateurs se regroupent donc pour
mettre en chantier de nouvelles constructions. A l'occasion de cette mutation,
des armateurs français décident de s'associer pour lancer une série de vapeur
charbonnier de 1.200 CV et d'un port en lourd de 1500 tonnes. Objectif : ne plus
laisser le monopole de ce type de transport aux mains des anglais.
C''est ainsi que Gaston Lamy
fonde en janvier 1903 la Société Navale Caennaise qui se
lance dans la construction d'une série de charbonniers dont le NIOBE.
Commandé en 1920 aux chantiers anglais Blyth Shipbuilding and Dry Docks
Co situés sur la rivière Tyne sur la côte nord-est d’Angleterre
ce navire sera donc construit par les britanniques.
Livré en août 1920 et connu sur le numéro de chantier 214, le cargo minéralier est baptisé du nom de NIOBE. Gaston Lamy a-t-il conscience que ce nom qui, comme tous les autres navires de la S.N.C., est emprunté à la mythologie grecque ? Avait-il conscience que ce nom était déjà le symbole d'une tragédie ? En effet, NIOBE, reine de Thèbes, eu ses 14 enfants tués par le dieu Apollon et la déesse Artémis pour avoir courroucé leur mère Léto !
Propulsé par un moteur triple expansion de 1.200 CV et une hélice quadripale, le vapeur est capable de d'atteindre les 10 nœuds. Le NIOBE connaît une "vie commerciale" sans encombre. Le navire est affecté au transport de vrac entre différents ports nord européens : Cherbourg, Caen, Rotterdam, Nantes. Bien entendu, le NIOBE transportera également du charbon mais aussi du minerai de fer et du bois entre ces différents ports. La guerre va décider du destin du NIOBE qui est réquisitionné le 25 mai 1940 par la Direction des Transports Maritimes.
"LA DROLE DE GUERRE" - LE
DRAME SE MET EN PLACE
Mai 1940, les armées allemandes sont aux frontières de la France. Cantonné dans un attentisme connu sous le nom de "Drôle de guerre", le gouvernement regarde les Panzers Division envahir sans coup férir la Pologne, la Hollande, la Belgique. Rien ne semble devoir arrêter la Wehrmarcht !
Néanmoins, la France des généraux n'est pas inquiète. Notre armée nationale est considérée comme la meilleure du monde depuis 1918. Mais la guerre a évoluée et les stratèges allemands vont le démontrer la douleur aux français qui se croient à l’abri derrière la ligne Maginot.
Le général français Gamelin lance les Armées du Nord et le Corps Expéditionnaire Britannique au contact du Groupe B de Von Bock de l'armée allemande en Belgique dans une réplique de 1914. Le groupe A de Von Rundstedt contourne le dispositif allié grâce à la traversée (pourtant réputée impossible) des Ardennes par les Panzers allemands.
Pris en tenaille, coupés de leurs arrières, 400.000 soldats alliés sont piégés, adossés à la mer. L'état major décide alors la constitution d'un camps retranché à Dunkerque qu'il va falloir ravitailler, coûte que coûte, par la seule voie de liaison possible : la mer.
Des dizaines de navires sont réquisitionnés par la Direction des Transports Militaires (D.T.M). Ces bâtiments sont armés d'une ou deux pièces d'artillerie (souvent des 90 mm Modèle 1892 - année de fabrication !) et de mitrailleuses anti-aériennes par l'A.M.B.C (Armement Militaire des Bâtiments de Commerce). Leurs coques sont démagnétisées, dans le meilleur des cas, pour faire face au danger des mines allemandes. Des cargos, des paquebots, des malles sont ainsi rassemblés à Cherbourg, Brest, au Havre. Cette flottille disparate tente un dernier effort désespéré pour contenir les allemands.
Cependant, face à l'urgence de la situation, les navires chargés de vivres et de munitions mettent le cap sur Dunkerque où règne l'enfer. Lorsqu'ils se présentent en rade de Bray-Dunes, ils subissent les bombardements des avions allemands ainsi que le feu des pièces d'artillerie lourde. Pendant que cette flottille se résigne à attendre un hypothétique déchargement de leur cargaison, l'évacuation de la poche de Dunkerque (Opération Dynamo) prend fin le 4 juin. La plupart des cargos présents dans les eaux du nord de La Manche repartent avec les cales pleines.
L’avancée rapide des allemands désorganise totalement les rangs français semant panique et fuites. Face à l'ennemi, des évacuations massives s'organisent, notamment celle du Havre. Dans ce chaos et cette précipitation, le déchargement des navires devient impossible. A peine arrivé à Cherbourg, les navires repartent sans avoir été "libérés" de leur cargaison mortelle !
La Wehrmarcht ne laisse aucun répit aux troupes françaises, l’objectif est d’isoler la France de l’Angleterre.
Photo extraite du livre La marine marchande
française, 1939 - 1945
Avec l'aimable autorisation des auteurs Jean-Yves
Brouard, Guy Mercier et Marc Saibène
A partir du 9 juin, les navires qui "touchent" Le Havre sont pris d’assaut par la population qui cherche à fuir. Des centaines de personnes tentent de trouver des places à bord des bateaux accostés. L’aviation allemande multiplie ses attaques. Le 11 juin, de nouveaux raids font 5 victimes parmi les bâtiments en rade havraise : Le Piriapolis, le Général Metzinger, l’Albertville, le Syrie, le Niobé disparaissent dans les eaux de La Manche. Le Bruges s’échoue à la côte. Tous ces navires sont victimes des attaques mortelles de la Luftwaffe et ce n'est pas la défense désespérée du cuirassé français Paris qui parviendra à stopper cette tragédie.
Si le naufrage de l’Albertville de la Compagnie Maritime Belge ne cause aucun mort, une bombe tombée dans la cale du NIOBE où se trouvaient encore 800 tonnes de munitions diverses non débarquées à Dunkerque, fait exploser le charbonnier qui venait juste de partir du quai Joannes Couvert. A son bord plus de 800 passagers. Onze seulement devaient survivre !
Photo extraite du livre La marine marchande
française, 1939 - 1945, tome 1, page 142.
Auteurs Jean-Yves
Brouard, Guy Mercier et Marc Saibène
(Avec l'aimable
autorisation des auteurs que le GRIEME remercie)
Cette tragédie marque au "fer rouge" la conscience collective du Havre bien avant les terribles bombardements de septembre 1944. Rares sont les familles havraises à ne pas avoir perdu un proche lors de l'attaque et naufrage du NIOBE.
Dès lors, le NIOBE va exercer, pendant près de 62 ans, convoitise et mystère en rade du Havre.
LES DERNIERS JOURS DU
NIOBE
Réquisitionné le
25 mai, le NIOBE doit participer à l’effort de guerre et ravitailler les
ports français. Chargé à Cherbourg de munitions, de vivres et de foin, il
appareille en compagnie de 6 autres navires dans le 5 ème convoi à destination
de Dunkerque.
Arrivé sur zone le 30 mai dans l’après midi, il ne
peut rentrer au port à cause de l'intensité des bombardements allemands. Le
navire va donc mouiller au nord de la ville en face de Bray Dunes. Il
décharge quelques caisses de munitions grâce aux va-et-vient de chalutiers qui
se mettent directement "à couple" des navires mouillés sur
rade.
Le 30 mai, Dunkerque étant perdu, ordre est donné aux 12 navires présents d’appareiller pour Cherbourg. Le sistership du NIOBE, l’Hébé en profite pour prendre à son bord 346 soldats qui fuient l’enfer.
Bien qu’il doive se rendre à Cherbourg pour y faire démagnétiser sa coque, le NIOBE fait un crochet par le port anglais de Douvres où il semblerait qu’il décharge de nouveau quelques munitions. Repartant aussitôt pour Cherbourg, il arrive en rade le 6 juin où il mouille dans l’attente d’un poste à quai.
Alors que des bombardements aériens allemands sont en cours sur Cherbourg, Ange Lodeho, capitaine du NIOBE, (Cf. photo N & B ci-après)qui discute avec le second mécanicien Dieumegarde a cette parole prémonitoire en regardant les bombardiers pilonner Cherbourg :
«Un de ces jours, une bombe va finir par faire des dégâts»
Le 7 juin, le déchargement de la cargaison du NIOBE débute; Les vivres avariés puis les munitions sont déchargées, mais le rythme reste désespérément lent. Lodeho estime, qu'à cette cadence, il faudra plus de 4 jours pour tout débarquer.
Bien qu’ayant toujours une quantité importante de munitions dans ses cales, le NIOBE reçoit instruction d'appareiller vers Le Havre pour participer à l’évacuation de la ville. Le commandant Lodeho prend d’ailleurs des réserves auprès de l’amirauté pour attirer l’attention ce celle-ci sur le danger potentiel que représente sa cargaison mortelle. Réserves qui restent sans effet !
Arrivé le 10 juin dans la soirée, le NIOBE accoste quai Joannes Couvert au poste 2.
Le 11 au matin, un officier monté à bord ordonne de décharger les munitions. Hélas, les dockers tout comme la population havraise, cherchent à fuir les allemands. Les ponts de la Seine sous contrôle ennemi ainsi que la zone portuaire est paralysée. Quitter Le Havre devient délicat.
En l’absence de grues portuaires, l’équipage tente de débarquer les munitions à l’aide des mats de charge. Hélas, les potences du NIOBE sont trop courtes pour atteindre le quai et il est trop tard pour faire quoique ce soit.
A 11 heures, les Abeilles 8 et 10 viennent de déposer des havrais pour qu’ils puissent embarquer à bord des navires encore à quai. On trouve, quai Joannes Couvert, outre le NIOBE, le Paramé, le Penchateau et le Syrie.
Les havrais se pressent pour embarquer et les équipages ne peuvent laisser leurs compatriotes sur le quai. L’ampleur des rumeurs d’exactions allemandes, non justifiées dans leur grande majorité, sur les civils français convainc les équipages d’accepter à bord le plus possible de personne. C'est donc au mépris de toutes les règles de sécurité que les infortunés havrais envahissent le NIOBE : ponts et chaloupent regorgent de passagers agards.
Les 4 navires quittent le quai pour foncer à toute vapeur vers Caen. Paul Lengronne, pilote du Havre, guide le NIOBE à travers le dédale du chenal, des champs de mines supposées et obstructions diverses. Au bout de 40 minutes, le NIOBE croise le Général Metzinger en feu qui décline néanmoins toute assistance. Paul Lengronne doit maintenant quitter le NIOBE pour monter à bord de la pilotine Senateur Brindeau. Le pilote ne parviendra pas à le faire, tant celle-ci est occupée à récupérer les blessés du Bruges et à les transférer sur le Worthing.
A 16 h 55, alors que le NIOBE vient de croiser la bouée à sifflet situé à 6 miles dans l’ouest d’Antifer, deux avions surgissent. Aucun doute n’est permis, il s’agit des sinistres Junkers 87 allemands, les trop fameux "Stuka". Bientôt un des appareils entame "une piquée", lance quatre bombes dont trois au moins font "mouche". Le Cotentin qui apporte au Havre des vivres aperçoit au loin une violente explosion qui est également vue de la côte ! Il se déroute aussitôt pour porter assistance au NIOBE.
Sur l’ensemble des
passagers et membres d’équipage du NIOBE,
30 âmes devaient survivre
à l’explosion
Seulement 11 sont récupérés par le Cotentin
!
LES MYSTERES DU
NIOBE
De par les circonstances de sa disparition le NIOBE a très vite acquit une aura que peu d’épaves ont dans la région. Quelles sont les raisons du mystère qui plane autour de ce navire ?
Tout d'abord, le nombre de victimes. Entre 800 et 1.200 personnes d'après le rapport d'enquête de la gendarmerie maritime de Cherbourg (Procès verbal n°171 du 17 juin 1962). Ce chiffre est il fiable ? Très certainement. Pour comparaison, un cargo norvégien part le 10 juin du Havre après avoir chargé un maximum de civils à la gare maritime. Arrivé à Brest, on comptera 1472 passagers débarqués ! Le nombre de 1200 morts du NIOBE apparaît dès lors plus que plausible.
Seconde raison à ce mystère. Les circonstances tragiques de sa disparition : un drame de mer soudain, brutal, dans un moment d'extrême détresse pour toute une population.
La troisième raison tient à la position supposée de l’épave. Pendant 62 ans, le NIOBE a été placé alternativement du côté de Ouistreham, d’Antifer, du Cap de la Hève (ce dernier positionnement est sans doute du à une confusion. Un cargo anglais portant également le nom de NIOBE ayant coulé en 1905 en rade du Havre après un abordage en mer).
Enfin dernière raison et sûrement celle qui a suscité le plus de fantasmes, de rêves et de folie : l'existence d'un trésor formidable. Dans leur fuite face à l’avancée allemande, des diamantaires belges et hollandais auraient pris place à bord avec leur butin ! Malgré des investigations et une demande d’enquête du Consul des Pays-Bas au Havre, la lumière ne sera jamais faite à propos de ces diamantaires et le mystère demeure entier à ce jour !
Tous ces mystères sont entretenus par le récit d’un scaphandrier qui déclare en septembre 1961 avoir identifié l’épave mais «qu’il a des raisons de ne plus retourner sur l’épave et qu’un jour on saura pourquoi… Je peux donc vous dire la vérité la dessus … une vérité que l’on cherche à arranger pour des raisons obscures ».
Comment ne pas créer toute une atmosphère propice au mystère, à la rumeur et déraison humaine.
AUTOPSIE D'UNE
DECOUVERTE
Le 20 août, un membre du GRIEME est contacté, pour sa connaissance du sujet, par Carl Lenormand plongeur du club de A.S.C.L.P.E. du Havre. Ce dernier sollicite Franck afin de l’aider à identifier une épave jonchée de munitions. Carl connaît un peu cette épave, il l’a déjà « plongé » une fois en compagnie de deux membres de son club.
Rendez-vous est donc pris pour le 22 août suivant. Intrigué par la description de Carl et par sa propre plongée sur une épave identique, Franck se prend à espérer et il envisage secrètement que ce navire puisse être le NIOBE. Comme beaucoup de havrais, notre ami s’est fortement intéressé à ce bâtiment et, au fil des années, il s’est constitué un solide dossier sur ce cargo minéralier. C'est ainsi que le jour du rendez-vous, Franck se présente avec une documentation complète sur le NIOBE. Ses compagnons ne disposant pas d’autant de données, l'étude et la lecture des différentes pièces vont les aider à comprendre et à se repérer sur ce qui pourrait être l’épave tant recherchée et attendue.
Membres de l’ A.S.C.L Paul Eluard, Pierre Piednoel, Hervé Herelle, Carl Lenormand et Franck Pineranda décident donc de faire une sortie avec "Sub de Caux", bateau de plongée du club havrais. Objectif : vérifier des "points de croches", ajouter ainsi de nouveaux sites à la liste de ceux déjà existants pour la saison de plongée à venir et étudier plus précisément une épave non encore connue. Plongée de manière épisodique au cours des années précédentes, celle-ci demeure non identifiée à ce jour. Anonyme parmi les centaines d’épaves jonchant les fonds de Manche Est celle-ci est baptisée "épave aux munitions" comme tant d’autres. Nos quatres plongeurs se mettent en quête de trouver des éléments d’identification. Ce jour là, Franck Pineranda, membre du GRIEME rejoint donc ce groupe de plongeurs.
Pour Franck, cette plongée sera différente de celles qu'il effectue habituellement avec ses camarades du club dans lequel il est adhérent. Arrivé au local de l'A.S.C.L.P.E., il apprend donc qu’il va à la rencontre d'une épave pleine de munitions ! La curiosité de Franck est ainsi mise à l’épreuve. Il va lui falloir patienter un peu avant de s’immerger et retrouver une nouvelle « carcasse ».
Le bateau s’est arrêté. Les conditions météo sont favorables. Les plongeurs sont maintenant équipés et Franck s’immerge dans une belle eau verte. Aujourd’hui, c’est jour de chance car la visibilité est bonne. La descente s’effectue doucement et amène notre plongeur sur la partie arrière d’une épave couchée sur tribord. En quittant la poupe et en longeant ce qui reste d’une grosse cheminée, il observe de chaque coté, « le bordé » écroulé. Un peu plus loin, Franck découvre un vaste champs de munitions de tous calibres. Cette épave commence vraiment à l’intriguer et il n’ose imaginer l’inimaginable. C’est alors que notre plongeur sort son décamètre qui ne le quitte jamais. Il entreprend de mesurer la largeur du navire… stupéfaction, celle-ci correspond tout à fait à celle du NIOBE ! Comme ses autres camarades de palanquée, Franck poursuit son exploration. Ainsi, un peu plus loin il observe deux chaudières dont l’une est en très mauvais état ce qui n’est pas courant sur ce type d’épave.
Mais déjà cette première rencontre s’achève et il est temps de refaire surface. En sortant de l’eau, Franck avoue son trouble. Ce navire possède toutes les caractéristiques du NIOBE, mais il est encore trop tôt pour affirmer quoique ce soit.
De retour sur la zone repérée, de nouvelles immersions s’engagent. Durant les deux plongées de ce jour, un tour complet du site est effectué. A cette occasion des munitions de différents calibres sont prélevées afin d’en faire un examen attentif.
Les conditions de plongée en Normandie étant parfois difficiles, soumises aux marées et à la disponibilité des plongeurs bénévoles, les immersions ne reprennent qu’un mois plus tard, le 19 Septembre. Entre temps, l’analyse des pièces prélevées a montrée qu’il s’agissait de munitions terrestres française fabriquées aux alentours de 1940. Ces nouvelles preuves viennent renforcer la supposition que ce navire est peut-être le NIOBE. Néanmoins, il manque encore LA PREUVE irréfutable !
De nouvelles plongées vont permettre à Franck de découvrir l’hélice quadripale de rechange du navire. Pourtant bien dissimulé, cet indice supplémentaire conforte les plongeurs dans leur première impression, pour autant cette satanée preuve formelle manque toujours !
Au cours de la
seconde plongée de la journée, les quatre plongeurs tentent « un coup de
poker » basé sur une idée de Pierre, qui propose d’essayer de gratter la poupe.
Après une première tentative infructueuse, le deuxième essai est le bon et
Pierre voit apparaître un "C", en fait un "O" , (3*) puis à
la gauche un "I", la frénésie est à son comble lorsque apparaît un
"B" . Un seul cargo avait ces lettres dans son nom ! Une dernière
immersion fait découvrir la première lettre du port d’attache :
"C"
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L’ordre de ces 3 lettres ainsi que le "C" apportent enfin LA PREUVE tant espérée !
NIOBE avec son port d'attache : CAEN |
Vu dans LE HAVRE PRESSE
EPILOGUE
Le travail préparatoire aura donc été extrêmement précieux dans la recherche du cargo minéralier. Cette recherche préalable en archives avait permis de circonvenir la liste des cibles potentielles à quelques navires coulés en Manche-Est durant la période 1920 à 1940. Cependant, un seul nom hantait les esprits havrais. Restait à trouver la preuve irréfutable ! Ainsi, munis de photos d’époque, de planchettes à dessin et décamètre en poche, les plongées se sont succédées et une reconnaissance systématique du site a été entreprise. Les données se sont accumulées et les quatre plongeurs passionnés sont parvenus à dresser le portrait robot de cette épave :
·
Cargo typique des années 1920 de par son architecture caractéristique
:
coque en acier rivetée, 2
chaudières, 1 cheminée,
une hélice quadripale et
une autre de secours comme sur une autre épave bien connue, le
Togo.
· Présence de nombreuses munitions françaises
antérieures à 1940 d’après les prélèvements effectués.
Grande diversité de calibre allant
du 7,62 mm au 155 mm.
Ne pouvant s’agir
d’un navire de guerre, il était donc affecté au ravitaillement des armées
françaises combattants dans la région.
· Présence de trace de feu sur certaines
munitions.
La position des
murailles de la coque laissent supposer une explosion de l’intérieur vers
l’extérieur. (1*)
· Impression de l’explosion localisée sur une cale
renforcée par une poupe intacte.
Reste de débris éparpillés sur la zone comprise entre les chaudières et la
partie arrière du navire. (2*)
· Absence d’une proue et de cales qui permet d’en
déduire que la partie avant a sombrée à un autre endroit. Il est
donc
évident que les sections
arrière et centrale se sont désolidarisées de la section avant. Une des deux
parties ayant
vraisemblablement flotté et
dérivé plus en aval sous l’action du courant.
Dès lors, l’identification devient donc indiscutable, il s’agit bien du NIOBE tant recherché. Inutile de décrire l’immense joie des quatre co-découvreurs à qui revient le mérite et la fierté d'une telle localisation et identification.
Le NIOBE de la Société Navale Caennaise avec pour port d’attache Caen vient d’être formellement identifié après 62 ans de silence et de mystère grâce aux lettres trouvées sur sa poupe.
Dernier mystère à résoudre. L’emplacement de la proue qui, d’après les témoignages des rares survivants, aurait coulée à pic et serait donc décalée de quelques centaines de mètres par rapport à la poupe qui est elle restée à flot. La majorité des survivants était d’ailleurs située à cet endroit du NIOBE. Des investigations doivent être menées pour la retrouver et clore ainsi ce triste chapitre de l’histoire d’un navire et d’une ville à jamais associés par le prix du sang.
LE NIOBE
AUJOURD'HUI
L’identification du NIOBE résout un mystère et ouvre de nombreuses perspectives. Le souhait des découvreurs est de remonter une pièce importante et significative de l'épave, l'hélice de rechange par exemple, ceci afin de perpétuer le souvenir de la tragédie du 11 juin 1940 qui a profondément marquée les havrais. Cet objet aurait tout à fait sa place à côté de la stèle dédiée aux morts du NIOBE qui, inaugurée en 1986 au pied de la vigie du port du Havre, est l’unique témoignage de ce drame.
Faisant suite à la parution de "La saga des épaves de la Côte d’Albâtre » en septembre 2002, le GRIEME a été contacté par des familles des membres d’équipage du NIOBE tels que Raphaël Ney, chef mécanicien ou Monsieur Le Pivert, lieutenant présent à la passerelle en compagnie du pilote Paul Legronne au moment du bombardement.
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Ils ont enfin pu avoir des réponses à leurs questions et connaître l’emplacement où repose un être cher. Notre association a eu la chance d’accueillir certains d’entre eux au Havre et de leur faire visiter les lieux où avait "escalé" le NIOBE entre le 10 et 11 juin 1940. Ce pèlerinage en compagnie du GRIEME trouva son épilogue le 6 juillet 2003 par le jet d'une gerbe au dessus de l’épave, lors de l’Armada de ROUEN.
(A gauche et à droite R. TAMARELLE et
M.TORCHE - GRIEME)
montrent à Madame Raphael NEY
l'épouse du
Chef Mécanicien du NI0BE
la position de l'épave
Coordonnées G.P.S. et écho couleur du sondeur
matérialisent l'endroit ou repose un être cher
62 ans après...
Le NIOBE et ses infortunés
passagers peuvent enfin reposer en paix !
LISTE D'EQUIPAGE DU NIOBE
LORS DU DRAME DU 11 JUIN 1940
Vision personnelle de la poupe du
NIOBE
par
Michel TORCHE du GRIEME
Reproduction Interdite
LE GOUGUEC GILDAS LE PIVERT François LIBOUBAN François NEY Raphaël DIEUMEGARDE Louis DAZOU Laurent MOISAN Lucien GUERIN Eugène HUON Emile GOURMELIN Yves CABILLAUD Jules KERNINON Yves FOUQUET Louis CLESH Yves-Marie LANCIEN Olivier GOUARIN Joseph KERVELLA Joseph MERRIEC Joseph COUE Alcide REGUER François |
Second Capitaine Lieutenant Radio Chef Mécanicien Second Mécanicien 3 ème Mécanicien Cuisinier Maître d'Hôtel Matelot Matelot Matelot Matelot Matelot Matelot 1er Chauffeur Chauffeur Chauffeur Chauffeur Chauffeur Chauffeur |
INFOS
ANNEXES
1* : un obus pénétrant une coque «pousse» l’acier de la tôle de l’extérieur vers l’intérieur (sens de la trajectoire). Au contraire, une explosion se produisant à l’intérieur d’une cale a un effet inverse : le souffle retourne les plaques vers l’extérieur.
2* : un souffle d’explosion s’évacue toujours par l’endroit le moins résistant (le haut de la cale en l’occurrence souvent fait de bois ou de toiles) ce qui explique que l’on peut retrouver une poupe relativement intacte.
3* : à l’époque les lettres étaient rivetées à même la coque et pouvaient donc casser.
VU DANS LA GAZETTE DE HDSF
A lire dans l'Ichtyosandre, bulletin interne de H.D.S.F. (Histoire du Développements Subaquatique en France), un article sur les pionniers de la photo sous-marine, dont un certain Etienne PEAU du Havre qui réalisa des photos sous-marines en 1907 Il est dit qu'il est mort lors du naufrage du NIOBE en 1940 cruel destin pour un tel pionnier !
CREDIT PHOTOS SOUS-MARINES
- REMERCIEMENTS
GRIEME - Franck PINERANDA
Emmanuel
HAGUE - TECHNOSEA LE
HAVRE
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