DIS MOI COMMENT TU T APPELLES !
JE TE DIRAI QUI TU ES...
Mise à jour 31-Jul-2009 19:56


UN NOM...

Donner un nom à son navire est une pratique qui perdure depuis plusieurs siècles. Quand un marin passe sa vie sur un bateau, on personnifie celui-ci et la relation avec le bâtiment devient presque intime au point de le considérer comme une personne à part entière, avec une identité, une nationalité et un domicile. Il a ses caractéristiques et un "caractère". On dit de lui qu’il "talonne", qu’il se "couche". On parle de son "arrière", de son "cul", de son "squelette", de ses "hanches", de ses "joues". Dans certains pays il devient même féminin,  pour les anglais ce fût "she" avant de revenir récemment à "it".

Le nom peut être aussi donné en fonction des qualités ou des caractéristiques du navire. C’est le propriétaire du navire qui le choisit. Les marins ont toujours été très superstitieux et certaines "choses" ne sont pas à faire, comme changer le nom d’un navire ou lui donner le nom de "lapin", cela porte malheur !

Un navire est donc "baptisé" lors de son lancement et reçoit une cloche nominative (sa voix), qu’il gardera toute sa vie. (2000 ans de civilisation judéo-chrétienne ont marquée à tous jamais la vie maritime mondiale).

Changer le nom d'un navire représente toujours un cérémonial fort particulier auquel on ne doit pas se soustraire pour respecter la tradition, certains diraient même que cette pratique est une sorte de superstition. Autant de ronds dans l'eau, de cercles coupés et autres étapes permettront  de redonner au navire une sorte de virginité nominale.... prêt à recevoir un nouveau nom !


UN PEU D'HISTOIRE

Les premiers noms de bateaux retrouvés dans les récits, nous viennent de l’an 1000 avec les vikings, grands navigateurs, qui nommaient poétiquement leurs navires comme "Corbeau du vent" ou "Bisons des mers".

Sous Guillaume le Conquérant, c’est le naufrage tragique de la "Nef Blanche" sur une roche de la presqu’île du Cotentin qui deviendra célèbre. Le premier recensement important de noms de navires d’ailleurs reliés au noms des propriétaires, provient de l’établissement de la flotte d’invasion française montée par Philippe VI contre Edouard III, roi d’Angleterre, promu roi de France par les flamands. Cette flotte, commandée par Hue QUIERET et Nicolas BEHUCHET, connaît une fin tragique à la bataille de L’Ecluse, avant port de la ville de Bruges le 23 juin 1340. 80 bâtiments sur les 250 de la flotte française sont répertoriés par un compte du Clos des Galées, 1er arsenal français situé en aval de Rouen sur la rive gauche.

Ce sont des vaisseaux de la foi chrétienne. En effet, on y trouve cinq "Saint Jean" dont celui du maître Guillaume Lefèvre d’Harfleur, quatre "Saint Pierre", trois "Saint Nicolas", deux "Saint Jean de Leurre" ainsi que plusieurs navires sous la protection de "Nostre Dame" ou tout autre vocable se rapportant à la mère de Jésus. Le «clerc des ouvrages de guerre» au Clos des Galées, Gilbert POLIN, commande sa propre nef "Notre Dame La Nativité" et maître Jean LIGIER d’Abbeville, la barge "Notre Dame". Seul quelques navires ont des noms laïques.

En 1500, les nefs de Gênes ont toutes le même nom "Santa Maria" suivit par celui d’un ou plusieurs saints. Quand aux vénitiens, florentins et espagnols, ils étendent la pratique aux noms des armateurs, ou de leur pays d’origine ainsi qu’aux noms évoquant des vertus humaines ou animales.

Sous la marine de Colbert, ce sont des adjectifs qualificatifs qui sont employés pour nommés les vaisseaux de guerre de la marine royale comme le "Foudroyant", "l’Intrépide", le "Redoutable", et ces noms seront réutilisés plusieurs fois dans la marine de guerre. A ces noms évocateurs, on rajoutera la liste des noms en provenance des différentes sources mythologique mondiale, noms de dieux et de déesses comme la "Niobé".

Nous vous livrons quelques noms de navires "chers" au coeur du GRIEME :

    - LE QUEVILLY (Pétrolier-voilier)
     Construit aux Chantiers de Normandie et portant le nom d'une ville de Seine-Maritime

    - LA COMBATTANTE (Destroyer)
     Portant fièrement le nom d'une idée.... dans une période troublée


OU TROUVE T'ON LE NOM D'UN NAVIRE

Bien sûr, on trouve le nom d’un navire sur la cloche de celui-ci, avec sa date de lancement et quelquefois la région de construction ou le lieu. Plus tard on le trouvera aussi au "cul-poupe" du bateau avec le port d’attache de l’armateur ou de la compagnie. Enfin le nom s'affiche tout simplement  sur la proue, à tribord et à bâbord.

En l’absence de cloche, on peut donc identifier une épave aussi par son nom, inscrit à l’avant et à l’arrière du navire. En effet, même dans la construction navale en bois, on peut trouver rajouter sur les bordés de coques les lettres en bronzes du nom du navire, ainsi que celles du port d’attache à l’arrière. Sur les coques acier de notre époque elles sont en matière moins noble, soudées en surépaisseur. Les noms pouvaient être aussi sculptés dans le bois. Quand à la peinture on peut retrouver, sous la concrétion des coques, la trace des lettres.

L’épave du "Niobé" fût ainsi identifiée, grâce aux lettres encore en place sur le cul du bateau. On peut voir encore, sur une autre épave dans le même secteur du Havre, le nom du paquebot "Albertville" sur la proue de celui-ci. Une autre épave, de facture anglaise, sur le secteur de Fécamp n’a toujours pas livrée son nom, malgré la présence de nombreuses lettres en bronze, éparpillées tout autour de ce qu’il reste de la poupe en fer. En effet les lettres du nom sont mélangées avec celles du port d’attache.

Récemment le GRIEME a également pu identifier formellement le Saint-Simon (lire l'article sur sa découverte sur notre site) en retrouvant et décapant la cloche de ce magnifique terre-neuvier.

Donc il ne faut jamais baisser les bras, même en présence d’un tas de ferraille, même sur une vieille coque pillée ou explosée on peut retrouver parfois son nom avec plaisir, tout simplement en caressant son cul ou en l’admirant, les genoux dans le sable, parmi les lettres éparpillées au milieu des coquilles Saint-Jacques.

A voir également dans le musée du GRIEME : Les cloches
Michel TORCHE - GRIEME

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