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Avec
la complicité de Dominique RESSE
(Page
avec séquence vidéo sous-marine haut débit hautement
recommandé)
Mise
à jour
24-Mar-2009 18:57
SCAPA
FLOW... LE RÊVE
J’avais cette réputation,
justifiée, de refuser de voyager ! La Bretagne, le sud de
la France sont «mes bouts du monde» ! Alors, pensez
! M’emmener jusqu’en Égypte, en Écosse… Invraisemblable,
impensable !
Et pourtant, SCAPA FLOW
! J’en rêvais déjà à l’époque. Un rêve
flou et vague. Une irrésistible envie de me plonger dans l’histoire
et les eaux froides de ces îles inconnues et lointaines : les Orcades.
La lecture de ce roman de Pierre Eric Deseigne, «Souvenirs
de plongée», relatant les aventures de Magnus Longhope,
scaphandrier pieds lourds dans le nord de l’Écosse après
la Première guerre mondiale, n’y est pas étrangère.
Et puis il y a eu ce jour de juillet 2002, un baptême "pieds-lourds"
: une révélation !
Depuis, tout s’est enchaîné.
Je suis allé en Égypte, bien sûr, mais en ayant
toujours l'obsession de SCAPA FLOW ! La découverte
du site Internet,
Tursiops-aventures
et ma rencontre avec Christian DURST, (webmaster du site et amoureux
inconditionnel des îles Orcades), au dernier salon de la plongée,
fût décisive ! Quelques appels téléphoniques
plus tard, nous sommes soudain un groupe de neuf plongeurs. C’est comme
si nous étions déjà partis !
Beaucoup de recherches sur Internet
et sur Ebay afin de réunir quelques documents : Le livre
du vice amiral L.Von Reuter, celui de Friedrich Ruge, entre
autres, et l’aventure peut commencer...
HISTOIRE
Lundi 11 novembre 1918, 11 heures le matin, dans tous les villages de France, les cloches sonnent à la volée. Sur le front, les clairons sonnent le "cessez le feu". Des tranchées, «la Marseillaise» est entonnée à plein poumon.
Dans le camp allemand, le soulagement est le même. Pour la première fois depuis quatre années, Français et Allemands vont pouvoir se regarder sans s’entretuer.
Le matin même, à 5 h 15 précisément, l’Armistice a été signé dans le wagon spécial du généralissime Foch au carrefour de Rethondes en forêt de Compiègne, mettant un terme à une «boucherie» qui laisse derrière elle huit millions de morts et six millions de mutilés. L’Armistice est effectif pour une durée de trente jours.
Pour l’Allemagne, c’est une véritable douche glacée. Loin de la paix équitable et de la fraternisation promise, la rudesse des conditions imposées par les alliés anéantit le pays et laisse le Reich paralysé. Les Allemands se voient soumettre des conditions sans aucune marge de négociation : Retrait des troupes à 30 kilomètres à l’Est du Rhin, livraison de toute son aviation et de ses sous-marins aux alliés, maintien du blocus naval, internement de sa flotte de haute mer. L’article 23 stipule que 6 croiseurs de bataille, 10 cuirassés, 8 croiseurs légers, ainsi que 50 destroyers, tous désarmés et uniquement servis par un équipage réduit pour l’entretien, seront internés dans des ports neutres ou, à défaut, dans des ports de puissances alliées.
Le délai imposé est de 7 jours après la signature de Rethondes, ce qui oblige la flotte à un appareillage le 18 novembre, le plein de combustible et de vivres réalisés, munitions et torpilles débarquées, culasses de canons, appareils de visée, de télépointage et télémètres démontés.
Désarmement des cuirassés
dans le port de Wilhelshaven - D.R.
Partie de Wilhelshaven, la flotte allemande se présente à l’entrée du Firth of Forth le 21 novembre. Elle est accueillie par plus de 40 grands navires de combat anglais, autant de croiseurs, 160 destroyers, une escadre américaine et une escadre française ainsi que des avions et des dirigeables. La gloire passée de la «Kaiserliche Marine» inspirait manifestement une grande méfiance aux alliés !
La présence de nombreux navires remplis de curieux, le survol de la flotte par des avions les filmant, renforce le sentiment d’humiliation des équipages allemands. Un avion anglais réalisant un film de l’événement tomba à l’eau. Le repêchage des aviateurs par l’équipage d’un destroyer créa un divertissement qui dérida quelque peu l’ambiance. Le sentiment d’injustice se trouve encore renforcé quand, malgré les déclarations sur l’honneur de n’avoir à bord ni armes ni munitions, des officiers anglais exigent la vérification de tous les locaux et armoires personnelles sur tous les navires.
Enfin, confirmant les rumeurs qui courent de navire en navire : la flotte sera internée à SCAPA FLOW !
SCAPA
FLOW - LES ORCADES
A l’aube du 23 novembre 1918, les premiers navires font leur entrée à Scapa Flow, une baie située dans les îles Orcades au nord de l’Écosse, sur le 59ème parallèle entre Atlantique et Mer du Nord. Particulièrement bien protégée, Scapa Flow est la base principale de la grande flotte anglaise durant toute la durée du conflit.
Le paysage des Orcades est très austère. Il est constitué d’îles rocheuses dénudées. A première vue, peu peuplées mais cependant maculées d'innombrables tâches blanches de moutons, de nuées de fous de Bassan, de cormorans, de goélands, de mouettes et de colonies de phoques.
Au milieu de la baie, se trouve un îlot désert que les Anglais nomment «Barrel of Butter».
Guidés par des pilotes et ensuite amarrés sur des coffres ou sur leur mouillage renforcé, l’entrée des navires se poursuit dans les jours qui suivent.
La flotte allemande dans la
baie de Scapa Flow - D.R.
Photos extraites du livre
«Scapa Flow from graveyard to resurrection»
Le vice-amiral Ludwig Von Reuter à bord du FRIEDRICH der GROSSE commande cette flotte.
Une mission à haut risque et peu enviable. En effet, outre le fait de devoir conduire une marine surpuissante et invaincue vers une détention humiliante, des remous de mutineries se font sentir. Les mouvements communistes très actifs séduisent de plus en plus des marins dont le moral est en berne.
Conformément à l’article 23 de l’Armistice, une grande partie des équipages se prépare au rapatriement. Plus de 20.000 hommes au début de leur internement, restent à "croupir" à bord de leurs bâtiments. Ils ne sont plus que 4.565 matelots et 250 officiers et officiers mariniers à Scapa Flow à la mi-décembre, 200 par cuirassé, 175 par croiseur lourd, 80 par croiseur- léger et 20 par contre-torpilleur. Les autres font leurs bagages...
Couverture du livre de l'amiral
Von
Reuter
illustrant l'humiliation des équipages devant baisser leur pavillon
LA
VIE A SCAPA FLOW POUR LA FLOTTE ALLEMANDE
Le temps des brimades anglaises ! L’humiliation la plus sévère est l’interdiction d’arborer le pavillon de la marine allemande. A cela s’ajoute la livraison du courrier ouvert, la circulation des embarcations entre navires allemands réduite au strict minimum imposé par le service, les communications privées, entre bateaux, interdites ! La nourriture devient le principal souci des équipages. Les Anglais refusent catégoriquement toute livraison de vivres, même contre paiement. Le ravitaillement vient d’Allemagne et les difficultés qui en découlent conduit les marins à pêcher.
Marins allemands améliorant
l'ordinaire en péchant du pont d'un destroyer
Photo extraite de "Dive
Scapa Flow" de Rod Mac Donald.
La baie regorge de poissons semblables aux harengs qui, cuits, ont un goût fade mais que les pêcheurs accommodent par nécessité avec du vinaigre ou fument avec une installation de fumage réalisée avec des moyens de fortune.
La baie de Scapa Flow
en 1919 - D.R.
Les conditions de vie à
bord sont diverses suivant que l’on est marin sur un cuirassé, un
croiseur ou un destroyer. Si elles sont acceptables sur les gros bâtiments,
elles deviennent beaucoup plus pénibles sur les petites unités
et particulièrement sur les destroyers. Outre l’étroitesse
et la promiscuité, le chauffage représente un réel
problème. Le charbon et le mazout, livrés en quantité
limitée par les ravitailleurs anglais ne permettent pas de chauffer
les nuits entières. Le chauffage est donc éteint entre 23
h 00 et 8 h 00 le matin. Les compartiments se refroidissent alors très
vite, les minces parois d’acier ne retiennent aucune chaleur. La lumière,
ou plutôt le manque d’éclairage, ne peut contribuer au maintien
du moral des équipages.
A Scapa Flow,
en hiver le jour ne se lève que vers 9 h 00. Réveillé
avant l’aube, les hommes doivent attendre, dans le noir, dans des cabines
froides aux parois ruisselantes de condensation, sous des couvertures en
grossière laine de guerre, le ronflement des chaudières annonciateur
de chaleur et de lumière. Il y a bien les lampes à pétrole,
mais celles-ci, en mauvais état, faute de lumière ne produisent
qu’une suie huileuse recouvrant tous les meubles. Les poêles, quant
à eux, sont également la cause de la saleté des locaux,
surtout lorsqu’en manque de charbon ils étaient utilisés
avec du bois humide ou du mazout.
Les rats sont omniprésents dans les bateaux. Le vacarme qu’ils produisent éprouvent les nerfs des marins. Les moyens pour les empêcher de s’en prendre aux vivres s’avèrent souvent inefficaces. Pour se défendre contre ces animaux, les marins utilisent des fusées de signalisation qui ne produisent souvent que fumée et brûlures au tireur. Si parfois la chance permet d’en tuer un, c’est un véritable triomphe pour le chasseur ! Pour réduire l’oisiveté, le travail reste une activité bienfaitrice, mais on lui conserve tout son sens. Un service quotidien est donc instauré, de 9 h 00 à 14 h 00 en semaine, de 9 h 00 à 12 h 00 le samedi et repos le dimanche, hormis pour l’entretien des chaudières.
La nourriture aurait été un bon remède à la morosité ambiante, mais celle-ci est de mauvaise qualité et peu variée : pommes de terre, navets, orge perlé et pain à base de pommes de terre représentent l’essentiel de leur quotidien.
Les drifters, des petits chalutiers n’appartenant pas à la marine militaire et manœuvré par un équipage civil, assurent les communications entre navires.
Scène de vie à
Scapa
Flow - Un drifter en second plan - D.R.
Bien qu’à leur bord il
y eut toujours un officier ou un marin anglais de garde, quelques contacts
s’établissent entre les alliés et les équipages allemands,
donnant naissance à un troc organisé. Les Anglais aiment
beaucoup l’alcool, celui-ci leur ayant été interdit durant
le conflit dans les bases militaires anglaises et écossaises.
Les Allemands, eux n’en manquent
pas. Il est de mauvaise qualité, certes, mais il est échangé
contre du savon, du tabac, des cigarettes, du thé, du pain… améliorant
l’ordinaire des prisonniers.
Les fêtes de fin d’année
approchent. Il devient évident que les hommes doivent se résigner
à passer Noël et Jour de l’An sur leur navire à
Scapa
Flow. Les préparations de ces deux soirées procurent
une diversion bienfaitrice. Il est décidé que personne ne
sera de garde, afin que tous puissent participer aux deux réveillons.
Le 21 décembre, le Konigsberg venu d’Allemagne avec
du ravitaillement n’apporte pas le bonheur espéré. Nombre
de colis sont ouverts et pillés et, lors du déchargement,
beaucoup d’emballages sont brisés, avariant chocolats, gâteaux
et pains.
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SMS KONIGSBERG (source Wikipedia)
Néanmoins, la fête est une réussite. Viandes en conserve, choux, pommes de terre, fruits… Les grands navires cuisent assez de pain pour que chaque homme "interné" puisse en obtenir un. Les officiers offrent à chacun de leurs hommes de petits cadeaux. Ainsi, l’enseigne de vaisseau RUGE offre à l'ensemble de son équipage : deux cigarettes, un petit poème, du matériel de couture, une bougie, une vue du bateau, un foulard. Le commissaire de la flotte captive parvient à attribuer à chacun un paquet de biscuits, un morceau de saucisson, dix cigarettes et deux cigares. L’alcool, sous forme de punch, contribue à la réussite des festivités. Des cantiques, des poèmes, des chants, des numéros de music-hall improvisés, des pièces de théâtre… Tout est à la hauteur de l’événement !
Mais ces moments de bonheur ne peuvent durer, et inévitablement le moral est à la baisse. La météo des îles Orcades ne participe pas au réconfort et bien qu’il ne fasse jamais très froid, l’hiver à Scapa Flow est morne et pluvieux, les tempêtes incessantes.
L’ordre sur les bateaux s’en trouve considérablement perturbé, particulièrement sur le FRIEDRICH DES GROSSE, et l’amiral Von Reuter doit faire face à de considérables soucis de discipline.
SMS FRIEDRICH der GROSSE
- D.R.
Excédé par ces
événements, et après avoir transféré
sa marque sur le croiseur EMDEN, il renvoie en Allemagne,
menottés, plus de 150 agitateurs. Le nombre de marins restant à
bord pour garantir la sécurité des navires internés
s’en trouve encore réduit. Si bien qu’en juin 1919, il ne reste
plus que 75 hommes par cuirassé, 60 par croiseur lourd, 30 par croiseur
léger et le « strict minimum par petites unités, soit
au total 1 700 hommes.
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Une raison médicale est aussi à l’origine du retour de beaucoup de marins en Allemagne : l’apparition du scorbut, cette vieille maladie de la marine à voile, née du manque de vitamine. Le premier signe de cette maladie est le déchaussement des dents. La distribution de jus de citron permet de réduire l’épidémie, mais le besoin de soins dentaires se fait plus pressant. Quant aux Anglais, très réticents à fournir une aide médicale, ils finissent par accepter de traiter les cas les plus graves et urgents.
En février, une grosse tempête d’Est souffle sur la rade, gonflant une mer de plus en plus forte. Beaucoup de bateaux, dont les destroyers amarrés ensembles, rompent leurs haussières, contraignant les marins, de nuit et sous la pluie, à remplacer et épisser celles qui cassent, laissant les coques se heurter avec violence.
Destroyers à Scapa
Flow - D.R.
Au fur et à mesure que le temps passe, beaucoup de marins internés présentent des signes de dépression. Ces troubles prennent officiellement le nom de «monomanie de Scapa». Ce syndrome se manifeste par un dégoût de toute activité et un comportement asocial.
Si la pêche représente pour ces hommes un supplément appréciable au menu et leur épargne des maladies dues au manque de vitamines, elle est aussi un palliatif à l’oisiveté. Au printemps, après l’apparition de nombreux bancs, la pêche se fait de plus en plus infructueuse. il faut admettre que c'est une migration et qu’il va falloir se tourner vers d’autres sources de nourriture et d’autres distractions.
La capture d’oiseaux marins en occupe plus d’un, souvent sans grands résultats. Les tentatives de chasse avec les pistolets de signalisation alertent les Anglais et augmente la tension.
Sur certain navire, les cancrelats sont si nombreux qu’il servent d’abord d’appâts pour les poissons, et bientôt ils permettent d'organiser des courses ! Les meilleurs sont sélectionnés. Chaque propriétaire apporte son "favori" dans une boite et des paris sont engagés.
Le retour des beaux jours et la possibilité de jouir du soleil sur le pont des navires donnent lieu à une activité débordante. Nombres de parties de «chat perché" ou de «gendarmes et voleurs» sont organisées, auxquelles participent simples marins et officiers. Pour ces gens, confinés depuis des mois dans l’espace restreint d’un bateau, l’effort physique qu’exigent ces jeux les laisse épuisés.
LE
DEBUT DE LA FIN
La signature du traité
de Versailles vue par le peintre William Orpen
Wikipédia
Le 11 mai 1919, les conditions du traité de paix établi par les alliés à Versailles parviennent jusqu'à Scapa Flow. Parmi tous les membres des équipages, une seule question : Que vont devenir les navires ? La réponse produit comme un coup de massue : Outre la déclaration de l’Allemagne et de ses alliés comme seuls responsables de la guerre, l’obligation faite à l’Allemagne de verser des droits de réparation en argent et en nature, la démilitarisation de toute la région ouest du Rhin, l’interdiction de posséder une armée de plus de 100.000 hommes, de s’équiper de chars, d’une artillerie lourde et d’avions, tous les navires internés à Scapa Flow doivent être livrés !
La perspective de se voir saisir les navires par les Anglais ne fait plus aucun doute dans l’esprit du Vice Amiral Von Reuter et des commandants d'unités. Ce sont les Anglais eux même qui distribuent à leur insu, par l’intermédiaire des embarcations anglaises qui font le service du courrier, l’ordre du sabordage émanant de Von Reuter aux commandants.
« TOUS COMMANDANTS ET COMMANDANT SUPERIEUR DES TORPILLEURS : PARAGRAPHE 11. EXECUTION. COMMANDANT D’ESCADRE D’INTERNEMENT. Signal transmis et répété par tous moyens possibles. On devra immédiatement commencer à couler les navires »
Le secret du sabordage réussit à être gardé sur l'ensemble des bâtiments.
Immédiatement, toutes les mesures sont prises pour couler les navires. Aucun explosif à bord ne permet de crever les coques d’acier. Les prises d’eau dans le fonds des compartiments étanches, pour noyer un incendie à bord par exemple, sont, du fait de cette longue période au mouillage, recouvertes d’une épaisse couche d’algues. Elles fonctionnent encore, certes, mais ne suffiront pas à elles seules à noyer les cales. Des masses sont mises à poste dans les chaufferies et les machines afin d’éclater les tuyaux contenants de l’eau de mer. Pour les prises d’eau manœuvrables du pont, les tiges de transmission sont enlevées afin que les Anglais ne puissent les refermer.
21 juin - Après deux jours de tempête, la journée s’annonce magnifique. Sur la baie, le vent est nul, le ciel pur, le soleil brille et sur tous les navires, anglais comme allemands, se laissent aller à une douce torpeur qui semble figer toute activité.
Vers 10 heures, deux nouvelles capitales parviennent à Von Reuter :
- L’Entente lors du traité de Versailles refuse l’achat de la flotte allemande et exige sa livraison sans condition. La reddition devait être officialisée par le gouvernement allemand le 21 juin au plus tard. Le dépassement de ce délai serait considéré comme une cause de déclaration de guerre.
- La flotte
anglaise, basée à Scapa Flow, a pris le large
afin d’exécuter des exercices de lancé de torpilles que le
mauvais temps des derniers
jours avait empêché. Cependant, il manqua une information
essentielle à l’amiral de la flotte internée, information
que les Anglais négligèrent
de lui transmettre
et qui aurait peut être changée le cours de l’histoire : La
signature du traité de Versailles avait été
repoussée de deux jours !
Le signal du sabordage est envoyé « PARAGRAPHE 11. EXECUTION » Les pavillons de guerre sont hissés, sonnant le glas pour 74 navires !
Immédiatement, les prises d’eau sont ouvertes, les portes des condenseurs enlevées, les collecteurs d’eau précédemment repérés sont éclatés. Écoutilles, portes étanches et hublots sont ouverts. Les guindeaux sabotés et les outils permettant de larguer les chaînes des coffres jetés à la mer. A ce moment précis, les marins se tiennent prêt à évacuer.
L'équipage d'un torpilleur
quitte le navire avant qu'il ne coule - D.R.
Vers 12 h 15, le FRIEDRICH DER GROSSE coule en premier. Puis le KÖNIG ALBERT s’enfonçe peu après, suivi du MOLTKE, du KRONPRINZWILHELM, du KAISER, du GROSSER KURFURST, du PRINZREGENTLUITPOLD, entre 13 h 00 et 13 h 30.
Passé la stupeur à
la vue des positions bizarres que prennent un à un les bâtiments
allemands au fur et à mesure que l’eau s’engouffrait dans leurs
entrailles, les équipages des navires anglais restés
en rade entrent brusquement dans une phase de panique et de violence.
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Sans aucune sommation, les Anglais tirent au fusil sur les innombrables chaloupes et radeaux qui dérivent dans la baie. Les embarcations se dirigent vers la côte pour s’y regrouper et arborent parfois le drapeau blanc.
Marins anglais le long d'un
torpilleur allemand en train de couler - D.R
Le SEYDLITZ se couche sur le côté à 13 h 50. Les torpilleurs, amarrés par deux, s’inclinent et se couchent dans des grincements et des froissements d’acier. Les navires sombrent les uns après les autres. Le VON DER TANN, le KÖNIG, le KAISERIN, le BAYERN le DERFFLINGER connaissent la même issue entre 14 h 00 et 14 h 45.
SMS SEYDLITZ - D.R
Les Anglais, remis de leur surprise, tentent de sauver ce qui peut l’être. Menacés de mort, les équipages allemands ayant quitté leurs navires sont contraints de remonter à bord et à participer au remorquage de leurs bâtiments afin de les échouer en eau peu profonde. « Retournez immédiatement à vos bateaux. Arrêtez le naufrage ou périssez ! » Aucun d’entre eux ne fait beaucoup d’efforts !
Lorsqu’il apprend le désastre, le commandant de l’escadre anglaise, le vice-amiral sir Sydney R Fremantle, envoie au plus vite ses destroyers afin de participer aux opérations de sauvetage. Quand l'officier britannique pénètre dans la baie, presque toute la flotte internée a déjà rejoint son tombeau sous-marin.
A 17 h 00, après le naufrage du HINDENBOURG, ce sont quinze grands navires qui ont disparu sous la surface. Seul le BADEN est posé sur un haut fond. Sur 8 croiseurs, cinq ont coulé. En ce qui concerne les torpilleurs, 32 ont sombré au mouillage, 14 reposent sur petits fonds superstructures encore visibles et 4 seulement, bien qu’endommagés, sont sauvés.
Le HINDENBURG coule
- D.R.
Le DERRFLINGER sombre
également - D.R.
Le BAYERN sombre à
son tour - D.R.
Destroyers allemands coulés
- D.R.
Le déchaînement de violence des Anglais cause la mort de 8 marins et officiers, dont le capitaine de corvette SCHUMANN, commandant du SMS MARKGRAF, tué à son bord en compagnie de 2 sous-officiers. Il y a également 21 blessés, la majorité par balle, mais aussi par des coups de baïonnettes et des violences physiques.
SMS MARKGRAF - D.R.
Le vice amiral Von Reuter, reçu à bord du cuirassé anglais REVENGE par Sir Sydney R. Fremantle, assume seul les responsabilités du sabordage. Les britanniques qualifient ces actes comme «act of treachery» et Von Reuter est déclaré prisonnier de guerre.
Alors que l’Armistice n’était pas encore conclu, Il lui est reproché en coulant ses navires et en arborant le pavillon de guerre, d’avoir commis un acte d’hostilité. Ce à quoi il répond que la saisie de ses appareils TSF par les Anglais l’avait maintenu sciemment dans l’ignorance de toute information. Les seuls renseignements du monde lui parvenant se résumaient en des journaux datant parfois de 4 jours.
Il y a sur les navires anglais, où sont embarqués les Allemands, des actes de maltraitance envers marins et officiers. Beaucoup de leurs bagages sont pillés. Une anecdote qui choque les marins allemands : les Anglais fument des cigarettes dérobées dans leurs coffres. Personne n'est épargné par ces larcins, pas même l’amiral Von Reuter à qui l'on dérobe son manteau.
Marins allemands prisonniers
sur le Royal Sovereign (Photo Charles Bunday)
Pour les équipages des
navires sabordés, c'est le début de 7 mois d’internement
dans des camps, derrière des barbelés. D’abord à Oswestry
puis à Donington Hall.
Oswestry est un gigantesque camp où sont enfermés des milliers de soldats, toutes armes confondues. Les hommes sont logés dans des tentes. Les officiers et sous-officiers se partagent des baraques. Pour les uns comme pour les autres, le confort est très spartiate. Les tentes n’offrent ni chaleur ni confort. Les baraques constituées d’une seule pièce ont les toits en si mauvais état que le plancher, lui-même très fissuré, est constamment gorgé d’eau. Le temps est rythmé par de fréquents appels, des repas que l’oisiveté rend encore plus importants que lors de l’internement à Scapa Flow, des exercices physiques, dont le football, sur l’unique terrain de sport. Les activités ne manquent pas, mais la promiscuité et l'exiguïté des lieux font regretter les couchages individuels à bord des bateaux. Deux cas de «folie» sont à déplorer parmi les marins.
La libération des prisonniers s'engage début octobre. Les difficultés ne sont pas pour autant terminées pour les marins de ScapaFlow. Il ne font pas partie de ceux qui rentrent au pays et sont transférés dans un autre camp, à Donington Hall. Ils sont logés dans le château de Donington Hall, réquisitionné par le gouvernement britannique pour la durée de la guerre. Le château, comme logement pour les marins, est un véritable progrès par rapport aux taudis de Oswestry. Le relâchement de la surveillance et la liberté qui en découlent permettent aux prisonniers de longues balades à pieds dans le parc du château, le contre-amiral Von Reuter faisant office de guide.
Les rumeurs d’une libération prochaine rendent le changement d’année un peu moins morne et les fêtes sont joyeusement célébrées. Enfin, le 19 janvier 1920, le War Office autorise la libération des prisonniers de Scapa Flow. Le 31 janvier 1920, vivement acclamés, Von Reuter et tous les marins de Scapa Flow rentrent à Wilhelshaven, accueillis par une émouvante allocution de l’amiral Von Trotha.
L'amiral Von Trotha
salue les marins rentrant de Scapa Flow
Photo extraite du livre de
VonReuter
« Scapa Flow le tombeau de la flotte allemande"
Pour certains, il s’est écoulé presque 21 mois entre leur départ d’Allemagne et le retour au pays.
LE
DESTIN DE LA FLOTTE ALLEMANDE DE SCAPA FLOW
La présence de ces épaves devient immédiatement un obstacle à la navigation et au mouillage des navires dans la baie. Il est évident que, afin de conserver l’importance stratégique de Scapa Flow pour la marine anglaise, elles doivent rapidement disparaître.
Après renflouement, aucun de ces navires ne pourra désormais naviguer, mais au prix de la ferraille, ceux-ci représentent une véritable fortune. Aussitôt après le sabordage, l’amirauté britannique fait renflouer les navires coulés sur petits fonds. Le Baden, le Emden, le Frankfurt, le Nürnberg et beaucoup de torpilleurs sont rapidement remontés, soigneusement étudiés jusqu’au plus petit rivet puis détruits.
Relevage du BADEN -
Carte postale D.R.
Le Nürnberg et
en arrière plan le Hindenburg - Carte postale - D.R.
Au niveau des conditions de travail, le relevage ne présente pas de difficultés particulières. La relative faible profondeur permet aux scaphandriers de travailler avec du matériel traditionnel.
L’eau y est plutôt claire, le fond est rocheux et la baie bien abritée sauf lors des grosses tempêtes d’hiver. La difficulté majeure est la taille et le poids des navires à renflouer. La seule expérience en ce domaine était le cuirassé italien Léonardo da Vinci de 23.000 tonnes, renfloué d’un très petit fond à l’air comprimé après avoir colmaté les brèches.
L’Amirauté met en vente les épaves en 1923. C’est la compagnie Cox end Danks qui achète la concession. Cette compagnie est dirigée par Ernest Frank Guelf Cox. Celui-ci n’a aucune expérience en ce domaine, mais comme il se plait à le dire, il aime le risque !
Sa première tentative se fait sur un torpilleur. Après avoir séparé en deux un dock flottant allemand, il équipe les 2 parties de treuils et de grues pour les transformer en ponton de relevage. Ce dispositif est disposé de part et d’autre de l’épave à remonter. Les scaphandriers passent de gros câbles autours des canons et des tubes lance-torpilles. Puis ils placent des "crocs" dans les hublots. Tous les ancrages cèdent quand les treuils se mettent en action. Lors du deuxième essai, les scaphandriers remplacent les câbles par les chaînes d’ancre des cuirassés sabordés.
Elles cassent l’une après l’autre lors de la traction. 800.000 marks ont déjà été dépensés lorsque l’idée de passer 12 énormes câbles sous le navire à relever et de virer au cabestan est envisagée. C'est un succès ! Ainsi, 25 torpilleurs regagnent la surface.
Dessin publié dans la
revue "History of Ships"
Les épaves couchées sur le côté sont remontées assez rapidement. Après les avoir rendues étanches, de l’air comprimé leur donne une légère flottabilité positive. Ensuite, décollées du fond, elles sont remorquées en eau plus profonde puis à l’aide des treuils du ponton, elles sont redressées et remontées à la surface. Des chantiers de démolition, installés sur les îles Orcades même, procèdent à leur démantèlement.
Pour les plus grosses épaves, comme les cuirassés, il est inenvisageable d’espérer les renflouer avec à des câbles des treuils et des pontons. Le croiseur Hindenburg de 27.000 tonnes, posé droit sur le fond et dont les mâts, cheminées et superstructures émergent, semble le plus facile à remonter.
L'épave du Hindenburg
- Carte postale - D.R.
Après auscultation du
navire par les scaphandriers, il s’avère que plus de 700 ouvertures
sont à colmater afin que le pompage de l’eau contenue dans la coque
puisse être
efficace. Pour une meilleure étanchéité, les «
tapes » servant à boucher les trous sont enduites de suif.
Les poissons de la baie trouvent le produit à leur goût et
le mangent rapidement. Les scaphandriers doivent remplacer le suif par
un ciment moins comestible.
Les pompes à gros débit, de l’ordre de 3600 litres/heure, se mettent en action. Très rapidement, le Hindenbourg se soulève de l’arrière mais prend de la gîte. Un palan tendu entre les superstructures du cuirassé et le mât du torpilleur V83 échoué à tribord n’y fait rien. La bande s’aggrave et le navire est à nouveau échoué sur le fond.
Ce premier échec coûte
750.000 marks à la Cox and Danks. Une deuxième tentative
ne donne aucun résultat, le navire menaçant de chavirer de
l’autre côté. Ce n’est qu’à la troisième tentative
et après avoir eu recours à 40 pompes étanches, une
par compartiment, que le navire daigne regagner la surface. La Cox and
Danks a dépensé au total 1.400.000 marks pour ce seul
sauvetage.
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Monsieur Cox décide de s’attaquer au Moltke, cuirassé de 23.00 tonnes et de 186 mètres de long. Entraîné par le poids de ses tourelles de canons de 305 mm, il s’est retourné lors de son naufrage.
Le SMS MOLTKE
- Carte postale - D.R.
Ce type d’opération n’a
aucun antécédent, la société Cox and
Danks doit faire preuve de génie et d'ingéniosité
pour inventer des techniques nouvelles afin de parvenir à son but.
Elle imagine une solution qui permet de faire travailler des ouvriers au
sec à l’intérieur même de l’épave alors que
celle-ci repose toujours au fond de la baie. D’abord, des scaphandriers
ont introduit de l’air dans une partie de la coque par le bas afin de créer
des bulles d’air. Puis, ils utilisent d’énormes tuyaux provenant
d’une chaudière qui, soudés ensembles, sont ensuite fixés
sur la coque de l’épave retournée, formant un tunnel vertical
la reliant à la surface. Les ouvriers peuvent alors pénétrer
en haut du tube par un panneau mobile dans un sas pressurisé. Ensuite,
un autre panneau mobile est ouvert, les ouvriers pénètrent
dans l’épave en colmatant une à une les brèches, compartiments
après compartiments.
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Dessin : D.Resse - GRIEME
Chantiers COX and
DANKS - D.R.
Il est assez facile d’imaginer la pénibilité de ce travail dans le noir, l’humidité, la puanteur. Sans compter les difficultés rencontrées du fait du retournement des épaves. Des échafaudages doivent être érigés dans chaque compartiment afin d’accéder aux portes situées au-dessus. Il y a même quelques accidents, essentiellement dus à des incendies et des explosions lors d’opérations de découpage au chalumeau.
Sauveteur remontant des souvenirs
Photo extraite du livre "Scapa
Flow from Grayveyard to Resurrection de S.Mills"
Après juillet 1931, et ayant remonté 32 bateaux de la flotte allemande, à cause de la chute du prix de la ferraille, Cox and Danks vend ses intérêts à Scapa Flow à « Alloa Compagny » qui, plus tard, prendra le nom de « Metal Industries Ltd ». Cette compagnie remontera d’abord le Bayern, puis après 8 mois de travail, c’est le Konig Albert qui revoit le jour. En 1936, c’est au tour du Kaiserin d’être renfloué.
Le sauvetage du Bayern
par Métal Industries Ltd
Photo extraite de "Scapa
Flow from graveyard to resurrection de S.Mills"
En 1937, le Friedrichder
Grosse de 25.000 tonnes remonte à la surface.
En 1938, le GrosserKurfurst
suit la même voie.
En 1939, le Derfflinger
sera le dernier à sortir de l’eau. Il sera remorqué derrière
l’île Rysa Little où il sera maintenu à
flot durant toute la guerre par injection d’air comprimé.
Le Derfflinger jaillit
hors de l'eau - D.R.
Les événements en Europe se précipitant, l’Amirauté anglaise requière l’utilisation de la baie de Scapa Flow comme base navale à part entière. Ainsi se termine ce chapitre unique dans l’histoire du sauvetage en mer.
Après la seconde guerre mondiale, Métal Industies Ltd procédent à la récupération de «blockships» autour de Scapa Flow, terminant ainsi le démantèlement du Derflinger et ferme finalement sa base à Lyness.
La grande profondeur, leur position sur le fond et sûrement le manque de rentabilité scellent le sort des 7 navires restant. Le Konig, le Markgraf, le Kronprinz Wilhelm, le Brummer, le Köln, le Karlsruhe et le Dresden reposent désormais dans la baie de Scapa Flow, leur tombeau pour l’éternité.
Carte postale vendue à
STROMNESS
- Les épaves de Scapa Flow
SCAPA
FLOW ENFIN !
Quand nous sommes descendus
du petit avion à hélices Saab sur l’aéroport
de Kirkwall, j’ai ressenti l’impression d’être, sinon au bout
du monde, du moins de ne pas en
être bien loin. Presque 9 heures de voyage tout de même, 3
avions différents… Une petite expédition !
Sur le tarmac de l’aéroport, les paroles du Vice amiral Von Reuter me reviennent en mémoire :
« L’internement pesait sur nous tous. Cependant ce que la camaraderie ne pouvait nous donner et ce que la haine de l’ennemi ne pouvait nous ravir, c’était les merveilles que la nature nous offrait à Scapa Flow. Certes, le spectacle qui nous était offert était sauvage et désolé. De l’eau, des montagnes, rien d’autre. Et pourtant, ce coin de terre abandonné avait son charme, sa beauté. Pas dans la journée car sous faible lumière solaire ou sous les lourds nuages chargés de pluie, tout était gris dans une atmosphère grise. Mais les soirs et les nuits effaçaient cette grisaille. Et les couchers de soleil ! Ils étaient merveilleux dans leur magnificence picturale. Tel fut un soir de mai. Le soleil ne sombrait sous l’horizon qu’à une heure tardive et tout ce qu’il avait de couleur il l’avait versé dans le ciel. Le spectacle était grandiose, empoignant. Cependant comme s’il n’y avait pas encore assez de beauté, une aurore boréale jeta son dôme de lumière dans le champ de couleur. Les nuages rutilèrent et leur couleur d’incendie escalada les sombres et froids rochers des Orcades. Il y a bien un Dieu. »
Et c’est vrai, le paysage est grandiose. Austère certes, mais d’une beauté sauvage et rude. Autour de nous, des prairies vallonnées où paissent des troupeaux de bovins et surtout de moutons. Au loin, des îles formées de montagnes noires et arides. Et partout où le regard se pose, de l’eau, que de l’eau ! Déjà, dans l’avion, au travers du petit hublot je voyais l’océan à perte de vue, parsemé d’îles réunies quelques fois par les fameux « Churchill barriers » destinées à empêcher toute pénétration ennemie dans la baie de Scapa Flow.
Christian Durst nous accueille dans le hall de l’aéroport. Après avoir récupéré nos bagages, nous partons pour le but ultime de notre voyage. Une quarantaine de minutes plus tard, nous sommes sur le quai du port de Stromness devant le «Walkyrie» notre bateau pour la semaine. Immédiatement nous savons que notre séjour va être à la hauteur de nos espérances. Le bateau est confortable au possible, la météo que nous avons eu la curiosité de consulter sur Internet avant de partir promet d’être clémente, bien que l’on prétende ici que si l’on n’aime pas le climat des Orcades, il suffit d’attendre un quart d’heure… Cela finit par changer !
Hazel et Helen, nos «capitaines» nous briefent sur la meilleure façon de se comporter sur leur bateau, (et au regard de la carrure de Hazel personne n’eut envie de déroger aux règles durant le séjour). Nos hôtes nous laissent nous installer et nous attabler devant un whisky… Highlands Park… Bien sûr !
Après une nuit réparatrice, un solide petit déjeuner, nous nous retrouvons tous au carré pour le premier briefing de plongée de Christian Durst. C’est dans l’eau que nous pourrons mesurer l’importance de ses explications. Toutes les épaves sont immenses et la visibilité sous l’eau, aussi bonne soit elle, ne permet pas de se repérer immédiatement. Les documents et les renseignements que nous aura fourni Christian avant chaque immersion, auront à chaque fois fait gagner un temps précieux une fois stabilisé au fond. Pour notre 1ère plongée à Scapa Flow, Christian nous propose le SMS KARLSRUHE.
SMS Karlsruhe
(carte postale Charles Tait)
Le sigle SMS devant chaque navire de la KAISERLICHE MARINE signifie : "Seiner Majestät Schiff", navire de sa majesté. Le SMS Karlsruhe était donc un croiseur léger de la classe Königsberg. Construit à Wilhelshaven par la société Impérial Dockyard et mis en service en 1916, il était long de 151 mètres, large de 14 m et d’un tirant d’eau de 6 m pour un poids de 5440 tonnes. Ses 2 hélices mues par 2 turbines charbon/fuel l’entraînaient à la vitesse maximum de 29 nœuds et, pour se faire, ses soutes contenaient 1340 tonnes de charbon et 500 tonnes de fuel. Le blindage de ces navires était particulièrement impressionnant, imaginez : Poste de contrôle de tir : 100 mm de blindage ; coque : de 18 à 60 mm suivant les endroits ; le plus épais au niveau des machines et des soutes à munitions ; boucliers des canons : 50 mm d’acier… Et pour le faire fonctionner, pas moins de 475 hommes dont 25 officiers.
Bon, mais assez discuté ! Combinaison étanche enfilée, 15 litres Nitrox 32 sur le dos et appareil photo assuré sur le gilet, nous palmons dans une eau claire… Oui ! Qui plus est, calme et sans courant ! Nous nous dirigeons vers la balise qui matérialise l’épave. La température est très supportable (12°) et le soleil qui illumine la baie pénètre profondément dans l’eau.
L’épave est couchée sur le flanc tribord, vers 24 mètres de profondeur. La visibilité, de l’ordre d’une quinzaine de mètres, me révèle ce qui semble être la place des machines. Les scaphandriers et le temps ayant fait leur œuvre, j’ai du mal à me retrouver parmi les débris.
Sur la SMS Karlsruhe
Épaule droite contre l’épave, suivant les conseils de Christian, nous nous dirigeons rapidement vers la poupe qui est en très bon état. Les structures du navire prennent forme, les apparaux de pont se détaillent et révèlent leur utilité passée. Ici un énorme chaumard, là 2 bittes d’amarrage démesurées, plus loin, un canon de 150 mm. que je prends le temps de photographier.
Un canon de 150 mm du SMS
Karlsruhe
Le cabestan et enfin la poupe
arrondie de Karlsruhe d’où émerge encore l’ancre stoppent
notre progression. L’image est superbe, magnifique… Jamais, jamais je n’arriverai
à restituer cette vision dans l’écran de mon petit appareil.
Par dépit, je "mitraille"… Il y en aura bien UNE de correcte !
L’avant du navire est lui aussi dans un très bon état de conservation. Je tiens à le visiter. Sans s’attarder, et en prenant soin de faire le trajet sur le pan bâbord à 15 mètres, nous progressons vers l’étrave. La curiosité nous pousse à jauger l’épaisseur du blindage de la tour du poste de tir et à éclairer l’intérieur à travers une "meurtrière". Il ne reste rien, bien sûr, tout ayant été démonté avant l’arrivée de la flotte à Scapa Flow.
Un peu plus loin, c’est encore un canon qui retient notre attention. Afin de donner une échelle à ma photo, je demande à Domie de poser derrière le bouclier, mais il est si long que je ne distingue bientôt plus qu’une ombre indistincte dans le vert de la masse d’eau qui nous entoure.
Canon à l'avant du SMS
Karlsruhe
Un bref coup d’œil à mon "ordi" me rassure. J’improvise une séance photo sur les deux cabestans du pont avant. Ils sont gigantesques et leur poids, sûrement hors du commun, a déformé les tôles du pont. Ils sont désormais tout près, l’un à côté de l’autre, les chaînes encore à poste. Un index pointé vers le haut, un grognement dans le détendeur, un pouce pour se déplacer à gauche, patiente, Domie se plie à mes exigences.
Cabestans sur la plage avant
du Karlsruhe
Bientôt 40 minutes qui se sont écoulées. Ni le froid, ni la lassitude ne pourraient avoir raison de notre plaisir. Les chiffres sur l’écran de nos "ordis" nous ramènent à la raison… 12 minutes à 3 mètres ! Nous décidons néanmoins de retourner à la balise, je trouverai bIen encore quelques photos à prendre sur la coque, et la visibilité me fait penser que je n’aurai aucun mal à retrouver ce bout. Bien m’en a pris, car quelques minutes plus tard, nous entamons notre remontée en toute sécurité, à l’abri de cette maigre protection.
Tout au long de la semaine, nous avons pratiquement toujours retrouvé le mouillage. En effet, la visibilité qui a toujours été très bonne, ainsi que la grande aisance d’orientation sur une épave ont facilité notre tâche. Le côté très professionnel et rassurant d'Hazel et Hélèn, leur grande expérience ont toujours procurés un sentiment de sécurité permanent.
Paliers terminés, signe OK en direction du Walkyrie sont le signal d'un pur moment de bonheur… la remontée sur le pont grâce à un ascenseur ! Sur un signe d'Hélen, 3 coups de palmes, on se positionne debout sur la grille, les mains bien assurées sur les rebords de chaque coté, un coup de tête et quelques secondes plus tard je suis debout sur le pont … «thank you, Helen !» Christian nous fait une démonstration en 3 photos :
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Je vais vous faire grâce du récit des 11 autres plongées que nous avons faites durant cette semaine. Dans les mêmes conditions, nous nous sommes immergés sur les croiseurs légers KÖLN, DRESDEN, et BRUMMER. Les plongées que nous avons réalisées sur les cuirassés KRONPRINZWILHELM et MARKGRAF sont en même temps inoubliables et frustrantes. En effet leur taille monstrueuse, la profondeur limitant l'immersion, laissent à penser que l’on n’a pas vu grand chose. Sur ces 2 épaves, nous sommes descendus tous ensembles derrière Christian afin que celui-ci nous indique l’endroit où se trouvaient les impressionnants canons de 305 mm que, sans lui, nous aurions sûrement manqué.
Canon du SMS KOLN
Vision étonnante... Image revue et
corrigée par le GRIEME !
Ancre de poupe du SMS KOLN
La vigie du SMS Brummer
Il existe aussi à Scapa Flow des épaves qui n’ont rien à voir avec la flotte allemande, sabordée en juin 1919. Ainsi, nous avons pu découvrir 3 épaves qui valent le détour pour leur intérêt historique d’abord, qui n’est pas négligeable, mais également pour leur situation intéressante du point de vue géographique. En effet, ces épaves permettent de plonger par météo capricieuse ou l’après midi après une «profonde».
Le HMS Rodean, vapeur de 85 m de long, 12 m de large, tirant d’eau de 6 m, a été construit en 1897. Ses 2 hélices animées, par 2 machines triple expansion, le propulsaient à 19,5 nœuds sur la ligne Milford-Haven/Waterford en Irlande.
Au début de la 1ère guerre mondiale, il est transformé en dragueur de mines. Ironie du sort, il va terminer sa carrière en sautant sur une mine, en 1915, à l’entrée de Scapa Flow. Arasée à l’explosif par la Royal Navy, elle repose par 15 m de fond dans une zone vaseuse où le plongeur devra parfaitement maîtriser sa flottabilité s’il veut profiter de la visibilité aléatoire du site. Néanmoins, le HMS Roedean a représenté pour nous une belle alternative, un jour où, le vent a atteint force 8.
L'étrave du HMS ROEDEAN
L’épave du F2 ne représente sûrement pas le «must» de la plongée à Scapa Flow. Mais l’après-midi, après un séjour profond sur un cuirassé, elle est une solution de replis très intéressante. La carrière de ce navire commence à Kiel où il est lancé en 1936. C’est un petit navire d’escorte de 75 m de long, de 8,8 m de large et d’un tirant d’eau de 3,35 m.
2 turbines pour 2 hélices
lui confèrent une vitesse de 28 nœuds. On le dote d’un armement
composé de 2 canons de 105 mm et de 2 canons de DCA de 20 mm.
Après la guerre, il
est cédé aux alliés au titre de réparation
de guerre et rallie les îles Orcades. Le 30 décembre
1946, il sombre lors d’une violente tempête. Ce n’est qu’en 1946
qu’une société de récupération de matériaux
achète l’épave dans le but de la ferrailler. Ses restes seront
définitivement abandonnés et livrés aux plongeurs
passionnés de «tôles». En 1968, la barge de 550
tonnes utilisée pour son démantèlement sombre à
côté de lui. Un bout relie les deux épaves et il est
encore possible de voir dans la barge des pièces extraites du
F2
dont un des canons de DCA. Sur le F2, notre visite s’est limitée
à la partie avant, couchée sur bâbord à 18 m
de profondeur, particulièrement photogénique avec son canon
encore à poste. La partie arrière n’étant plus qu’un
amas de ferraille informe.
Le canon sur la plage avant
du F2
Pour la dernière plongée de notre séjour, Christian nous propose l’épave du torpilleur V83. Peu profonde (nous décollons le lendemain matin !) et particulièrement photogénique, elle est de son propre avis, incontournable. J’ai lu à maintes reprises le livre du Vice Amiral Friedrich RUGE, " SCAPA FLOW 1919 - La fin de la flotte allemande » embarqué sur le torpilleur B110. Une plongée sur ce type de navire n’est pas pour me déplaire… Au contraire !
50 destroyers allemands furent internés à Scapa Flow en 1918. En juin 1919, 32 furent coulés totalement ou partiellement, les Anglais réussirent à en échouer 18. Le V83 avait été construit à Hambourg, mis en service en juillet 1916, 2 jours trop tard pour qu’il puisse participer à la bataille de Jütland. 2 turbines pour 2 hélices, 29 nœuds de vitesse, 82 m de long, 8,3 m de large, un tirant d’eau de 3,4 m, un poids de 924 tonnes et 87 hommes d’équipages… à la description du navire, on peut imaginer que durant les presque 7 mois d’internement la qualité de vie à bord n’a pas dû être des plus confortable !
Totalement coulé, la société Cox and Danks le renfloua et s’en servit pour participer au relevage du Hindenburg. Puis il fut immergé là où il repose actuellement, presque sur le rivage, à l’est de l’île de Rysa Little. La plongée est des plus facile (16 m de profondeur !), le V83 est très coloré, ses formes estompées par les longues feuilles de kelp qui la recouvrent. Malgré notre manque d’enthousiasme au départ, c’est au terme de 70 minutes que nous sommes remontés vers le Walkyrie.
Le V83 échoué
à Rysa Little
Photo extraite de Scapa
Flow from graveyard to resurrection
Chaudière et canon du
V83
Je ne saurai terminer ce récit
sans joindre quelques photos destinées à ceux pour qui la
«tôle» voire la «plongée» n’est pas
la priorité. La faune et la flore sont bien présentes et
très variées sur les épaves de Scapa Flow.
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Quand à la ville par elle même, paysage, balades, musées, bars, restaurants sont incontournables après la plongée !
Ainsi s’est déroulé notre voyage. C’était un rêve et je l’ai vécu comme un rêve. Rien d’extraordinaire, un rêve à la portée de tous. Mais une semaine c’est trop court et, c’est sûr, j’y retournerai ! La passion de Christian Durst est contagieuse, il m’avait prévenu. Merci à toi malgré ça, c’est avec bonheur que je me suis fait contaminé.
SEQUENCE
PHOTOS - VIDEOS
(Page
avec séquence vidéo sous-marine haut débit hautement
recommandé)
A visionner
-Séquence vidéo par François, le vidéaste
du GRIEME
(Accéder
à la séquence
vidéo sous-marine sur Scapa Flow - Haut débit hautement
recommandé)
PHOTOS
SOUS-MARINES
Dominique
RESSE - GRIEME
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