SYRIE

Le Navire
Histoire
Le Corrientes
Témoignage

  • Nom : Syrie

  • Type : Cargo

  • Nationalité : Française

  • Construction : été 1909, aux Ateliers et Chantiers de France à Dunkerque

  • Propriétaire : SNO (devenue CNAN dans les années 30)

  • Dimensions : Longueur 87,78 m  Largeur 11,58 m  Tirant d'eau 4,88 m  

  • Tonnage : 2 640 tonnes

  • Motorisation : machine triple expansion de 1 240 CV alimentée par une chaudière

  • Vitesse : Non Renseigné

  • Armement : Non Renseigné

  • Naufrage :  juin 1940

  • Coordonnées géodésiques : Le Havre, huitième bouée du chenal d’approche

Le Corrientes
Remerciements à la French-Lines

 

Le Syrie
Extrait presse régionale havraise

 

Durant l’été 1909, les Ateliers et Chantiers de France à Dunkerque livrent le Saint-Thomas à la Société Navale de l’Ouest (SNO).

Il s’agit d’un cargo conventionnel équipé  d'une machine triple expansion de 1 240 CV est alimentée par une chaudière.

Il est destiné à la ligne Espagne/ Portugal/Afrique du nord, alors florissante du fait du trafic colonial. Au milieu des années trente, une recomposition du capital de la SNO amène cette compagnie à fonder la Compagnie Navale d’Afrique du Nord (CNAN).

La Compagnie Navale d'Afrique du Nord

 

En 1937, le siège de la CNAN est au 142 du boulevard de Strasbourg au Havre, dans les locaux du Comptoir maritime Franco-belge.

Dans la flotte de cette compagnie se trouvent trois navires venus de la SNO : les Saint-Paul, Saint-Michel et Saint-Thomas. Ils deviendront respectivement Maroc, Congo et Syrie. Celui qui nous intéresse, le dernier des trois, est affecté à une rotation entre les ports de La Manche, de la Mer du nord et les possessions coloniales Françaises d’Afrique du nord et du Levant (les actuels Liban et Syrie).

 

Le Syrie

 

Au moment de la déclaration de guerre, il est réquisitionné par l’état français et passe sous l’autorité de la Direction des Transports Maritimes (DTM). Il reçoit l’ordre comme de nombreux autres navires de se rendre au plus vite à destination du Havre.

Le navire rentre dans le port en compagnie du Niobé le 10 juin sous la conduite du pilote Dominique Lescop. Il prend place au poste 1 du quai Joannès Couvert, à son bord se trouvent environs 400 tonnes de munitions que le navire n’a pu débarquer au cours de ses précédentes escales. Malgré une avarie de machines, il embarque près de huit cents passagers dont près de 250 militaires qui viennent de fuir le port de Saint-Valery-en-Caux sous la menace des allemands.

Le 11 juin 1940 à treize heures, il appareille et croise les digues vingt-cinq minutes plus tard. Il s’apprête donc à arriver sur rade au beau milieu de l’attaque aérienne ennemie.

Le navire va d’abord chercher les bouées du dépôt de dragages. Il s’agit d’éviter les champs de mines. Parvenu à cet endroit, il débarque son pilote, M. Perouelle. Dix minutes après, il est pris pour cible par les avions de la Luftwaffe, un artilleur tente alors de riposter à l’aide de la mitrailleuse montée sur le pont. Le navire est encadré par les bombes qui, en explosant, provoquent une déchirure dans la coque et une voie d’eau. Il commence à s’enfoncer doucement par l’arrière. Les pompes sont mises en marche, le commandant Sicart sait que son navire est perdu, en d’autres circonstances un remorqueur pourrait prendre le navire en remorque et le ramener au port mais il n’en est pas question. Aujourd’hui, le navire a été chanceux, sa dangereuse cargaison n’a pas explosé. Il donne l’ordre d’évacuer le bâtiment, certains militaires perdant leur sang froid tentent de quitter le bateau les premiers. La situation est vite rétablie, les passagers descendent le long de la coque à l’aide de cordes, prennent place dans les chaloupes et seront alors recueillis par les avisos Amiral-Mouchez et Savorgnan de Brazza. Les passagers seront débarqués le 12 juin à Cherbourg. Les membres d’équipage, après avoir aidé à évacuer les civils, resteront à bord pour tenter tout de même de sauver le navire mais devront se résoudre à leur tour à le quitter.

Le Syrie abandonné ne coule cependant pas. Dans la nuit du 12 au 13, soit près de trente-six heures après le bombardement, il est aperçu, à la dérive, par le chalutier-patrouilleur Nadine de Dieppe accompagné du Saint Dominique. Celui-ci l’arraisonne et le trouve vide d’occupants, les garants d’embarcations pendants encore le long de la coque. Les hommes de la Nadine font une découverte macabre, quatre cadavres, trois hommes et une femme gisent dans le poste avant.

Le 13 juin, après 2 jours d’agonie, le navire dans un bouillonnement d’écume, s’enfonce définitivement sous la surface.

Et si l’épave coulée à proximité de la bouée grande rade sud n’était pas le Syrie ?

Si la position et l’identification donnée par le fichier du SHOM était inexacte ? À mes yeux ainsi qu'à ceux d'autres personnes, il existe un doute sérieux ! En effet, dans les cales du navire, identifié comme le Syrie, se trouvent des monceaux de cornes et d’os de boeufs, à travers les cales écroulées on peut observer un arbre d’hélice très long caractéristique du début du siècle, de même les hublots observés sont de factures grossières. Il existe un bateau coulé par abordage au début du siècle très près de cet endroit qui lui transportait… du boeuf !Sigle de la CGT


Cette épave est depuis longtemps appelée par les pêcheurs “Le Corrientés” et les pêcheurs savent beaucoup de choses. Quelques centaines de mètres plus loin juste en bordure du chenal près de la bouée LH8 repose une épave non identifiée connue sous le surnom de LH8 (LH pour Le Havre et 8 pour la huitième bouée du chenal d’approche) ou “ L’épave aux munitions” ou “ La Belge” curieux non ?

Curieux lorsque l’on sait que le Syrie contenait une importante cargaison de munitions et que les douilles, remontées pour analyse, laissent apparaître une fabrication datée de 1940, qu’à bord se trouve du matériel estampillé CGT.

Vu sur la vaisselle

 

Vaisselle du Syrie


Les autres épaves coulées en 1940 sont clairement identifiées et ne sont pas dans cette zone. Alors, en conclusion, Syrie ou Corrientes, le mystère reste entier !

 QUELQUES MOTS SUR LE CORRIENTES 

Le Corrientes

 

Remerciements à la French-Lines

Comme nous l'avons évoqué dans le chapitre précédent, un doute subsiste sur la localisation du Syrie.

Alors retenons aussi l'hypothèse qu'il puisse s'agir du Corrientès.

Au GRIEME, nous pensons que le Syrie répertorié actuellement par le SHOM ne peut être le Syrie ! En l'occurence cette épave semble trop vieille de conception (coque rivetée) et son chargement est principalement constitué de corne comme celle du Corrientes !

Nous vous invitons à revenir sur la carte postale publiée ici dans longlet, où l'on présente le Syrie en cale séche.

En effet, les objets retrouvés sur LH 8 semblent davantage provenir d'un navire de ce type.


 

couverts en argent et vaisselle siglés CGT (Compagnie Générale Transatlantique) Dos de la fourchette
Couvert siglé CGT -

 

 

De plus, nous complétons notre hypothèse en en mentionnant les points suivants :

munitions de la deuxième guerre mondiale probablement pas déchargées à Cherbourg (comme pour le Niobé) suite à l'expédition ratée de ravitaillement de la poche de Dunkerque et la demande précipitée de l'évacuation du Havre, - ancres et les morceaux caractéristiques de ce type de construction, 
- récit de la dérive du navire en feu,

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a de forte chance que le Syrie repose à LH8 et que le Corrientes repose en lieu et place du point SHOM donné pour le Syrie. Nous mènerons toutes les investigations possible afin de lever définitiviement le doute sur l'identité de ces deux navires.

A propos du Corrientes

 TEMOIGNAGE

Le 11 juin 1940
l’évacuation du Havre Qui, mieux qu’un rescapé, peut nous raconter ce qui s’est passé ce jour-là ?

 

À la suite d’un article sur le naufrage du Syrie dans Le Havre Presse que nous avions fait paraître en 1997, j’ai rencontré M. Rebulet qui a raconté ses souvenirs. Nous vous livrons ce témoignage tel que M. Rebulet a eu la gentillesse de nous le transmettre, c’est un instantané sur ce qui s’est passé ce jour-là.

 

“Je ne me souviens plus comment ma mère et moi avons gagné le port du Havre et pourquoi nous nous sommes retrouvés sur le Syrie plutôt que sur le Niobé qui se trouvait aussi ce jour-là quai Joannés Couvert. Nous descendions d’Aplemont, les raffineries de pétrole brûlaient, il faisait nuit alors que nous approchions de midi.

C’était évident, la mer était l’unique possibilité d’évasion. C’était l’exode, nous partions les derniers, ma mère avait attendu jusqu’au bout pour laisser son intérieur et son emploi de gérante des Caves Générales, par peur du pillage et par conscience professionnelle.

Elle emportait la recette d’une dizaine de jours, se promettant de la rendre à son patron dès que la situation s’améliorerait.

La seule issue : le port, le seul moyen de fuir l’occupant : le bateau.

Je n’ai plus en mémoire la façon dont nous sommes montés à bord, canalisés sûrement, mais aussi jouant des coudes de peur de rester sur le quai.

Mon premier souvenir de “marin”, c’est le pont du cargo. Les gens s’entassaient, s’appuyant sur des caisses, sur des panneaux de cales. Le bateau chargé de vivres et de matériels divers qui occupaient une bonne partie du pont, revenait disait-on de Dunkerque. Les documents officiels assurent que le Syrie a quitté le poste 1 du quai Joannés Couvert à 13 h 00 et qu’il a franchi les digues environs une demi-heure plus tard.

Sorti du Havre, le ciel s’est éclairci, nous avons gagné la grande rade.

Âgé de dix ans j’avais l’impression de partir en voyage d’agrément, de vivre une aventure comme on en trouvait alors dans les illustrés du jeudi. Les gens qui se tenaient autour de moi ne paraissaient pas particulièrement tourmentés, résignés semble-t-il par fatalisme. Il y avait à bord du navire, des militaires, biffins d’une armée en déroute qui distribuaient aux réfugiés des biscuits de soldats ; je leur trouvais un goût de moisi.

Peu après l’appareillage nous étions passés près d’un navire de commerce plus important que le Syrie dont le château était en flamme et qui semblait abandonné par son équipage (confirmé par le Commandant du Nadine).

Vers 14 h 45, lorsqu’apparurent les avions, inconscients du danger, je n’ai pas compris quels risques nous courrions. Les militaires, eux, avaient réalisé. Il s’agissait d’avions allemands. Saisissant leur fusil, ils tiraient sur l’ennemi, comme si cette défense désespérée pouvait éviter le drame qui allait suivre. Mitraillés et bombardés lors de deux ou trois passages d’avions, les bombes n’ont pas touché le navire de plein fouet, mais l’une d’elles est tombée si près de la coque qu’elle provoqua en explosant une déchirure et une importante voie d’eau.

Dans l’affolement général, bousculés, portés par la foule, ma mère et moi avons réussi à pénétrer dans la cabine d’un membre d’État-major. Nous étions plaqués contre la cloison, presque écrasés. Au fond, allongée sur une couchette, une femme dans les douleurs de l’accouchement hurlait et implorait le Seigneur devant plusieurs dizaines de personnes. Un homme qui se tenait debout dans le chambranle de la porte ne pouvant rentrer à l’intérieur de la cabine tellement cette dernière était bondée reçut une rafale de mitrailleuse à travers le corps. Un garçonnet d’une dizaine d’années qui se trouvait à ses côtés avait dans le même temps la mâchoire fracassée. La panique était à son comble, les gens, les femmes surtout, se couvraient la tête de leurs mains et priaient à voix haute.

Vers 15 h 00/15 h 30, l’arrivée de l’Aviso Amiral Mouchez fit fuir les appareils de Luftwaffe, c’est du moins ce que l’on a ressenti. Sur le pont du cargo sont étendus morts et blessés par mitraillage. Le calme revenu, le commandant ou l’un des officiers qui avait estimé les dégâts annonça au porte-voix que l’on avait une heure pour évacuer le navire (un film du week-end à Zuydcotte montre parfaitement cette situation). Les navires côte à côte, des passerelles furent jetées d’un bord à l’autre par la marine nationale. Sur l’Aviso, les marins embarquèrent femmes et enfants, repoussant avec autorité les hommes qui tentaient de quitter le Syrie en perdition. Les blessés, hommes, femmes et enfants furent transportés sur l’Amiral Mouchez. L’aviso Amiral Mouchez, navire hydrographe, long de 62 mètres et large de 16 et qui servait d’escorteur, ne pouvait à lui seul recueilli les huis cent ou mille passagers qui se trouvaient à bord du cargo endommagé.

Après avoir quitté le Syrie, il déposa les blessés face au port de Ouistreham, ces derniers au nombre d’une douzaine, allongés sur le pont d’une vedette agitaient les bras en signe d’adieux. Ma mère et moi avons bénéficié dès notre installation sur le navire de guerre de la cabine d’un maître, ou nous avons pu nous reposer la nuit durant.

Arrivés à Cherbourg le 12 juin au matin, l’aviso transféra l’ensemble des rescapés qui se trouvaient à bord sur un charbonnier anglais, ce navire mena sa cargaison humaine à Quiberon dans un inconfort total.

Dès le lendemain, une partie des réfugiés fut menée par les autorités sur Belle île en mer, le transport sur un petit bateau qui assurait la navette entre l’île et le continent et qui avait pour nom Guédel eut lieu dans des conditions acceptables. Une fois débarqués, les passagers furent pour la plupart logés chez l’habitant. Ma mère et moi, nous nous sommes retrouvés à Sauzon charmant port de pêche ; nos hôtes, la famille Guillemet ou Guillemette facilitèrent grandement notre séjour qui dura plusieurs semaines.”

Pour la petite histoire : Ma mère qui avait conservé précieusement la recette de son magasin pendant ces jours difficiles ne reçut aucune gratification, ni aucun remerciement de ses employeurs, lorsque de retour au Havre elle rendit argent et compte ajustés au centime prés"

 

 

"Ici s’arrêtent mes propres souvenirs.“

Raymond Rebulet