LE BRUGES
Sources
: SAGA DES EPAVES DE LA COTE D'ALBATRE
Mise
à jour
23-Mar-2011 20:04
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11 Juin 1940, Attaque aérienne sur le port du Havre !
Le Bruges va s'échouer sur la plage
CONTEXTE
Les Allemands ont occupé Le Havre à partir du printemps 1940, avec une garnison qui a compté jusqu'à 40 000 soldats. Ils l'ont transformé en base militaire et aménagé la Festung Le Havre, ligne de casemates, blockhaus et batteries d'artillerie. Ce dispositif était intégré au mur de l'Atlantique. La rade ainsi que l'estuaire étaient minés.
Les batteries des fortifications du Mont Canisy, ouvrage du Mur de l'Atlantique, étaient pointées sur le port du Havre. Pour les Havrais, la vie quotidienne fut difficile à cause des pénuries, de la censure, des bombardements et de la politique antisémite : ainsi, le maire Léon Meyer est contraint de quitter son poste à cause de ses origines juives ; de nombreux Havrais partent.
La résistance havraise s'est constituée autour de plusieurs noyaux comme le groupe du lycée du Havre ou encore celui du Vagabond Bien-Aimé. Ces groupes ont participé au renseignement des Britanniques et à des actions de sabotage en vue du débarquement du 6 juin.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Le Havre subit 132 bombardements planifiés par les Alliés ; les nazis ont également détruit les infrastructures portuaires et coulé des navires avant de quitter la ville. Mais les destructions les plus importantes surviennent les 5 et 6 septembre 1944 lorsque les Alliés bombardent le centre-ville et le port pour affaiblir l'occupant (opération Astonia). L'objectif était de faciliter le ravitaillement et la progression des troupes alliées, qui débarquées trois mois plus tôt en Basse-Normandie, se trouvaient en Belgique à cours d'approvisionnements. Le bilan des bombardements est lourd : 5 000 morts (dont 1 770 en 1944, 80 000 sinistrés, 150 hectares rasés, 12 500 immeubles détruits. Le port est détruit et quelques 350 épaves gisent au fond de l'eau.
Parmi ces épaves, figurent notamment le Niobé et le Bruges dont voici l'histoire...
JOHN BROWN & COMPANY LTD (Clydebank)
Les frères, James et George Thomson ont fondé l'entreprise de construction navale écossaise de renom à Cessnock en 1851. Ils ont lancé leur premier navire, le Jackal en 1852 et ce sont rapidement établi une réputation sur la construction de navires à passagers de prestige.
La société s’est installée sur la Clyde 1871 à Granges , (plus tard rebaptisé Clydebank), près du village de Dalmuir, situé à la confluence de River Clyde et River Cart, ce qui a permis de lancer de très grands navires. En 1899, John Brown & Company Ltd, un fabricant d 'acier de Sheffield, a repris le chantier et dés le début des années 1900, l'entreprise a innové en matière de technologie du génie maritime avec la turbine Brown-Curtis. Les performances de ses moteurs ont impressionné la Royal Navy, qui a passé des commandes avec celle-ci pour construire plusieurs navires de guerre.
Des navires célèbres furent construit par les chantiers John Brown : le HMS Hood, Tiger, Repulse et Barham, et le Lusitania et l’Aquitania. La compagnie a tout juste survécu à la dépression commerciale qui suivit la première guerre mondiale grâce aux commandes des paquebots pour la Cunard White Star Liners, le Queen Mary et le Queen Elizabeth. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les chantiers ont grandement contribué à l'effort de guerre par la construction, entre autres des cuirassés, Duke of York et Vanguard et du porte-avions, Indefatigable.
CONSTRUCTION DU BRUGES
En 1920 le chantier lance le RMS Bruges de 2949 Grt pour le compte de la Greast Eastern Railway pour effectuer la liaison Harwich en Angleterre avec Antwerp en Belgique
En 1921 est lancé son sister ship, le Malines (Photo ci-dessous) de 2969 Grt.
En 1923 la compagnie G.E.R est rattachée à la la compagnie London & North Easten Railway, L.N.E.R.
Le Bruges est un petit paquebot anglais à 2 cheminées de 98 m x 13,3 m x 5,45 m, motorisé de 4 turbines à vapeur Brown-Curtis développant 1462 Ch. et entrainant 2 arbres d’hélice.
JOURNEE TERRIBLE SUR LE HAVRE
Juin 1940 - Le Havre vu de Trouville
Le 11 juin 1940 est une journée terrible dans l’histoire du Havre. L’ennemi est aux portes de la ville. Les raffineries sont en flammes car elles ont été détruites afin de ne pas les laisser aux mains de l'ennemi. La seule issue pour tenter d’évacuer la cité devant l’avancée allemande est la mer.
(Lisez ici)
La chronologie des évènements de ce mois de Juin 1940)
Au débit recommandé
GRIEME et NIOBE
Dans un désordre indescriptible, les habitants de la ville vont tenter d’embarquer sur tout ce qui flotte pour gagner les côtes du Calvados, encore libres à ce moment. Un raid de l’aviation ennemie va transformer l’exode en drame. De nombreux navires sont envoyés par le fond et Le Havre pleure des centaines de victimes.
Le Bruges est un petit paquebot anglais de quatre-vingt-dix-huit mètres destiné au transport de troupes. Le 11 juin, réquisitionné, il attend en rade du Havre afin de gagner le port pour embarquer les civils qui tentent de fuir. Il n’y arrivera jamais. En milieu de journée, il est touché par plusieurs bombes alors qu’il se trouve à deux milles de la côte entre Cauville et Saint-Jouin-Bruneval.
(Photo Collection Jean-Paul DUBOSC)
La vedette de pilotage “Sénateur-Louis-Brindeau” est en service au large. Elle participe activement au sauvetage de centaines de rescapés, dont les bateaux ont été victimes du raid allemand. Elle dépose en début d’après-midi un pilote, Emile Prentout, à bord du Bruges. C’est par son rapport que la fin du navire est bien connue.
Lorsqu’il monte à bord, le pilote trouve un incroyable désordre sur la passerelle. Mais comme la barre et la machine fonctionnent, à 15 h 15, il prend la décision avec le commandant, d’essayer de rentrer le bateau au port afin de le sauver. La manœuvre est difficile car l’avant est en partie immergé. C’est donc en longeant la côte au plus près, à environ un demi-mile, afin de pouvoir s’échouer au rivage le cas échéant que le Bruges tente de rallier les bassins portuaires.
Arrivée en petite rade, sous la protection des forts de La Hève, l’attaque aérienne terminée, cinq blessés sont transférés à bord de la vedette Sénateur-Louis-Brindeau. Elle les conduira sur le navire hôpital Worthing (*) mouillé en grande rade.
Alors que le navire va se signaler pour recevoir les ordres, l’officier chargé de surveiller la voie d’eau informe la passerelle que le bateau coule.
UN ECHOUAGE REUSSI
(Le Bruges échoué sur une plage du Havre - Photo Collection Jean-Paul DUBOSC)
A 17 heures, le commandant et le pilote Emile Prentout dirigent le bateau vers la terre afin de l’échouer, sans un choc, dans le sud du Palais des régates. L’ancre tribord mouillée, l’équipage regagne la plage sur une des embarcations du navire. Pour son action durant ces journées, le pilote recevra la Croix de guerre et celle de Chevalier de la Légion d’Honneur. (La station fût elle aussi décorée).
Quant à l’épave, reposant bien droit sur sa quille, elle servira de cible d’entraînement aux artilleurs allemands.
De nos jours, les quelques restes du navire reposent sur un fond d’un mètre à marée basse, et de sept mètres à marée haute, à environ trois cents mètres du rivage. Par grande marée, quelques tôles sont visibles de la plage. Pour les plaisanciers, l’épave est facile à repérer car balisée par deux cardinales : sud et nord.
Encore fréquentée par les plongeurs il y a quelques années, l’épave est aujourd’hui désertée. Il ne reste que des tôles informes dans une eau extrêmement trouble.
LE SITE DU BRUGES
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(Réalisation Thierry DESPRES)
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Photos : Thierry DESPRES pour le GRIEME - Mars 2011 - Reproduction interdite sans autorisation
LA DEUXIEME MORT DU BRUGES
L’épave a fait le bonheur des premiers plongeurs au Havre, à 300 m du ponton du nouveau Palais des régates, les restes reposants dans 1 à 6 mètres d’eau face à la plage. Mais en juin 2002, il est décidé de supprimer les quelques espars émergeants à marée haute, car constituant encore un réel danger pour la navigation de plaisance.
Seules restent en place, les deux balises cardinales Nord et Sud rappelant l’endroit ou l’épave se trouvait et quelques moignons de tôles visibles lorsque la mer se retire lors des grandes marées.
VESTIGES DU BRUGES QUELQUES ANNEES PLUS UN JOUR DE GRANDE MAREE
Clichés pris le 18 février 2011 - Marée basse vers 18 h 00
Photos de Thierry DESPRES
DEVOIR DE MEMOIRE
Extrait du journal régional Liberté Dimanche - Article de Lionel Cailles (1997)
Dès la fin des années 1990, trois des 12 membres fondateurs du GRIEME se sont intéressés aux épaves de la Côte d'Albatre.
C'est ainsi qu'au cours de l'année 1997, Lionel CAILLES (à droite sur la photo ci-contre, en compagnie de François Mathieu, Yvon Chartier, Franck Pinéranda et Julien Morvan), journaliste à Liberté-Dimanche et amateur de plongée épave a rejoint le petit groupe de "fous furieux" d'épaves contemporaines qui oeuvraient au sein de la Commission Archéologie du CD 76 avant de co-fonder avec d'autres compères ce qui allait devenir le GRIEME (Voir chapitre sur la fondation de notre association).
Le Bruges fait partie des épaves pour lesquelles le journal régional Liberté-Dimanche a publié régulièrement le récit que vous pouvez retrouver en intégralité sur cette page, mais également dans le Tome 1 de la Saga des épaves de la Côte d'Albatre ainsi que dans le fascicule La Saga des épaves du Pays de Caux Tome 1 (épuisé à la vente).
C'est ce devoir de mémoire et le désir de raconter l'histoire des épaves du littoral de La Manche-Est, mais également de Bretagne, Méditerranée voire même plus loin, que le GRIEME a inscrit dans l'esprit même de ses statuts.
Dans cette perspective, la rencontre avec des témoins, des survivants, de la famille des victimes des naufrages dont nous racontons l'histoire, reste une phase fondamentale qui est présenté ci-dessous avec deux témoignages de Havrais qui vécurent le dramatique mois de juin 1940.
(Le Havre après les bombardements)
(Collection privée Thierry DESPRES)
"De l’évacuation du Havre en Juin 1940, je ne me rappelle de pas beaucoup de choses :
Nous étions entassés sur les quais à attendre pour embarquer sur les barques de pêcheurs.
J’étais avec mes parents, mon frère de 7 ans et moi âgé de 8 ans. Nous avons réussi à embarquer ; mon père est resté au Havre, il était gérant d’un magasin de pièces détachées pour automobiles et ne pouvait quitter Le Havre de peur du pillage.
A peine étions nous partis du quai, que nous avons été mitraillé par les avions allemands ; deux avions en rase-mottes. Au premier passage, une grande partie des personnes embarquées se sont précipitées à bâbord, nous nous étions tétanisés à tribord et le marin pêcheur a hurlé en voyant le bateau pencher dangereusement : « n’allez pas tous du même coté nous allons couler ! » Tout le monde repris sa place et lors du deuxième passage personne n’a plus bougé.
Peu de temps après, nous avons entendu une énorme explosion. En débarquant à Honfleur nous avons appris que le Niobé avait été coulé, sans plus de précision.
Nous avons continué notre chemin, ma mère avec une valise et nous avec un petit sac qui vraisemblablement devait contenir quelques jouets.
C’était début Juin, il faisait un temps splendide, beau et chaud, je m’en souviens, car moi la chaleur me provoquait toujours des saignements de nez. Donc moi, la tête en l’air et le mouchoir sous le nez, nous avons continué notre route. Nous avons été accueilli par des gens en fin d’après-midi, qui nous ont hébergé pour la nuit et nous ont promis qu’une camionnette nous conduirait plus loin le lendemain matin. Notre voyage à pris fin à Juaye Mondaye, à proximité de Bayeux, dans une petite maison que des fermiers nous ont aimablement prêtée.
Mon père est venu nous chercher quelques temps plus tard, et c’est seulement en rentrant au Havre que nous avons appris la mort de mon institutrice de maternelle de l’école Louis Blanc, madame Mercadier. Elle avait péri sur le Niobé.
Dans mon souvenir d’enfant, je la revois toujours, grande, brune avec (très curieusement) une blouse à grands carreaux roses et blancs, est-ce un rêve ou une réalité, je ne le saurais jamais."
Témoignage de «Nizou»
Quelque part du côté du Havre
WIKIPEDIA
LE HAVRE PRESSE
MAIRIE DU HAVRE
THIERRY DESPRES (Plongeur havrais Paul Eluard)