LE GRANVILLE
Sources : SAGA DES EPAVES DE LA COTE
D'ALBATRE
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Spécial Collector Hors-Série n°1/2001
40 EPAVES DES COTES
FRANCAISES
Mise à jour le
22-Avr-2013 20:16
Le Granville
(Avec l'aimable autorisation des Editions Marius BAR)
Reproduction interdite sans autorisation
A 4,8 milles face à Paluel, par -33 mètres, se trouve l'épave d'un petit cargo qui le 13 juin 1940 fût la victime d'un char allemand en embuscade sur le port de Saint Valéry en Caux.
UN PEU D'HISTOIRE
Le 13 juin 1940, le
"Granville" est l'un des bateaux envoyés par le fond par les allemands
lors de la tentative d'évacuation de la poche de Saint Valéry en Caux.
Mais les doutes subsistent encore sur l'identité réelle de l'épave référencée
comme étant celle du "Granville".
Les plongeurs du GRIEME souhaitent avoir des certitudes. Alors, lorsqu'ils doutent, ils
transforment leurs interrogations en intérêt supplémentaire. Car plonger sur une
épave connue, c'est bien (et trop rare), mais s'immerger sur une coque qui n'a
pas encore livré tous ses secrets, c'est encore mieux. C'est la certitude
de ne pas plonger idiot et de farder un œil sur le manomètre tandis que l'autre
traque le détail qui permettra enfin une identification formelle du
bateau.
Cette recherche
de la bonne piste pique d'ailleurs la curiosité des plongeurs de la région de
Saint-Valéry en Caux. En face de leur port, ils connaissent trois épaves
qui datent de l'évacuation du 13 juin 1940. Celle du "Transferry n° 2",
du "Granville" et du "Cerons".
Le "TF2" et le Cerons"
ayant été identifiés avec certitude, la troisième épave avait été répertoriée
comme étant celle du "Granville".
C'est sous ce nom qu'elle
est encore signalée à ce jour. La forme générale de ce petit cargo et sa
position concordent d'ailleurs assez bien avec ce que l'on sait de ce bateau et
du lieu de son naufrage.
LE NAUFRAGE
Le
"Granville" avait été construit chez Cochrane et fils en 1930.
Propriété avant guerre de la Société Havraise de Transport et de Transit,
c'était un petit cargo de cinquante et un mètres de long pour 8,60 mètres de
large.
Le 13 juin 1940, réquisitionné par la Marine Nationale, il se présente
devant Saint-Valéry en Caux afin de procéder à l'évacuation de troupes
alliées encerclées par l'armée de Rommel. Une opération qui durait déjà
depuis deux jours et qui allait souffrir d'un défaut de communication. En effet,
trois navires se présentent le 13 juin devant le port de Saint -Valéry en
Caux, ignorant très vraisemblablement que les batteries côtières sont
désormais aux mains de l'ennemi. Les trois finiront de la même manière,
coulés !
C'est le cas du "Granville". Touchée par un obus allemand d'un char en embuscade, la machine explose et interdit désormais toute manœuvre. Pire, cette première explosion en entraîne une seconde, celle des grenades, qui arrachent l'arrière du navire. Le bateau va dériver en flammes, avant de sombrer trois milles au large de Saint-Valéry en Caux. Sur les quarante-cinq personnes à bord, dix sont portées disparues, deux sont mortes, et sept autres sont blessées.
PANIQUE A BORD
Le 13 juin, André Ruaud était à bord du "Granville", où il remplissait les fonctions de cuisinier de bord. Il raconte les dernières minutes qui ont précédé le naufrage.A six heures du matin, le "Granville" se présente devant Saint-Valéry en Caux. Tout de suite, c'est l'enfer.
"Le bombardement
commence. Alors je tente de sortir de ma cuisine, je suis blessé d'un éclat
d'obus à la suisse droite. Je suis également brûlé à la figure. Un obus tombe
dans la machine qui explose. Le Granville n'avance plus. C'est la panique
à bord. Dans la coursive, je reçois une porte sur les côtes. Je me traîne comme
je peux, une nouvelle déflagration me projette jusqu'aux postes de couchage.
J'ai une plaie béante sur les genoux, je suis couvert de
sang.
A la passerelle, le commandant hurle des ordres
d'évacuation. Il est fauché, avec cinq hommes par une salve d'obus. Les corps
pendent en lambeaux. Des blessés sont disperses dans le bateau. Des morts gisent
partout à l'arrière, dans les couchettes. A l'avant, le mitrailleur et les
hommes qui mettent les canots à l'eau sont coupés en deux par le feu de
l'ennemi. Le second -maître me jette à l'eau. Mes plaies me brûlent dans l'eau
de mer tandis que le courant m'entraîne. Je suis attaqué à la mitraillette par
un allemand, mais il ne me touche pas. Un canot me hisse à bord et nous gagnons
le large sous le feu des mitrailleuses. A ce moment une explosion arrache
l'arrière du Granville qui part à la dérive et coule. Il entraîne avec
lui une trentaine de membres d'équipage.
Dans les canots, la situation n'est guère plus brillante. Trois avions allemands nous attaquent. Un homme meurt le crâne ouvert, un autre est blessé au pied. Le canot prend l'eau de toute part, j'écope avec mon casque. Une homme dans l'eau attire notre attention en tirant une rafale. Nous le hissons à bord, il est blessé de 27 balles de mitrailleuses. Nous fuyons toujours, tandis que les vedettes allemandes nous tirent dessus.
Finalement, nous sommes récupérés par le "Anne Marie" qui met aussitôt le cap sur Cherbourg où nous sommes hospitalisés."
LES DOUTES
Chaque plongée sur cette épave est une expérience nouvelle. Elle subit un ensablage et un désensablage permanent qui font que le paysage change à chaque fois. D'autant plus que le premier niveau du pont, désormais posé dans le sable, une dizaine de mètres sur tribord avant de l'épave, ne s'est détaché du navire que cinquante-six ans après le naufrage. Jusqu'en juin 1996, ce bloc était encore à sa place sur la carcasse. La balade sur l'épave est l'occasion d'apercevoir les sanitaires en faïence du navire. A bord, les W.C. étaient de type turc…
Quant aux caisses
de munitions qui traînent ici et là, il s'agit de cartouches pour fusils
Lebel. La date du conditionnement est encore lisible : 2 mars 1928. Tout
y est. Notamment la qualité de la poudre utilisée.
A force de
fureter à droite et à gauche sur l'épave, de noter des détails, de prendre des
relevés et des mesures, de remonter à l'occasion quelques objets, les plongeurs
se sont mis à douter. Car la documentation réunie à la surface ne correspond pas
exactement à ce que les plongeurs constatent sur le fond.
Certes, il s'agit bien d'un petit cargo. Mais, fait troublant, l'inventaire des hublots remontés à ce jour apparaît incohérent avec les photos que nous possédons. Alors aujourd'hui les points d'interrogation sont de mise jusqu'à ce que les recherches entreprises aboutissent.
Soit les photos du bateau ne sont pas les bonnes, soit le navire a subi des transformations, soit il ne s'agit pas de la bonne épave. Entre ces trois hypothèses, ou d'autres encore, un jour peut-être de nouveaux éléments, permettront de trancher. Pour l'instant, l'épave est communément dénommée "Granville". En attendant mieux…
BRIEFING PLONGEE
(Dessin de Jean-Luc Lemaire - GRIEME)
La plongée sur le Granville reste une plongée relativement facile et sans vrai risque, car
aucun endroit ne permet de pénétrer l'épave.
Le seul risque
sur cette épave est le même que sur toutes les épaves de Manche, à savoir
le courant et la profondeur.
Il est impératif de
plonger à étale et de préférence par petits coefficients car cette épave repose
sur un fond de 28 m à 35 m en fonction de ces derniers.
L'épave de ce
cargo long de 51 m est d'un seul tenant, orientée Nord Ouest par
l'avant.
La proue se dresse fièrement malgré toutes les
ouvertures que l'on peut y voir, et les bars y sont chez eux jusqu'à
l'apparition des premières palanquées. Si l'on flâne quelque peu sur le haut de
l'épave, on pourra découvrir les W.C. à la turc (voir photo 1) et une caisse
de munition "LEBEL"(voir
photo 2).
On peut ensuite descendre sur le tribord avant jusqu'au sable pour apercevoir chose rare de nos jours, 3 hublots encore intacts (voir photo 3) et complets avec le verre et la tape gravée au nom de "MAUGARD", fabriquant dont l'enseigne existe encore au HAVRE.
S'en suit une balade sur le sable qui recouvre l'épave avant d'arriver à la chaudière et au moteur triple expansion, un classique de l'époque.
Morceaux du charbon retrouvé sur le Granville
Le tour complet
se terminera par la visite de l'hélice quadripale et du gouvernail, au milieu de
nombreux morceaux du navire déformés par l'incendie qui ravagea le navire avant
qu'il ne sombre.
La faune reste ici comme sur toutes nos épaves de Manche constitué de bars,tacauds, vieilles, congres et
homards.
GALERIE PHOTOS
La qualité des prises de vue sous-marine varient selon les conditions de visibilité lors des plongées.
Parfois, nous bénéficions de conditions exceptionnelles, parfois c'est "moins bon".
Néanmoins, nous vous proposons malgré tout quelques images du Granville prises par notre association.
Images en vrac du Granville
LOCALISER L'EPAVE
49° 54' 430
N
00° 32' 220 E
Point GPS : Euro
50
Mise à l'eau la plus
proche : Port de Saint Valéry en Caux, ou de Fécamp
(distance égale, 4,8 M).
Club de plongée sortant le
plus fréquemment sur le Granville : PVCA
(02.35.97.80.76)
Retrouvez le "GRANVILLE" dans "La Saga des Epaves de la Côte
d'Albatre", édité par le GRIEME,
en vente par
correspondance sur notre site
internet.
REMERCIEMENTS