L'OIFJELD
Sources : LA SAGA DES EPAVES DU PAYS DE CAUX TOME
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SOMMEIL DES EPAVES ET
ODYSSEE
(Page avec séquence vidéo sous-marine haut débit hautement recommandé)
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24/11/1916 - Il est le 69 ème de la liste des 128 navires coulés par l’UB 18
L'OIFJELD ne perdra aucun membre de l'équipage
Mise à jour
30-Oct-2010 12:21
(L'OIFJELD)
Crédit photo : D.R.
ORIGINES EN BREF
L’OIFJELD fut construit en 1912 aux chantiers W .Dobson & Co de Newcastle-upon-Tyne en Grande-Bretagne, pour la compagnie du même nom « Oifjeld ». Cette dernière le vendit en 1915 à l’armateur Klaveness Dampskibs - A/S de Kristiania à Oslo en Norvège.
Ce cargo de 1998 T. mesurait 86.9 mètres pour 12.2 et avait un tirant d’eau de 5.9 m. Il était propulsé par une machine triple expansion de 231 CV fourni par North-East Engineering Co Ltd de Newcastle. Le capitaine Hansen le commandait à la tête de 20 hommes d’équipage lors de son dernier voyage.
Le navire fût torpillé le 24/11/1916 par le UB 18 à 10 milles N/O du cap d’Ailly non loin de Dieppe, le long de la Côte d'Albâtre (Seine-Maritime/76) .
HISTOIRE - L'ATTAQUE
En ce début de matinée automnale le 24 novembre 1916, un fort vent balaie La Manche. Ce coup de "piaule" soulève une mer clapoteuse. Malgré tout, l’horizon est clair et, de la passerelle de la baille à escarbille dont il est le second, Andréas Andersen aperçoit la terre. Il est ce matin de quart sur l’Oifjeld. Parti le 21 novembre de Bilbao avec un gros chargement de minerai de fer, le cargo norvégien fait route, destination Boulogne jusqu’à présent sans incidents
A quelques encablures de lui, après une nuit passée en pêche, une flottille de harenguiers regagnent leur port d’attache. La Manche est loin d’être sûre en cette fin d’année 1916. La Kaiserliche marine, dans le but d’isoler de plus en plus le Royaume- Uni, a lancé une vaste offensive en Manche et s’attaque sans discernement à toutes proies potentielles, navires de commerce comme bateaux de pêche. C’est d’ailleurs pourquoi, le travail des pêcheurs se fait sous la garde de harenguiers patrouilleurs.
(un harenguier)
Ce jour là, ce sont le Mira et la Caille qui les protègent et assurent leur sécurité.
Et de protection, ils en ont bien besoin ! Car au ras de la surface un U-Boot cherche une victime. Le Kapitänleutnant Lafrenz a pris quelques jours auparavant le commandement de l’U18.
Ce petit sous-marin côtier d’attaque de la classe UB a derrière lui une déjà bien belle carrière. Son premier commandant, le Kapitänleutnant Otto Steinbrinck a, avec lui coulé 67 navires entre le 16 février et le 27 octobre 1916.
Depuis sa prise de commandement le 28 octobre, seul un petit bateau de pêche a croisé la route du sous-marin. Le Hendrick un navire de 35 tonnes repose désormais au fond de La Manche.
Le destin de l’Oifjeld se scelle quand une détonation retenti suivie d’une gerbe d’eau dans le sillage du vapeur. Il est 10 h 40, le bruit est bien celui d’un obus et les regards de l’équipage présent sur le pont du cargo se tournent vers bâbord arrière et repèrent le kiosque du sous-marin.
La guerre sur mer ne connaît pas de sentiment, et dès lors, le capitaine Hans Hansen ne se fait plus guère d’illusion sur la suite des évènements et le sort de son navire.
Les commandants des U-boots allemands dans le but d’économiser leurs torpilles, préfèrent attaquer les navires de commerce non armés au canon. Un reste d’humanité prévalant encore sur les océans, l’équipage est forcé de quitter le bord du navire victime, sur les chaloupes avant que le canon fasse sont œuvre.
Ainsi, la pluie soulevée par la gerbe d’eau de l’explosion est à peine retombée sur le pont que l’ordre de stopper le navire est transmis à la chambre des machines et les canots sont mis à la mer.
D’abord anonyme, le sous-marin hisse rapidement le pavillon "AB" signifiant l’ordre d'évacuation immédiat du navire. Chacun peut apercevoir à ce moment le pavillon de guerre allemand.
Mais la gerbe d’eau et le fracas de l’explosion ne sont pas passé inaperçus auprès des équipages des navires de pêche et en particulier ceux des harenguiers patrouilleurs. L’alerte est rapidement donnée et c’est au maximum de puissance que puissent leur fournir leurs chaudières que le Mira et la Caille se portent au secours de l’Oifjeld.
Les coups de canon tirés du Caille ont pour effet de faire disparaître le U-Boot de la surface. Touché ? En réalité, le Kapitänleutnant Lafrenz, contraint de s’immerger, tente d’infliger de derniers dégâts avant de disparaître.
En surface, c’est la confusion, et la fébrilité des canonniers provoque des tirs au moindre bouillonnement sous la surface, au risque de toucher les chaloupes des malheureux marins norvégiens. Le UB18 en immersion périscopique s’éloigne, non sans tenter un dernier essai pour remplir sa mission.
Quelques minutes plus tard, alors que le calme semble revenu à la surface de La Manche, une formidable explosion embrase le vapeur abandonné. Une torpille vient d’exploser contre la coque tribord de l’Oifjeld. Rapidement, le vapeur s’enfonce par l’arrière. Une deuxième détonation, provoquée par l’inondation de la salle des machines et l’explosion d’une chaudière achève le travail du sous-marin.
Le cargo presque coupé en deux s’enfonce par l’arrière. Sa proue s’élève vers le ciel et le bateau disparaît définitivement dans les eaux vertes de La Manche.
(Le naufrage de l'Oifjeld se présenta comme ceci - Précision, ce navire n'est pas l'Oifjeld)
Pour tous les bâtiments attirés sur zone par ce remue-ménage, il ne reste plus qu’à récupérer les chaloupes des naufragés. Ceux ci, forçant sur les rames, se sont éloignés aussi rapidement que possible du lieu du naufrage qui menaçait de les engloutir.
Il ne s’est écoulé qu’une dizaine de minutes entre l’explosion et la disparition de l’Oifjeld. Un navire de pêche récupère alors les passagers du canot tribord. L’équipage du canot bâbord sera secouru par le contre torpilleur Yatagan.
Vers 14 h 30, les infortunés marins norvégiens étaient débarqués sur les quais du port de Dieppe dans le dénuement le plus total. Si ceux-ci avaient réussi à sauver quelques effets personnels, ils avaient été abîmés dans les canots sur la mer agitée.
Dès le lendemain, sur les directives du consul de Dieppe, tout l’équipage fut envoyé au Havre d’où leur retour au pays fut organisé.
Quant au UB18, il aura encore de beaux jours devant lui. Il finira sa carrière le 9 décembre 1917, coulé par un chalutier armé anglais, le Ben Lawler, emportant avec lui les 24 hommes de son équipage, dont son commandant à l’époque, l’ Oberleutnant zur See Georg Niemeyer.
TEMOIGNAGES - EXTRAITS DES ARCHIVES ALLEMANDES ET NORVEGIENNES
Le 27 novembre 1916 fut affirmé au vice-consulat de Norvège au Havre, le rapport de mer du vapeur OIFJELD coulé le 24 novembre dans La Manche par un sous-marin allemand alors qu’il rentrait de Bilbao pour Boulogne avec un chargement de fer. L’affirmation eut lieu devant le vice-consul Hammer. Comparu le capitaine Hans Hansen domicilié à Sandefjord, capitaine de l’OIFJELD qui déposa un rapport de la teneur suivante :
Extrait du journal de bord de l’OIFJELD :
« Vapeur OIFJELD de Kristiana, jauge nette 1086 T, numéro MHBJ ; appartenant à Aktieselskabet Dampskibet Oifjeld, Holen »
Le navire quitta Bilbao le 21 novembre à 11 h 30 du matin, destination Boulogne avec son chargement de minerai de fer .
Le voyage se poursuivit sans incidents jusqu’à 10 h 40 du matin le 24 novembre. A ce moment, un coup de canon se fit entendre par bâbord et on aperçu un sous-marin à 1 degré par bâbord arrière. Il avait hissé des signaux qu’il était impossible de distinguer, mais on supposa être les lettres M N. On signala à la machine « attention », puis 5 minutes plus tard à 10 h 45, « stop ».
Le sous marin, hissa alors le signal AB (signifiant : Quitter le navire au plus vite). Les embarcations fûrent mises à la mer et tous les hommes y prirent place. Le canot de tribord était à peu près à une longueur du navire quand le sous-marin passa devant lui. Il portait le pavillon de guerre allemand.
A 11 H 20, il lança sur l’OIFJELD une torpille qui atteignit le navire dans le voisinage de la cloison arrière de la machine.
L’arrière s’enfonça immédiatement et à 11 h 30 le navire avait entièrement disparut.
A midi les hommes qui montaient le canot de tribord furent recueillis par un pêcheur français et à peut près simultanément, l’équipage du canot bâbord fut rencontré par le patrouilleur français du nom de Yatagan qui les débarqua à Dieppe.
Le torpillage du navire eut lieu à 10 milles dans le nord ouest de la pointe d’Ailly. L’équipage ne put sauver qu’une faible partie de ses effets, et encore, furent ils abîmés dans le canot pendant le transport. Le lendemain, tout l’équipage fut, par les soins du consul de Dieppe, envoyé au Havre.
Le capitaine se référa à son rapport et ajouta qu’il n’avait remarqué aucun numéro sur le sous-marin. Il ne vit d’ailleurs personne à bord et le commandant du sous-marin n’eut pas l’occasion de voir les papiers. Il se contenta de signaler que le navire devait être abandonné. Il ventait assez frais et on pouvait apercevoir la terre.
Comme premier témoin, comparu Andréas Andersen, domicilié à Vestre Molland, 29 ans second à bord de l’OIFJELD. Il déclara que c’était lui qui avait écrit le rapport ci dessus reproduit qu’il s’y référait et n’avait rient à n’y rajouté.
Comme deuxième témoin, comparut Peder Anton Hennie Synnestvedt, domicilié à Bergen 45 ans, chef mécanicien sur L’OIFJELD.
Il déposa qu’il avait vu le pavillon allemand sur le sou s marin mais seulement après qu’il se fut embarqué dans le canot. Il était de quart dans la machine quand le sous-marin se signala.
Lu et approuvé.
Comme troisième témoin comparut Edvard A Mickaelson, domicilié à Pargas, (Finlande) 25 ans, Lieutenant à bord de l’OIFJELD. Il était de quart sur la passerelle lorsque le sous-marin tira son coup de canon. Il ne vit pas d’abord son pavillon national, mais n’aperçu que des pavillons de signaux qu’il ne pu distinguer. Quelques moments plus tard, fut hissé le pavillon AB et ensuite le pavillon de guerre allemand.
Lu et approuvé.
Les témoins prêtèrent serment et l’affirmation du rapport de mer fut déclaré terminé.
Sous-marin côtier de la classe UB 2, déplaçant 292 T en plongée, ce sous-marin d’une longueur de 36 mètres était propulsé par deux moteurs diesels et deux moteurs électriques de 280 CV.
Il démarra donc sa carrière de «tueur» le 26 février 1916 en coulant le navire AU REVOIR, plus à l’ouest sur Le Havre (voir la Saga Tome 1ou le tableau des victimes de l'UB18 ci-dessous)
Equipés de deux tubes superposés de 508 mm en proue et d’un canon Krupp de 5 cm, il pouvait parcourir jusqu’à 6500 milles en surface.
Lancé à l’été 1915, il appartenait à la première flottille des Flandres (Bruges) et en octobre 1916, l’Oberleutnant Lafrenz en prenait le commandement.
(UBOAT du type du UB18)
C’est le 9 décembre 1917, qu’éperonné par le chalutier armé anglais BEN LAWLER, à l’ouest de Jersey, que disparut avec ses 24 hommes d’équipage, Georg Niemeyer son UB 18. Restait néanmoins à son actif un nombre impressionnant de victoires :
128 navires coulés (133.327 tonnes)
3 navires endommagés (3.217 tonnes)
La liste des "victimes" du UB18 - Quelques détails, cliquez ici
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UN SUDISTE CHEZ LES NORDISTES
(Dessin GRIEME - Michel TORCHE)
(Texte extrait du journal Paris-Normandie du 29/09/2002)
Sur invitation des membres du GRIEME, Groupe de Recherches et d'Identification des Epaves de la Manche Est, Patrice Strazerra, passionné d'images sous-marines et auteur de quatre ouvrages à ce sujet, est venu en Normandie du 14 au 17 mars.
Jeune association dynamique créée il y a un an, le GRIEME composé de ses onze membres a fait appel à Patrice Strazerra « pour découvrir les fonds marins de la Côte d'Albâtre, photographier et raconter des épaves jusqu'alors inconnues. »
C'est entre ses différentes sorties en mer que Patrice est venu à la rencontre des passionnés de plongée au magasin Villetard de l'Ile Lacroix samedi après-midi. Sur un mode improvisé, chacun a pu poser ses questions à Patrice Strazerra qui a ensuite commenté des diapositives de ses plongées en Méditerranée ; anecdotes, commentaires, Patrice est intarissable sur les détails relatifs à chaque épave.
Un esprit avant tout
Ambiance détendue, échanges soutenus, humour sont au programme de cette rencontre. « Les épaves sont une base commune à l'esprit de camaraderie. Ecrivant des livres et connaissant l'équipe du GRIEME ce séjour en Normandie s'est organisé très simplement ; nous avons tous le même esprit et des expériences à partager » indique Patrice. De nouvelles expériences sont à l'ordre du jour avec les plongées en Manche de la veille à bord du HMS Daffodils et du Gaus : "La météo en Normandie est un peu difficile, ce ne sont pas les eaux limpides des îles, les épaves gardent leurs mystères, leurs secrets".
J'ai toujours un livre en préparation et ces épaves de Normandie feront partie de mon prochain ouvrage. »
(Article journal PARIS-NORMANDIE)
L'OIFJELD SOUS L'OEIL DE PATRICE STRAZERRA
Rendez-vous sur le site
SOMMEIL DES EPAVES
pour découvrir d'autres images de Patrice STRAZERRA
ETAT GENERAL DE L'EPAVE
Date du sinistre signalée sur la fiche SHOM le 18.05.1918. Epave reposant sur le fond incliné sur le flanc tribord. Son étrave est inclinée de sur un angle de 30° par rapport au sable, cassée mais représentant une hauteur actuelle de 6 m du fond.
PLONGEE SUR L'OIFJELD -
IMPRESSIONS
Aggrandir le dessin, cliquez ici - Aggrandir la photo N & B cliquez là !
(L'OIFJELD vu par Michel TORCHE - Plongeur/Dessinateur au GRIEME)
Pas grand monde en mer ce jeudi 05 octobre 2000 ! La ligne d’horizon me semble bien brisée. Il est 9 h 00 du matin, lorsque nous sortons du port de Saint Valéry en Caux à bord du « Narcose », le bateau de plongée « alu » du club de Cany, patron François Mathieu, ami de longue date et président de la commission archéologique de Haute-Normandie pour la F.F.E.S.S.M.
Il nous faut sortir bien avant la marée basse, mais cela ne fait rien, car François doit vérifier les coordonnées d’un point, celles de l’épave en bois, et nous nous y dirigeons, cap nord-ouest dans une mer formée et colorée d’un splendide vert bouteille. La longue houle d’ouest fait bondir le « Narcose », et ce n’est que le commencement !
L’épave ciblée, malgré sa faible hauteur et la houle, est confirmée dans ces points au large, face à la centrale nucléaire de Paluel. Tout en faisant route, cap au nord-est vers l’épave aux bars, François sort son «press-book» du coffre de la cabine de pilotage et nous fait son topo sur cette épave, comme tout bon directeur de plongée. Il nous montre le dessin de l’épave, toujours sans nom, malgré les recherches effectuées auprès du SHOM qui lui a communiqué la date précise du naufrage lors de la 1ère guerre mondiale.
Nous mouillons l’ancre et une bouée à quelques encablures de l’épave et nous nous laissons déporter par le courant et le vent vers celle-ci. Le bout se tend, l’épave est enfin crochée, et nous ne dérivons plus, il est temps de se préparer. La houle fait rouler et tanguer le bateau bord sur bord, le vent se renforce. Le temps de s’équiper et nous nourrissons à tour de rôle les poissons ; seul François reste impassible, le regard moqueur et compréhensif à la fois, derrière ses lunettes .
Ouf ! C’est vrai qu’il n’y a que sous l’eau que l’on se trouve bien, et nous descendons, Eric et moi le long du bout. A 20 mètres, j’aperçois le flanc de l’épave et, une dizaine de mètres plus loin, les deux tiers plongeurs qui se préparent à entamer la remontée. François attendra leur retour en surface avant de descendre lui-même avec son coéquipier. Posés sur le franc bord de l’épave, nous observons la mèche du gouvernail qui se dresse vers la surface, tel un épouvantail, avec ses guirlandes de filets déchirés qui pendent sur le secteur de commande fixée en son extrémité.
Comme sur le dessin, nous sommes bien sur la poupe du bâtiment. Le temps de gonfler nos «gilets stabilisateurs» à la bouche, nous nous laissons tomber doucement, en planant le long de la coque, en retrait de celle-ci, afin d’obtenir la meilleure vision possible. Un régal ! Le sable d’un blanc éclatant fait contraste avec la masse sombre de l’arrière de l’épave.
Le gouvernail se découpe, puis l’hélice quadripale s’offre à nos yeux, lorsque nous nous posons sur le fond de 30 mètres.
Pendant qu’Eric traverse entre le gouvernail et l’hélice, j’en fais le tour par l’extérieur et tombons ensemble, par tribord arrière, sur un lavabo, du moins son cadre car le fond de la vasque et éparpillé aux alentours. Derrière nous sur le sable, j’aperçois en me retournant, à une dizaine de mètres, ce qui me semble être un mât.
Pas de poisson à l’extérieur de l’épave, mais, après avoir remonté le long de son bordage, et franchit son bordé affaissé vers l’intérieur, une multitude de pensionnaires en arpentent sa cale, nullement gêné par notre présence. Ne parlons pas des sempiternels bancs de tacauds, mais plutôt des gros «pépères», bars et lieus dont rêve tout pêcheur à la ligne.
Les poissons déambulent, un oeil sur nous au cas où... Et quand même, ce qui veut dire que l’année se termine et que l’eau commence à refroidir, 2 beaux cabillauds, morue quand il est salé... 17 degrés, c’est encore chaud pour plonger par «ché mé» ! L’épave porte bien son nom.
Nous parcourons la cale arrière, ou parmi la ferraille l’on voit des cailloux, reste d’un chargement non encore identifié.
Puis nous arrivons, parmi un amas de tuyauterie qui nous semble découpée proprement, au très imposant moteur triple expansion du vapeur, avec un peu plus loin, occupant tout l’espace, deux belles chaudières côte à côte, intactes et de gros diamètre, courtes en longueur.
Poursuivant notre progression, nous franchissons un amas de tôles empilées les unes sur les autres, toujours accompagné d’une nuée de poissons, puis deux treuils de charge de bonne taille, avant de plonger sur le chargement plus important de la cale avant.
Du caillou, toujours du caillou qui doit être du minerai peut-être... Un prélèvement pour une future analyse, et c’est le chargement qui pourrait, à l’occasion dévoiler le nom de ce vieux cargo, faute d’autres choses.
Nous refranchissons de nouveau d’autres treuils et quelques tronçons de mats pour arriver enfin sur la proue du navire. Il lui manque sa partie bâbord, ce morceau de très grande taille étant culbuté sur les hauteurs devant nous, comme si le bateau avait été abordé par l’étrave d’un confrère.
Est-ce l’origine de sa perte ? Une hypothèse parmi tant d’autres. Du faux pont avant, sort une boule, extrémité de ce que je pense être un jas d’ancre, une de miséricorde.
Plus haut par-dessus, posée bien à plat sur la coque pliée, logée dans son écubier l’ancre tribord à pattes semble reposée pour l’éternité.
L’étrave de l’épave est tordue à 45 degrés sur tribord, et le pont avant se retrouve donc à la verticale. Nous effectuons de nouveau une chute libre tout en admirant la masse énorme du treuil de guindeau, qui semble s ‘accrocher désespérément au pont pour ne pas tomber sur le sable, plusieurs mètres plus bas. Lui aussi ressemble à un sapin de Noêl avec ses morceaux de filets qui pendouillent dans le vide. Très impressionnant... Tellement impressionnant que je n’ose m’engager dessous pour observer le pied de l’étrave, et peut-être y trouver la cloche libérée de son support. En effet, comme beaucoup de gros cargo de l’époque, celle-ci se trouvait sur un support fixé au treuil de guindeau avant.
Consultant mon ordinateur, je fais signe à Eric qu’il nous faut faire demi-tour pour revenir au mouillage se trouvant sur la poupe suivant les directives du directeur de plongée. Consultant lui aussi ses paramètres, il acquiesce d’un signe et nous remontons sur le gaillard d’avant.
Au débouché des chaudières nous croisons François, que je salue de manière militaire et poursuit avec Eric, notre flânerie dans la cale arrière. Sur tribord, Eric me montre le reste du double bordage de coque de la cale encore en place. Arrivé au mouillage, au pied de la mèche du gouvernail, j’entends l’ordinateur d’Eric qui « bip » pour l’informer de la fin de plonger sans palier, puis c’est le mien qui me rappelle à l’ordre.
Nous entamons la remontée le long du bout qui s’agite furieusement sous les coups de bélier du « Narcose ». Je me dis qu’à la surface, la houle a du forcer. Au palier des 3 mètres «variables», mon ordinateur m’indique « no déco », mais ce n’est pas le cas pour Eric que je me dois d’accompagner pendant 1 minute.
Nous regardons la coque plus loin derrière nous qui n’en finit pas de rebondir au passage des vagues.
Terminé pour Eric qui me fait signe... Maintenant le plus dur reste à faire : Attraper les échelles arrières qui se défilent à chaque fois devant le nez ! Puis s’en suivra le "4 pattes" sur le pont pour éviter d’être jeté à terre, et de nouveau, l’estomac aux bords des lèvres, le temps de retrouver l’équilibre interne…. Mais sans aucun regret !
Torché Michel en l’an de grâce 2000 après J.C
QUELQUES ANNEES APRES L'OIFJELD VU AUTREMENT
La difficulté d'illustrer une épave par le dessin réside dans la perception individuel du dessinateur et dans ses options graphiques. Au delà de la maitrise de la technique du dessin, s'ajoute la perception du plongeur, son effort de mémorisation et son travail à partir de photographies ou de vidéos. Enfin, ultime paramètre et aps des moindre, le moment ou le dessin est réalisé. En effet, une épave est en quelque sorte "vivante" momentanément tant que les années et la nature n'ont pas fait leur oeuvre de "digestion" totale pour ne laisser quasiment aucune trace ou presque.
Dans cette perspective, nous vous offrons ci-dessous une autre vision de l'Oifjeld réalisée par Jean-Luc Lemaire, plongeur au GCOB (Seine-Maritime) et membre de la section Histoires Maritimes de cette association.
Publication avec l'autorisation de l'auteur
Pour découvrir davantage de détails dans une image plus grande, cliquez ici ou sur le dessin
LOCALISATION
- ACCES
Europe 50
50°03,382 N - 01°06,785
E
Port
d’accès conseillé : Dieppe
SEQUENCE
VIDEO SUR L'OIFJELD
(Page avec séquence vidéo de l'OIFJELD
- Haut débit fortement recommandé)
REMERCIEMENTS
LES CORSAIRES D'ANGO (Photos de la clôche de l'OIFJELD)
Le site UBOAT.NET
CREDIT PHOTOS
SOUS-MARINES
Patrice STRAZZERA (Noir et
blanc) et GRIEME
(Couleur)
Reproduction interdite sans autorisation
RETROUVEZ L'OIFJELD DANS LES OUVRAGES
LA SAGA DES EPAVES DU PAYS DE CAUX -
TOME 2
LE SOMMEIL DES
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Ché mé : "Chez moi en cauchois"