BERKELEY (L17) et Opération JUBILEE
Sources
: SAGA DES EPAVES DE LA COTE D'ALBATRE
(Page avec séquence vidéo sous-marine haut débit hautement recommandé)
Mise
à jour
06-Mai-2013 10:56
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PREAMBULE
19
août 1942 à l’aube...
Les zones de couleur de l'Opération Jubilee dont la zone blanche ou opérait le HMS Berkeley
Les habitants de Dieppe et de sa région sont réveillés par le son du canon. Sur les plages de la ville et des environs, 6000 hommes tentent de prendre pied en débarquant sur les plages de Dieppe et de la région, entre Varengeville-sur-Mer et Berneval.
Si les canadiens constituent le plus gros des effectifs, il y a également des britanniques, des américains, des polonais, quelques belges et australiens, ainsi qu'une quinzaine de français du Commando Kieffer.
Les troupes arrivent à bord de quelques 150 navires partis la veille de Newhaven, Shoreham, Southampton, Portsmouth. C'est le début de l'Opération Jubilee, un incroyable "massacre" qui poussera l'état-major Alliés à sérieusement reconsidérer toute opération de ce type.
Des bâtiments de toutes les tailles et de toutes les formes : des chalands de débarquement, des destroyers, des contre-torpilleurs, des dragueurs de mines. Il ne s’agissait donc pas d’un débarquement, mais bien d’un "coup de main" de la part des Alliés qui devenaient de plus en plus entreprenants en cette année 1942.
Le raid devait calmer la colère de Staline qui exigeait l'ouverture d'un second front à l'ouest pour soulager ses troupes à l'est. Les objectifs sont limités : des batteries de canons à détruire et une occupation de la ville pendant quelques heures. Après quoi, les troupes doivent se replier vers l'Angleterre. Mais ce scénario tourne au fiasco. Une partie de l'armada du raid est repérée au large par des navires allemands.
C'est donc sous un feu nourri que les barges gagnent le rivage. Les premières troupes mettent le pied sur la plage de Dieppe à 5 h 20. Dès 6 h 45, la B.B.C. prévenait la population dieppoise : « il ne s’agit que d’un raid, et non d’une invasion ». La consigne donnée aux populations est claire, « ne bougez pas, ne vous exposez pas aux représailles de l’occupant allemand ».
A Varengeville-sur-Mer, les commandos réussissent à détruire six canons. C'est le seul succès de l'Opération Jubilee qui se solde par un bilan catastrophique : 1200 tués dont 913 canadiens, 1600 blessés et plus de 2000 prisonniers.
Dans les airs, plus de huit cents avions Alliés ont été mobilisés, avec pour objectif la destruction des dépôts de munitions allemands et le soutien aux troupes au sol. Ce sont principalement des appareils de type Hurricane (20 avions), Spitfire (64), Lancaster, Boston (6) et Mustang (10) qui prennent part au combat.
(A lire sur notre site, l'Opération Hélice menée par le GRIEME pour renflouer une partie d'avion localisée sur l'épave du Daffodil).
Pendant ce temps, sur les plages, les blindés et autres matériels s'avèrent inadaptés au débarquement sur une plage de galets, handicapant lourdement leur progression et offrant à l'ennemi des cibles "faciles" à toucher. Enfin, les communications entre le navire de commandement Calpe et les troupes à terre ne sont pas des meilleures, ce qui ne facilite pas le déroulement des opérations.
Des historiens parlent de gaspillage inutile en vies humaines. D'autres préfèrent évoquer une sorte de répétition générale du débarquement en Normandie. Les deux thèses sont probablement bonnes, mais était-ce vraiment indispensable d'engager un raid aussi meurtrier avec autant d'hommes ? Quelques points de réflexion :
. A 9 h 00, l'ordre de retrait est arrêté pour 11 h 00.
. A 13 h 00, le signal de repli était donné, les soldats quittaient la plage encombrée de carcasses de chars et de cadavres.
. Dans l'après-midi du 19 août 1942, les derniers survivants rendent les armes et les prisonniers sont regroupés dans le centre de Dieppe.
LE HMS BERKELEY DANS L'OPERATION JUBILEE
La flotte engagée dans l'Opération Jubilee est composée de nombreux navires de toutes sortes dont plusieurs "destroyers" de la classe Hunt. Le navire HMS CALPE servira de navire de liaison pour le "coup de main" sur Dieppe. On comptera, parmi les bâtiments du groupe de soutien appui-feu de cet incroyable raid, le HMS Berkeley.
Mortellement touché, le destroyer sera "achevé" par un de ses frères d'armes et sombrera dans les eaux de la Côte d'Albâtre à moins de 5 miles du rivage.
Le Bleasdale |
Le Calpe |
Le Garth |
Le Slazak |
Le Brocklesby |
Le Fernie |
CLASSE HUNT - UNE RACE DE "CHASSEURS"
Durant la seconde guerre mondiale, la Royale Navy avait identifié la nécessité de disposer de deux types de "destroyer". Le premier type se devait d'être assez grand, puissamment armé et doté de torpilles. Le second type était davantage destiné à des missions d'escorte qui auraient d'ailleurs pu être menées par d'anciens navires existants au sein de la flotte britannique. Le choix de construire de nouveaux bateaux pour ces missions fût cependant retenu.
Il est important de signaler que ces destroyers n'étaient pas vraiment adaptés aux vitesses modérées qui étaient celles des convois. Obligés de réduire leur allure, ces navires se montraient parfois peu dociles à la mer. Leurs équipements et leurs superstructures les handicapaient sévèrement. De nombreuses modifications furent nécessaires pour rendre ces navires "acceptables" en navigation lente.
Les navires d'escorte ont été "allégés" au niveau de l'armement lourd et la vitesse a été sacrifiée afin de réduire singulièrement le coût de construction, sachant qu'il était prévu de les faire naviguer à faible allure. Ainsi, ces modifications permirent une réduction importante du coût unitaire de fabrication, favorisant ainsi une construction en série.
Globalement, la conception de ces navires n'était pas franchement adaptée pour de longues navigations océaniques, et c'est principalement en Manche et en Méditerranée que ces bâtiments furent employés. Quatre-vingt-six navires de différents types furent construits dont 72 affectés à la Royale Navy. 14 bâtiments furent transférés aux marines alliées, dont le HMS HALDON remis aux Forces Navales de la France Libre. Ce destroyer prendra le nom de La Combattante (Voir fiche sur notre site).
LE HMS BERKELEY
"God with us - Dieu avec nous" - La devise de ce destroyer ("destructeur")
(Le HMS Berkeley ou L17)
L'histoire du HMS Berkeley est indissociable de l'Opération Jubilee. En effet, sans ce coup de main des Alliés sur la cité d'Ango, ce navire serait probablement passé inaperçu dans le second conflit mondial. Il est malgré tout essentiel de rappeler ce que fût la courte carrière de ce destroyer classe Hunt Type 1. Le HMS Berkeley, lancé le 29 janvier 1940, est très vite admis au service actif.
Le navire est construit aux Chantiers de Cammell LAIRD & Co Ltd à Birkenhead (Nord-Ouest de l'Angleterre), tout comme le très célèbre HMS Ark Royal qui sera l'un des fleurons de la Royal Navy. Cependant, les deux navires n'auront pas la même longévité et ne connaitront nullement la même gloire.
4 affût de Pom Pom d’origine (40 mm) 2 affûts doubles oerlikon de 20 mm AA + des charges Anti S/Marines |
|
puis achevé par les forces alliés |
|
Coordonnées géodésiques |
49° 59’ 765 N 001° 02’ 500 E Position du 2 ème morceau 49° 59’ 757N 001° 02’ 350 E Position du 3 ème morceau 49°59'757 N 001°02'500 E |
Le Lieutenant John Simon Yorke (Commandant
le Berkeley le jour de l'Opération
Jubilee)
LES COMMANDANTS DU HMS BERKELEY
Commandants |
De |
A |
|
1 | Lt.Cdr. Hugh Graves Walters |
26 Fev 1940 |
Dec 1941 |
2 | Lt. Henry Alexander Stuart-Menteth |
Dec 1941 |
27 Mar 1942 |
3 | Lt. James John Simon Yorke (voir photo ci-dessus) |
27 Mar 1942 |
19 Aut 1942 |
On retrouve le HMS Berkeley en appui dans l'évacuation des troupes et civils de la baie de Biscaye en 1940, durant l'opération AERIAL. Le navire prend également part à des opérations du port de La Pallice, ainsi que sur le Verdon en Gironde. En juin 1940 il est affecté à la 1st Destroyer Flotilla à Porsmouth.
L'année 1941 sera ponctuée pour le HMS Berkeley de missions d'escorte, essentiellement en Manche.
Enfin, l'année 1942 où le destroyer sera engagé plus activement dans le conflit en participant en Mer du Nord, sans succès, à la "chasse" des navires allemands Scharnhorst et Gneisenau.
Le HMS Berkeley sera intégré à la force d'assaut de l'Opération Jubilee en juillet 1942 auprès des destroyers Bleasdale, Calpe (navire de commandement), Garth, Slazak (navire de la marime polonaise), Brocklesby et Fernie.
Ecran de fumée du HMS Berkeley lors de l'Opération Jubilee à Dieppe
Alors que la bataille fait rage, de Dieppe, vers 10 h 00, l’aviation allemande s’en prend aux navires Alliés qui se défendent vigoureusement. Le HMS Berkeley est alors en cours de rembarquement de troupes dans le secteur "Plage Blanche".
Vers 13 h 18 au large de "White Beach", un «Dornier» touché par la D.C.A. se décharge de ses bombes à la hâte avant de s’écraser à côté du Tréport. L’un de ses projectiles tombe sur le Berkeley et le touche très sérieusement. Le navire est condamné et, malgré les efforts de l'équipage et des navires amis, le bâtiment s’enfonce partiellement. Le raid est "terminé" pour le destroyer mortellement touché.
(Photo DR)
Alors que les Alliés ont maintenant la certitude que le navire est perdu, se pose le problème d'abandonner à l'ennemi allemand un tel bâtiment. Que faire ? Etant absolument certain de ne pouvoir le "sauver" dans la tourmente de l'Opération Jubilee, les Alliés décident de le couler sur zone. Sera-t-il plastiqué par des artificiers qui montèrent à bord ou au contraire torpillé ?
C'est vers 13 h 40 qu'une torpille tirée du HMS Albrighton, appartenant également à la 1st Destroyer Flotilla, enverra le chasseur par le fond pour l'éternité.
HMS
Albrighton
L'équipage trouvera refuge sur le SGB 8 (Steam Gun Boat) dénommé également le "Loup Gris".
Le Berkeley irrémédiablement touché |
La torpille du HMS
Albrighton "achève" le Berkeley |
Le navire frère HMS
Albrighton "qui a donné le coup de grace" au Berkeley - Droits Réservés
HOMMAGE AUX HOMMES DU BERKELEY
Les pertes en personnel du destroyer
Nom |
Prénom |
Age |
Grade |
Matricule |
Simonsen |
Petter Haavik |
38 |
Lt.(E) |
n/k |
Connell |
Samuel |
21 |
SBA |
P/MX94009 |
Cooper |
Charles Roy |
38 |
Ass.Stwd. |
P/LX25389 |
George |
Archie Frederick |
34 |
A.B. |
P/JX215549 |
Hastie |
James |
31 |
Sto.2. |
P/KX131920 |
Haylett |
George Edward |
29 |
Sto.2. |
P/KX128035 |
Lowe |
Thomas |
n/k |
L.Sea. |
P/J23400 |
Martin |
Walter James |
40 |
A.B. |
P/J83878 |
Mitchard |
Leonard Frank |
n/k |
L.Ck(S) |
P/MX51915 |
Moody |
Albert Thomas |
33 |
P.O. |
P/J114465 |
Pease |
Arthur William James |
n/k |
A.B. |
P/JX182632 |
Smith |
Douglas Gordon |
30 |
A.B. |
P/JX265534 |
Stone |
Frederick |
21 |
L.Ck(S) |
P/MX60573 |
Totton |
Herbert Frank |
35 |
P.O.Sto |
P/X66243 |
Earle |
Joseph Edward |
n/k |
A.B. |
P/JX167226 |
FRAGMENT DE MEMOIRE AVEC JACQUES NADEAU
Réalisation Gérard Paillard ADRIA Films 2003 en collaboration avec le GRIEME
Haut débit ADSL indispensable
PLONGEE SUR LE HMS BERKELEY
(Dessin du HMS Berkeley par Yvon Chartier - 2000)
SEQUENCE PHOTOS ET VIDEO SUR LE BERKELEY
(Page avec séquence vidéo du Berkeley - Haut débit fortement recommandé
Aujourd’hui, l’épave est complètement disloquée en trois morceaux qui reposent à plus de 100 m les uns des autres.
Le canon sur la partie arrière pointe toujours ses 2 fûts vers le ciel, tandis que la partie centrale, la plus importante, comporte encore des restes de passerelle, les chaudières et les 2 arbres d’hélices.
On y voit encore des fourneaux et des
bacs provenant vraisemblablement des cuisines du navire, et une baignoire
qui était celle de la cabine du capitaine.
On peut encore apercevoir des munitions et un certain nombre de pièces du destroyer, mais l'épave s'enfonce doucement, "mangée" par le sable, les marées et les années.
Le musée de Pourville
exposait en son temps quelques objets remontés de l’épave.
On peut aujourd’hui voir la cloche du navire retrouvée en février
2000 et qui à ce jour est exposée au Château Musée
de Dieppe.
Crédit Photo GRIEME
*** Inventeurs (Prisca MARESTER/René TAMARELLE/Olivier
GENTIL)
Vous désirez voir la cloche
du BERKELEY ! Rien de plus facile
Rendez-vous au Mémorial
du 19 Août 1942 à Dieppe/Ancien théâtre
Vous y découvrirez toute une exposition
sur l'Opération
Jubilee
et vous pourrez admirer la cloche du
H.M.S.
BERKELEY
DEVOIR DE MEMOIRE ET CONSERVATION DU PATRIMOINE
Conformément à ses objectifs et statuts, le GRIEME s'engage dans la conservation du patrimoine sous-marin du littoral haut-normand. Depuis plusieurs années, en relation étroite avec le DRASSM, notre association contribue à l'inventaire des épaves des côtes françaises. Ce travail de cartographie représente un investissement important à la fois au niveau du nombre de sorties en mer, mais également de part la multiplication des plongées de vérification. Pour cela, le GRIEME s'appuie sur des matériels de sondage électronique avec compilation de données sur ordinateur. Les informations recueillies sont ensuite regroupées dans une base de données accessible à tout internaute via notre site www.grieme.org
Les conditions météorologiques en Manche ne sont pas toujours propices au travail d'inventaire. Les plongées ne peuvent être planifiées de façon certaine et se trouvent souvent annulées à cause d'un vent trop violent, interdisant toute sortie dans des conditions raisonnables de sécurité. La cartographie s'échelonne ainsi sur un temps beaucoup plus long.
Les nombreuses immersions des plongeurs du GRIEME doivent permettre donc de confirmer des points de croche, des hypothèses, des épaves. A l'occasion, nos plongées, mesures, prises de vue photographiques et vidéos sont réalisées par les membres de notre groupe. Lors de la découverte de matériel ou mobilier divers, les objets sont remontés à la surface et traités dans différents bains afin d'assurer leur conservation. Toutes ces découvertes font l'objet de déclaration au DRASSM.
La destination finale des objets varie selon la nature de la découverte. Citons pour exemple emblématique, la cloche du voilier Saint-Simon remise au Musée de Fécamp (A lire sur notre site). Evoquons également le renflouage d'une hélice d'avion remise à l'Association Jubilee de Dieppe (Lire Opération Hélice sur notre site)
Toujours dans le cadre de l'Opération Jubilee, le GRIEME, en accord avec le DRASSM, a souhaité remettre à l'Association du 19 Août 1942 de Dieppe, un objet récemment trouvé sur le navire UJ1404 (dénommé également Franken). Il s'agit d'une tasse estampillée de l'aigle à croix gammée. C'est au cours d'une cérémonie, en présence de plusieurs personnalités officielles canadiennes et françaises, qu'Yvon CHARTIER et Dominique RESSE ont remis, au nom du DRASSM, l'objet en question qui a été "inventé" par François MATHIEU, l'un des 12 Présidents du GRIEME.
TASSE TROUVEE SUR UJ1404
|
A LIRE EGALEMENT
Le 19 août 1942, 913 soldats ont trouvé la mort sur les plages de Dieppe.
Depuis, chaque Dieppois a un Canadien dans son coeur. Ce livre exceptionnel retrace par une somme de détails toute l'opération Jubilee, aussi bien sur terre et sur mer que dans les airs. Photos exclusives, cartes détaillées des opérations, témoignages émouvants des principaux acteurs...
Les auteurs, spécialistes des armées alliées pendant la Seconde Guerre mondiale, ont eu accès à de nouvelles sources d'informations inédites, tant britanniques qu'allemandes. Ils réactualisent nos connaissances sur cet événement dramatique et polémique, trop passé sous silence depuis 60 ans.
QUI EST RESPONSABLE DU MASSACRE DE DIEPPE ?
La thèse officielle battue en brèche
19 août 1942 :
Les organisateurs du raid sur Dieppe du 19 août 1942, que l’on commémore mercredi et jeudi, ont toujours affirmé que l’opération « Jubilee » avait servi de leçon fort utile pour l’organisation deux ans plus tard de l’opération « Overlord ». L’’historien Mike Cartwright, rejoint par d’autres en ce sens y compris au Canada, pays martyr avec 913 morts sur les plages de Dieppe, bat cette hypothèse en brèche (cf l’émission « Histoires possibles et impossibles » diffusée le 6 juin dernier sur France Inter). Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour affirmer que ce raid fut organisé par et pour la gloire de Lord Mountbatten, futur vice-roi des Indes, et que les autorités britanniques le laissèrent s’entêter dans ses « erreurs » pour faire semblant d’ouvrir un deuxième front contre l’Allemagne et contenter ainsi à demi Staline. Sans la cautionner, mais considérant qu’elle est plausible, nous avons décidé de publier aujourd’hui cette thèse. Et surtout sans vouloir offenser l’image des trop nombreuses victimes mortes sur nos plages, dont le sacrifice reste et restera à jamais - utile ou pas, motivé par de basses manœuvres politiques ou pas - le témoin tragique des liens immortels qui unissent pour l’éternité Dieppe et le Canada.
Il y a peu de doute maintenant à propos des responsabilités du désastre du raid sur Dieppe le 19 août 1942 : cette responsabilité était celle du vice-amiral d’escadre Lord Louis Mountbatten. A l’automne 1941 Winston Churchill, sous la pression du roi George VI, l’avait nommé responsable des Opérations combinées. Dans ses fonctions, il avait le commandement de tous les raids exécutés en Europe occupée par les Nazis. Le choix de Mountbatten reposait plus sur sa jeunesse, son enthousiasme, ses relations familiales que sur son expérience ou ses qualités de commandement. Il avait 41 ans, et était le cousin du roi. L’enthousiasme et le courage de Mountbatten étaient évidents car sous son commandement il avait déjà perdu trois navires. C’était sa seule qualification sur le champ de bataille. Ce jeune commandant, sans expérience, devint vice-amiral d’escadre, devançant ainsi ses collègues plus aptes et plus expérimentés que lui. Il est à noter qu’il était charismatique, courageux et surtout bien né. Mountbatten avait un défaut majeur pour l’opération sur Dieppe : il était un pauvre juge des hommes et de leurs compétences. Il se laissait influencer par ses amis et les flagorneurs de son entourage. Il n’acceptait pas et méprisait les critiques. Pas d’agents infiltrés sur le terrain Pendant la planification du raid sur Dieppe, il obtint la destitution du lieutenant général Bernard Montgomery qui lui avait fortement conseillé d’annuler cette opération. Il fait nommer au Comité de Planification le général canadien Crerar, inexpérimenté et présomptueux. Il fait aussi remplacer le vice-amiral Baillie-Groham par le Capitaine J. Hughes-Hallett, un collègue et ami proche de son état-major. Cependant, sa plus grave erreur fut de nommer l’aristocrate, d’origine hispano-cubaine, le Marquis Casa Maury au poste de « Senior Officer for the Combined Operations ». Il obtint pour lui Ie rang « d’Acting Wing Commander » dans la RAF. Ce playboy, coureur automobile, était son ami depuis 1928, Ils avaient l’habitude de sortir ensemble et de faire la fête. Casa Maury excellait dans les domaines de la cinématographie, de la voile et des mondanités. En mai, le Comité pour les Opérations combinées, réuni par Mountbatten, pour organiser les deux phases de l’opération nommée « Operation Rutter » (approximativement 18 heures), avait prévu de débarquer 50 chars sur les pentes douces des plages de Dieppe. Ces chars devaient franchir une digue, traverser une large esplanade pour pénétrer dans la ville par des ruelles étroites menant vers son centre. Les chars, accompagnés par l’infanterie, la traverseraient où peu d’opposition ennemie était prévue, puis se dirigeraient vers le sud à 5 km en direction d’Arques-la-Bataille. Là, ils devaient détruire le quartier général militaire allemand du secteur ; les chars devaient aussi se diriger vers le port afin de détruire tous les navires à quai, les installations portuaires de même qu’une usine pharmaceutique installée à proximité. Ensuite les chars devaient se diriger vers les plages et réembarquer. Les 500 soldats allemands de la 110e Division d’Infanterie en poste étaient considérés comme des conscrits, donc peu qualifiés et peu expérimentés. Tout autre renfort allemand était à plusieurs heures de route, les chars prendraient 24 heures pour se rassembler et rejoindre Dieppe. Casa Maury s’est fié entièrement à l’étude de vues aériennes pour informer le Comité, il n’avait pas jugé utile d’envoyer sur place des agents de renseignements pour vérifier le terrain. Pas de sable, des galets En avril, à Dieppe, la Gestapo avait arrêté et emprisonné douze membres de la résistance locale, et depuis cette date aucune nouvelle information n’était parvenue de la part des Dieppois. Casa Maury n’avait pas demandé d’informations auprès des Dieppois qui étaient alors dans les Forces Françaises Libres au Royaume-Uni. La « British Military Intelligence » passa trop peu de temps à rechercher des photos de vacances prises à Dieppe par des touristes britanniques avant guerre. Le 19 août, les forces canadiennes et britanniques devaient découvrir, à leurs dépens que la plage de Dieppe était raide et rocailleuse, l’emploi des chars étant quasiment impossible sur les galets. Sur les 28 chars qui arrivèrent à franchir la plage, cinq seulement atteignirent l’esplanade, tous les autres furent détruits par le feu ennemi. Les chars qui réussirent à atteindre l’esplanade découvrirent que toutes les voies étaient bloquées par des obstacles anti-char. Seules deux d’entre elles paraissaient libre d’accès. Erreur, elles étaient défendues par des canons anti-chars. Tous les blindés furent capturés ou détruits avant même d’avoir pu franchir l’esplanade. Les falaises crayeuses à l’est et à l’ouest de la ville avaient subi des bombardements de l’artillerie alliée, mais les défenses existantes n’avaient pas été décelées sur les photographies aériennes. A noter qu’il y avait des blockhaus et des canons qui surplombaient la ville, la plage et l’esplanade. Si les chars avaient réussi à pénétrer dans la ville et à arriver jusqu’à Arques-la-Bataille, ils auraient été pilonnés par les batteries anti-aériennes dotées de canons pouvant tirer à tir rasant. Arrivant à Arques-la-Bataille, ils auraient découvert un petit village calme et pittoresque dominé par un château normand non occupé par l’ennemi ; contrairement aux informations reçues, le QG allemand se trouvait en fait à Envermeu, petite ville située à 12 km au sud-est de Dieppe. Dans les environs de Dieppe étaient stationnés 1 500 soldats de la 302e Division d’Infanterie, très bien entraînés et très bien équipés ; à moins de 4 heures de route, les chars de la 10e Panzer Division; à 6 heures les troupes fanatiques et les chars lourds de la SS Adolf Hitler Panzer Group III. Un agent britannique ou français se rendant à Dieppe aurait pu avertir Londres de tous ces problèmes. De ce fait, le plan de l’opération aurait dû subir d’importantes modifications, voire même une annulation complète, mais Casa Maury n’envoya personne à Dieppe. Le Comité de Planification, non avisé de la réalité de la situation, continuera à le mettre en œuvre jusqu’à sa fin tragique. Il semble étrange que Mountbatten n’ait pas demandé l’avis du Premier Ministre sur la topographie de la ville. Churchill y étant un habitué dans les années 20. Ses beaux-parents y avaient même habité et sa belle-mère y était enterrée. En juin, Churchill avait assisté à une simulation de débarquement sur une plage de sable fin de l’île de Wight, et n’avait pas alors mentionné cette différence fondamentale entre cette plage et les galets de Dieppe. Mountbatten commit une autre erreur monumentale en insistant pour qu’il n’y ait pas un commandement unique le jour de l’opération. Il nomma un officier de marine pour superviser la traversée de La Manche, un autre pour commander le débarquement et un troisième pour le réembarquement des hommes. Beaucoup trop compliqué ! Un officier de l’armée canadienne, le Major General « Ham » Roberts - sans expérience militaire - devait commander les troupes une fois débarquées. Un officier de la RAF superviserait les bombardiers et les avions de combat. Personne n’aurait la responsabilité du commandement de la totalité des opérations. Montgomery opposé Pendant la bataille, deux des officiers de marine, le capitaine Hughes-Hallett et le Canadien Roberts, à bord du navire Q.G. HMS Calpe, furent ainsi en désaccord et retardèrent le réembarquement des troupes. Mountbatten devait passer la journée du raid à la base de la RAF à Uxbridge, observant sur une table à cartes les mouvements des avions au-dessus de La Manche (il était à 300 km de Dieppe, mais seulement à 30 km du Palais de Buckingham. Après le raid, Mountbatten explique ce désastre par la décision d’une attaque frontale contre une plage défendue en amont et en aval. Il maintiendra que cette décision était celle de Montgomery, et renouvellera souvent cette affirmation erronée. En avril, le Comité de Planification pour cette opération, dirigée par Mountbatten lui-même, avait pourtant soumis aux « Chiefs of Staff » le plan pour une attaque frontale - soit deux semaines avant que Montgomery n’ait été nommé membre de ce comité. Celui-ci critiqua toute l’opération, la trouvant trop importante, trop ambitieuse, limitée et n’ayant pas d’objectif valable. Il critiqua aussi, constamment et grossièrement, la capacité de la marine à débarquer les chars sur une petite plage en pleine obscurité. Pendant la nuit, l’ennemi ne verrait pas les cibles. Cependant, c’était la seule possibilité d’atteindre la ville sans être détruit. Lors d’une réunion du Comité de Planification, période où Mountbatten était aux Etats-Unis, Montgomery prit la parole et insista pour organiser une simulation de débarquement sur une plage de l’île de Wight. Cette simulation de débarquement eut lieu en juin, alors que Mountbatten était encore à Washington. Les Britanniques défendant la plage prétendirent avoir entièrement détruit les troupes d’attaque. Les péniches de débarquement dans l’obscurité étaient incapables de se diriger vers les plages désignées. Celles qui réussirent étaient en retard, et il faisait jour quand elles touchaient enfin le rivage. Montgomery recommanda vivement que l’opération soit annulée. Mountbatten, de retour des Etats-Unis, furieux de l’intervention de Montgomery, insista pour qu’on organise une nouvelle simulation de débarquement. Celle-ci eut lieu à l’aube du 22 juin. Elle ne fut guère plus probante, car tous les attaquants furent virtuellement capturés. Avec l’aube, plus de péniches de débarquement réussirent à atteindre les plages, mais toujours avec différents retards. En fonction de ces meilleurs résultats, Mountbatten proposa que l’opération soit maintenue, mais qu’elle ait lieu à l’aube, ce qui permettrait aux commandants des péniches de débarquement d’identifier les plages. En contrepartie, les forces allemandes se rendraient compte de l’action en cours. Le timing devenait maintenant critique. Les chars devaient débarquer à intervalles de une à deux minutes avant l’infanterie pour assurer la protection devant les tirs ennemis. Malheureusement, les essais avaient prouvé que la coordination d’un débarquement précis était alors impossible. Dans le cas où les chars n’auraient débarqué que quinze minutes après les troupes, les soldats, après avoir couru sur les galets sous le feu ennemi, devraient prendre protection sous la digue. De la digue, ils virent les chars arriver en retard, déraper, glisser et enfin s’immobiliser derrière eux sur la plage. « Pas de bombardement sur la ville » Pour avoir une seule chance de réussir, il aurait fallu que les forces ennemies soient détruites par des bombardements aériens avant le débarquement. Le Comité de Planification d’avril avait d’ailleurs demandé l’assistance d’un gros bombardement pendant la nuit du débarquement, ce qu’interdisait le gouvernement britannique, car des cibles civiles françaises auraient été touchées. Cependant, Mountbatten demanda et reçut l’autorisation écrite du Premier Ministre pour un bombardement de la ville de Dieppe. Montgomery, après sa nomination au Comité de Planification en mai, s’y opposa vigoureusement. Il maintenait qu’un bombardement alerterait l’ennemi, lui donnerait ainsi le temps de rassembler des renforts dans la région. Les dégâts du bombardement bloqueraient les ruelles étroites et interdiraient aux chars d’entrer dans la ville. Il pensait aussi que le sacrifice de dizaines de civils était trop important pour une opération de si peu d’envergure. En 1942, la précision des bombardements de nuit était encore trop mauvaise. Une bombe qui éclatait à huit kilomètres de sa cible était considérée comme ayant atteint son objectif. A l’époque, le taux de résultat des bombardements de nuit était de 50 %. Le représentant de la Royal Air Force au Comité, l’Air-Vice Marshal Leigh-Mallory, était d’accord avec Montgomery. Le célèbre « Bomber Harris » doutait aussi de l’efficacité d’un raid aérien. Mountbatten, devant ces pressions, accepta d’annuler le bombardement de Dieppe. En échange, la décision fut prise de bombarder les terrains d’aviation allemands aux environs de Boulogne et d’Abbeville.
Le matin du raid, immédiatement après le début des débarquements, des bombardiers légers Boston et des Hurricanes devaient assister les troupes au sol avec des écrans de fumée lâchés entre leurs positions et celles de l’ennemi, ils ne furent d’aucune aide. Montgomery et Baillie-Groham demandèrent qu’un cuirassé armé de canons de 15 inches tire sur les hôtels du front de mer, mais aussi sur les falaises en amont et en aval. Ces tirs lourds détruiraient probablement les blockhaus et, en endommageant les falaises, les feraient s’écrouler sur le front de mer et sur les quais. Cette proposition fut refusée. Montgomery demanda alors l’utilisation de croiseurs armés de canons de 10 inches. Mountbatten informa le Comité qu’aucun croiseur n’était disponible à ce moment précis. Seuls furent utilisés des destroyers : sept de la Royal Navy et un polonais. Leurs canons de 4 inches firent peu de dégâts sur les hôtels du front de mer, et aucun contre les blockhaus des falaises qui resteront intacts. Pendant les mois de juin et juillet, des signaux décodés, par le « British lntelligency » à Bletchly Park, indiquèrent que les défenses allemandes du Mur de l’Atlantique, placées sous le récent commandement du Feld Marshal von Rundstedt, étaient en train d’être renforcées. Il semble que la 10e Panzer Division se situait alors à quatre heures tout au plus de Dieppe. Montgomery insistera sur le fait que le temps à terre devenait de plus en plus réduit et critique. Malgré ces informations, les plans d’invasion prévus entre le 4 et le 8 juillet restèrent inchangés. Le mauvais temps retarda finalement le débarquement, et le 7 juillet l’aviation allemande bombarda, dans le Solent, des navires de troupes britanniques et alliées. Un événement qui devait conduire à l’annulation pure et simple de l’opération « Rutter », au grand soulagement de Montgomery. Mais ce n’est pas pour autant que Mountbatten allait renoncer aussi facilement au raid contre Dieppe. Il le relança sous le nouveau code « Operation Jubilee » et s’assura que Montgomery et Baillie-Groham soient exclus des préparatifs. Un autre élément devait plaider pour le maintien de l’opération : c’est la position des soviétiques. En effet, lors de la visite de Churchill en URSS le 14 août, Staline fit pression pour l’ouverture d’un second front alors que la bataille faisait rage à l’Est. Grâce à des informations reçues par les services du « British lntelligency », les alliés étaient au courant que les Russes étaient sur le point d’envisager un accord de paix avec l’Allemagne. La base de cet accord serait le maintien pour l’Allemagne des territoires occupés. Si Hitler acceptait cette proposition (même temporairement) de retirer ses troupes du front de l’Est et éviter ainsi un second hiver désastreux, il était possible qu’il engage ses troupes pour une invasion du Royaume-Uni avant l’arrivée des renforts américains. L’illusion d’un second front Le président Roosevelt (pro-britannique) avait besoin que Churchill donne l’impression, mais échoue dans sa tentative d’ouverture d’un second front en Europe. De nombreux chefs d’Etat-Major américains voulaient que la défaite des Japonais dans le Pacifique soit prioritaire sur celle des Allemands en Europe. L’inactivité britannique en Europe et leurs échecs successifs en Afrique du Nord ont apporté de l’eau à leur moulin. La relance de l’invasion américaine en Afrique du Nord dépendait d’une offensive en France pendant l’été 1942. Churchill se trouvait donc dans l’obligation de soutenir Mountbatten. Il avait besoin d’un échec, et Mountbatten était le meilleur candidat pour le lui procurer. Le Premier Ministre, lors d’une réunion le 17 juillet, l’autorisa à attaquer Dieppe entre les 18 et 23 août en lui accordant un maximum de 6 000 hommes pour l’opération. Il est évident que les Allemands étaient informés des possibilités d’un débarquement sur la côte française et s’y préparaient. Pouvant calculer, comme la Royal Navy, les dates et les niveaux des marées, ils étaient capables de prendre les mesures nécessaires pour contrer une éventuelle opération maritime. Dès août, Casa Maury avait remarqué une augmentation des activités de défense dans la région de Dieppe. Les photographies aériennes montraient que les accès entre la ville et l’esplanade avaient été bloqués. Déjà on savait que les chars canadiens auraient d’énormes difficultés à pénétrer dans la ville. Une division de chars allemands était stationnée à proximité et pouvait rapidement intervenir. Ce débarquement devenait un suicide. Mountbatten décida de réduire la durée du temps passé à terre à une marée, soit approximativement neuf heures. Il proposa qu’à l’aube, des attaques frontales supplémentaires aient lieu sur les plages à l’Est et à l’Ouest de la ville. Les troupes débarquées devaient vaincre les défenseurs, éviter les mines, escalader les falaises, les traverser et attaquer par le revers afin de faciliter l’opération principale sur Dieppe. Ces débarquements devaient avoir lieu sur la plage de Pourville à 5 km à l’Ouest, et celle de Puys à 4 km à l’Est. En supposant que ces plages aient pu être prises et que les forces allemandes n’aient pas défendu les accès routiers de la ville de Dieppe, il serait alors la moitié de la matinée avant que ce renfort n’arrive pour aider le débarquement principal. L’artillerie allemande aurait eu quatre à cinq heures disponibles pour défendre le front de mer dieppois. Les Canadiens qui débarquèrent tard et en plein jour sur la plage du Puys ne purent pas la franchir. Pas d’assistance aérienne Après un combat courageux, mais inutile, ils durent se rendre. Des 800 Canadiens, 225 furent prisonniers, les autres morts ou blessés. Ceux qui débarquèrent à Pourville réussirent à escalader les falaises à l’Est du village mais essuyèrent une résistance importante de l’ennemi. Le lieutenant colonel Charles Merritt menant le South Saskatchewan Regiment fut décoré de la Victoria Cross pour son héroïsme durant cette attaque. Les commandos britanniques participant à cette opération attaquèrent la station radar allemande qui surveillait la mer, récupérant de nouveaux systèmes électroniques performants et détruisant les autres installations. Le reste des troupes combinées ne pouvant pas se diriger vers Dieppe retourna sur Pourville. Un certain nombre réussit à réembarquer et à rejoindre le Royaume-Uni. Mountbatten et Crerar ne voulurent pas tenir compte de l’impossibilité du résultat de cette attaque par le revers de la ville. Ils autorisèrent le débarquement sur la plage de Dieppe tout en sachant que l’artillerie et les mitrailleuses ennemies étaient indemnes et n’avaient en réalité subi aucun dommage. Plus à l’Est de Puys et à l’Ouest de Pourville se situaient des batteries ayant des canons de 5.9 inches qui pouvaient entraver l’action de la flotte alliée. Montgomery avait prévu de les attaquer et de les faire détruire par des commandos parachutistes et des planeurs, Après son départ, le Comité de Planification, dirigé par Mountbatten, décida de se passer de ces forces aériennes et de renforcer les forces d’invasion au sol. Le commando N°4 (comprenant la majorité des 50 US Rangers qui ont participé à l’opération « Jubilee ») débarqua à Varengeville et fut la seule unité ce jour-là à atteindre son objectif. Après cette attaque, l’officier écossais Capitaine Porteous fut décoré de la Victoria Cross pour sa bravoure. Les troupes d’attaque sur Berneval furent anéanties pendant la traversée, ayant été interceptées par une patrouille maritime allemande. Seulement 20 commandos réussirent à atteindre la côte et à détourner pendant plus d’une heure le tir puissant des batteries allemandes avec comme seule défense leurs fusils. Sur la plage principale de Dieppe, pendant que le carnage avait lieu, un petit nombre d’assaillants réussirent à prendre le Casino situé à l’Ouest de l’esplanade et utilisèrent cette place-forte pour infiltrer quelques hommes à l’extrême Ouest de la ville, réussissant ainsi à atteindre le Grand Hôtel et la place de l’église Saint-Rémy. Ils libérèrent des résistants français de la prison, et 18 agents de la SOE secrètement implantés dans la ville. Un général canadien à bord d’un destroyer recevant des communications contradictoires ordonna qu’un complément d’infanterie débarque pour assister les soldats bloqués sur la plage. Ces renforts se joignirent au carnage. L’aumônier Capitaine John Foot, d’origine irlandaise et canadienne, reçut la Victoria Cross pour ses actes de bravoure et son assistance aux soldats blessés. Des péniches de débarquement furent envoyées sur la plage afin d’évacuer les hommes. De nombreux équipages furent tués, des embarcations coulées ou immobilisées par le feu ennemi. En prêtant assistance à cette opération, le destroyer H.M.S. Berkeley fut gravement touché, puis coulé par les Britanniques. Mountbatten avait informé ses amis que si le raid sur Dieppe était un succès, il serait promu au rang de commandant en chef de toutes les forces d’invasion pour le Nord de l’Europe. Cette invasion était prévue en 1943 ou 1944. Il n’avait donc pas l’intention d’annuler l’opération « Jubilee » et de compromettre sa future gloire. Son amour propre fit perdre de nombreuses vies ce 19 août 1942. Cette date est ancrée dans les mémoires et représente le sacrifice de l’armée canadienne, soit 913 hommes perdus. Cependant, il serait injuste d’oublier les autres nationalités impliquées et qui furent aussi sacrifiées : 467 commandos britanniques, 3 rangers américains furent tués dans les premières huit heures de combat (soit 25 % de ceux qui avaient réussi à débarquer), Par ailleurs, parmi les morts, on compta 86 hommes de la Royal Navy, trois Polonais et un marin belge. Quatre morts Ce jour-là, les combats aériens au-dessus de Dieppe coûtèrent 107 avions à la Royal Air Force (la plus importante perte en une seule journée depuis le début de la guerre) : 84 aviateurs et 5 pilotes des Forces Aériennes Françaises Libres furent aussi tués. Dans la région dieppoise, 48 civils français périrent ; les Allemands déclarèrent la perte de 345 soldats et 54 avions. Au plus fort des combats, les hommes mouraient à la cadence de 4 toutes les secondes. Au total 2 000 furent sacrifiés pour des raisons stratégiques. Le raid de Dieppe fut un échec militaire, mais un triomphe politique. Suite à cette débâcle, Churchill ordonna qu’une enquête privée ait lieu pour analyser les erreurs et la mauvaise planification de cette opération. Il en résulta qu’il annula tous futurs raids des Opérations Combinées sous le commandement du vice amiral Mountbatten. En 1943, Churchill le fit transférer en Asie du Sud-Est. Sous le patronage royal, Mountbatten devait recevoir les promotions suivantes : Supreme Allied Commander SE Asia (1943-46), Viceroy of india (1947), Govemor General of India (1947-48), First Sea Lord (1955-59). Ces postes étaient principalement administratifs et honorifiques. Heureusement, Mountbatten ne devait jamais plus être impliqué dans le planning ou le commandement de forces actives. Mountbatten et ses partisans inventèrent de nombreuses excuses pour justifier la débâcle de Dieppe. Ils assurèrent aussi que les leçons apprises lors de cet échec aidèrent à sauver de nombreuses vies lors du débarquement du D-Day en juin 1944. Il n’y a pas de preuves que les forces alliées aient appris grand chose, mis à part comment ne pas organiser et diriger un raid. En novembre 1942, le général Eisenhower entreprit une invasion amphibie massive en Afrique du Nord française. Dans aucun de ses plans il stipulera avoir été guidé par l’expérience de Dieppe. Un autre débarquement amphibie britannique était prévu pour 1943 en Sicile. Le commandant en charge de cette opération était le général Montgomery. Ce même homme qui avait été ignoré et écarté, par Mountbatten, du Comité de Planification du débarquement sur Dieppe. Le jour du débarquement de Dieppe, Montgomery était au Caire. Il commandait alors la VIIIe Armée et préparait la bataille d’El Alamein. La personne qui tira le plus de leçons du raid de Dieppe fut le Feld Marshal von Runstedt, commandant en chef des Forces allemandes de l’Ouest de la France. Il devait faire un rapport détaillé de l’opération et le faire circuler. Certains des officiers canadiens faits prisonniers avaient en leur possession 121 pages non codées sur le plan d’attaque. Ces documents prouvèrent à Von Rundstedt que les forces de débarquement avaient peu de connaissances topographiques des lieux et des défenses construites dans la zone de débarquement. Ils n’avaient même pas le lieu exact de leur objectif principal. Du manque d’information des services du « British lntelligency », 2 500 soldats allemands terrassèrent 6 000 alliés qui étaient pourtant épaulés par des chars et la marine. Ce carnage eu lieu en moins de huit heures. Dans son rapport Von Rundstedt, parmi de nombreuses remarques, nota dans la section « Leçons apprises » : « Il est nécessaire de renforcer nos systèmes de camouflage, car c’est notre meilleure défense. Nous devons aussi intensifier notre vigilance par rapport à l’espionnage ennemi. En vue de ces constatations de plus amples instructions suivront ». Les forces allemandes allaient améliorer, renforcer et étendre leurs systèmes de camouflage et leurs défenses côtières. La Gestapo allait redoubler d’efforts pour capturer les agents et les membres de la Résistance dans un périmètre de 20 km sur toutes les côtes de La Manche. Pendant la planification des opérations pour le débarquement du D-Day en 1944, Eisenhower fut à nouveau désavantagé par le manque d’informations relatives aux défenses allemandes sur les plages normandes. Le raid de Dieppe gêna plus qu’il n’assista dans les futurs débarquements en Normandie. Durant le restant de sa vie, Mountbatten évita toute conversation concernant le désastre de Dieppe. Pourtant, par insinuation, suggestion et contre-information, il tenta souvent de reporter les torts sur les autres. Mountbatten fut tué par une bombe de l’IRA en 1979. Il emporta dans sa tombe ses sentiments personnels sur son implication dans la planification, et le commandement de cette sanglante journée.
Mike Cartwright |
REMERCIEMENTS
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René Tamarelle - Corsaires d'Ango et Manatee
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